Cinergie.be

EN VILLE ! 2024. Table ronde : Cinéastes au travail

Publié le 19/02/2024 par Basile Pernet / Catégorie: Événement

Le 2 février dernier, la Maison européenne des Autrices et des Auteurs (MEDAA) a ouvert ses portes au public pour une rencontre avec quatre réalisateurs et réalisatrices programmé.es au festival En Ville !, qui fêtait cette année sa sixième édition. Piqué de curiosité, Cinergie s’est rendu sur place et ne peut résister à l’envie de délivrer quelques éléments de cette intéressante conversation.

Eléonore Saintagnan est venue nous parler de Camping du Lac, Paloma Sermon-Daï de son dernier film Il pleut dans la maison. Côté cinéma et jeu vidéo, nous avons eu le plaisir de rencontrer Quentin L’helgoualc’h qui, représentant ses deux coréalisateurs, a raconté son expérience avec le film Knit’s Island. Enfin, et dans un registre encore différent, Narimane Mari était présente pour décrire sa pratique du cinéma, notamment avec Loubia Hamra, réalisé en 2013.

EN VILLE ! 2024. Table ronde : Cinéastes au travail

Fiction et/ou réalité, c’est bien sur ce genre de thèmes que se sont penché.es les quatre cinéastes, habitué.es à s’écarter des codes de narration et de représentation ordinaires, pour privilégier une vision personnelle, une expérience, un souvenir, ou même un sentiment. Tant qu’il est possible de raconter, les moyens semblent ne pas manquer pour ces quatre-là.

Animée par Pauline David, programmatrice du festival et directrice du P’tit Ciné à Saint-Gilles, cette conversation a eu pour principal intérêt de réunir des cinéastes aux pratiques différentes, mais dont le travail repose sur des intentions de la sobriété et d’authenticité : des tournages à moindre effectif, des coups de production bas, des décors réels, des acteur.ices professionnel.les et amateur.ices. Pour le cas plus particulier de Quentin L’helgoualc’h – dont le film repose sur un monde virtuel issu d’un jeu vidéo en ligne, avec des avatars en guise de personnages – il faut souligner le travail de recherche et d’expérimentation qu’a nécessité le développement d’une idée aussi audacieuse. Ici, l’intention de réalisation est motivée par une envie de travailler à partir d’un matériau complexe et peu employé, qui redéfinit la manière d’aborder l’écriture et la mise en scène d’un film, pas moins que la notion d’acteur.

Précisément, pour chacune et chacun de nos quatre invité.es, l’idée est substantielle ; une idée à partir de laquelle s’ouvre un champ illimité de possibles. C’est à cet endroit que leur travail se démarque de ce que nous pouvons avoir l’habitude de voir : toutes et tous s’engagent dans une direction sans jamais se fermer aux éventualités narratives et diégétiques qui s’offrent à elles/à eux. Motivé.es par la colère, par cette « nécessité d’être libre » disait Narimane Mari, par un désir narratif intense, ou par une envie d’expérimenter ce qui ne l’a jamais été, ces quatre cinéastes semblent moins inspiré.es par le strict périmètre de leur vie personnelle que par le monde, ses êtres vivants, ses récits, ses inventions. Le cinéma permet alors la mise en scène d’un regard critique. Cinéma du réel, certes ; mais d’un réel qui peut être fantasmé, donc plus ou moins réaliste.

Dans son film, Quentin L’helgoualc’h propose un monde sans limites spatiales (un « open world » dans la lexicologie du jeu vidéo), avec une personne réelle derrière chaque avatar. Éléonore Saintagnan, de son côté, part à la recherche d’un lac artificiel, d’une étrange réalité, chargée de mythes celtes, de personnages atypiques et d’un monstre des eaux. Elle affirme notamment faire un usage « extrême » de la musique pour « détourner ce qui se passe à l’image ».

 

De manière générale, ces quatre cinéastes s’accordent à transfigurer le réel, ou au contraire à le figer, pour susciter chez le spectateur une envie de le distordre. Mais avant tout il est question de pudeur et de sincérité. Un film est indissociable des rencontres et échanges qu’il engendre, avec l’équipe tout d’abord, mais aussi avec les personnes qui sont concernées par le choix du récit, ou qui vivent à proximité du lieu de tournage et en connaissent l’histoire, les anecdotes, la vie tout simplement. En somme, toutes et tous semblent revêtir une casquette de chercheur, d’archéologue, de reporter. C’est dans ces dispositions que peut prendre place un jeu de va-et-vient entre réalité, virtualité et fiction. 

Tout à propos de: