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Entrevue avec Joachim Lafosse

Publié le 01/10/2002 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Né à Uccle en 1975, le premier film que joachim Lafosse a vu en salle, à quatre ans, était Bambi. "J'étais passionné, terrifié, subjugué. C'était à l'Avenue, une salle qui n'existe plus, à côté du Quick de l'avenue de la Toison d'Or". Joachim a la chance d'avoir des parents qui l'emmène au cinéma une fois par semaine. "A leur séparation, on allait souvent au cinéma avec ma mère. Je me souviens d'avoir vu Kung Fu Master, qui m'a marqué. Elle nous emmenait voir de tout. Mon père nous y emmenait aussi. Sans se le dire, ils avaient cette passion tous les deux. Sinon, à la TV, on n'avait que la RTBF, mon éducation audiovisuelle s'est faite là. Il y avait encore le ciné-club. Je me souviens du cycle Tati".

Entrevue avec Joachim Lafosse

Il fait ses primaires dans une école spéciale qui pratique la pédagogie Freinet. "On faisait des ateliers tous les après-midi. Mais après, ça a été très chaotique. J'ai retrouvé le plaisir des mes primaires dans le fait de travailler ensemble en faisant du cinéma. L'ambiance du tournage est semblable à celle qu'on avait dans ces projets." Bref le secondaire est une catastrophe. A la quatrième il arrête et passe le jury central en élève libre. "Ça m'a beaucoup plu. J'ai retrouvé la possibilité d'être autonome. Ce rapport au savoir me plaisait plus. Mon papa est photographe mais il n'a pas vraiment essayé de construire une oeuvre personnelle et en a gardé une certaine frustration. Mais, moi je garde des traces de nos discussions."

 

Ayant rencontré l'attaché de presse du Théâtre National, celui-ci lui fait découvrir la magie du théâtre et pendant deux ou trois ans, il mène une vie de "moine" du théâtre. Ce qui le passionnait le plus, c'était les comédiens. Il décide logiquement de préparer les examens d'entrée du conservatoire, mais au dernier moment, il fait faux bond effrayé à l'idée qu'être comédien c'est aussi dévoiler une partie de sa personnalité. Deuxième rencontre capitale : Yvette Merlin, une actrice qui a joué dans pas mal de films, lui dit : "Ne fais pas la mise en scène, fais du cinéma. Car tu pourras encore faire de la mise en scène de théâtre par après, mais pas le contraire."

 

Il s'inscrit à l'IAD, y découvre l'oeuvre de cinéastes comme Truffaut, Godard, Loach qu'il ajoute à ces réalisateurs favoris : Pialat, Bresson, Cassavetes, Bergman. D'ailleurs, en seconde année, il réalise une adaptation de Bergman : Après la répétition, une discussion entre un metteur en scène et sa comédienne. "Ça me permet de tourner du théâtre. J'ai voulu montrer quelque chose qui parle du théâtre mais de manière cinématographique".

 

Egoïste nature, est son premier film pellicule, de 8'. "Il m'a permis de tester une forme cinématographique : travailler sur des plans séquences terminés sur un fondu fermeture fait sur plateau. Le sens est questionné constamment. En le réalisant, j'ai eu un retour mémoire. Je me suis souvenu que, petit, mon père étant photographe, il nous montrait des travaux qu'il faisait en dias. Chacune était séparée par un fondu : c'était un diaporama." En 1999, il réalise Rien sur Robert (5'). L'idée était de travailler sur une comédie avec Serge Larivière qui jouait le rôle de Luchini dans le film de Bonitzer. Enfin, on arrive aux péripéties entourant la réalisation de Tribu.

 

"A l'IAD, il y avait une règle : le film ne peut pas dépasser 12'. Les films sont budgétisés dans ce sens. Moi, j'ai commencé à écrire le scénario, étant bon élève, ils ont accepté le projet. Mais je savais bien qu'il ne ferait pas 12' mais le double. J'ai été trouvé le directeur, il ne voulait plus que je fasse le film. Finalement, ils nous ont laissé faire. On l'a fait avec le même budget qu'un 12'. Ce qui signifie qu'il n'y avait que une ou deux prises par plan. On a fait deux semaines de répétitions dans les lieux de tournage avec les comédiens, ils travaillaient la lecture du scénario depuis six mois. On n'avait pas le droit à l'erreur. Tout ceci donne une identité au film. L'expérience théâtrale m'a permis de savoir ce qu'un acteur pouvait apporter, de l'utiliser au mieux. Ce sont les premières personnes avec qui je travaille. Dans Tribu , les personnages sont incapables de se parler. La confrontation va au-delà de la parole. La famille est un thème que je vais encore traiter. La famille est un lieu de mouvement qui doit permettre des entrées et sorties. L'IAD n'a pas voulu montrer le film car il était trop long. Je me suis battu, j'ai fais signer une pétition, pour demander à l'IAD de projeter le film. Ils ont finit par projeter le film. Dominique Jeanne l'a vu et est venu me demander si j'avais un projet. Je lui ai proposé quelque chose, il m'a dit : "ça c'est pour un long métrage, mais on y va", j'ai été soutenu dans l'écriture, financièrement. Il a eu cette démarche alors que le film n'avait pas encore reçu de prix. Je me suis rendu compte combien il était important d'avoir un récit avant, de savoir ce qu'on va raconter. J'ai aussi découvert l'importance de l'ellipse. Sur Tribu, on a pris des risques au niveau de l'ellipse. La monteuse ne savait pas trop ce qu'elle avait à faire étant donné que ce n'étaient que des plans-séquences terminés par un fondu."

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