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De sable et de ciment de Jorge Leon

Publié le 01/01/2003 / Catégorie: Critique

Le cinéaste pose d'emblée la question : "Peut-on bâtir une vie sur des fondations pourries ?". Il s'adresse à Elias, une personne qu'on ne verra jamais et dont on ne connaît pas le lien avec ce dernier, sous la forme d'une lettre en parlant d'une femme qui a mis fin à ses jours laissant derrière elle un fils. Il décide de mener une enquête accompagné du fils. Ils se rendent sur les lieux, interrogent les témoins. Que trouvent-ils ? Trois fois rien, des bribes de souvenirs, des ruines. Il ne nous dira jamais pourquoi on ne peut bâtir une vie sur des fondations pourries et quelles sont-elles dans le cas d'Ana, sans doute par respect, par pudeur ?

Le film s'inscrit dans le genre du road movie. Les paysages défilent de Bruxelles à Lisbonne, quelquefois des arrêts aux airs de repos. On franchit les espaces comme les étapes de la vie. Le film se construit progressivement à coups de pioches, de briques posées les unes sur les autres. La répétition d'images qui évoquent la mort devient construction comme le sable déversé pour faire le ciment, les dalles que l'on pose pour bâtir les trottoirs. En ça le film nous dit que même si la vie est éphémère, elle n'est pas fugitive car chaque instant qui nous est donné à vivre, nous construit, nous transforme.

 

Le réalisateur en sort transformé et décide de donner rendez-vous à ses parents au pays basque, où ils vivaient autrefois, à l'époque de la guerre civile d'Espagne. Au bout de l'enquête, comme un revers, on quitte la vie d'Ana pour aller vers celle du réalisateur. La dernière partie du film, qui pourrait constituer un court métrage en soi, est un retour aux sources où l'enfant et l'adulte se rejoignent au présent dans le passé. Faut-il parfois prendre des détours pour retrouver son chemin ? Le triangle se reforme : la mère, le père et le fils comme il y avait Ana, son fils et le réalisateur. Un premier film singulier et bouleversant.

 

Karen S.H.

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