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Entrevue avec Michaël Goldberg dans Michael Blanco

Publié le 01/10/2004 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Il monte les escaliers deux à deux, sans être essoufflé le moins du monde lorsqu'il arrive à Cinergie, au quatrième étage, dégageant une énergie peu courante. Michaël Goldberg est un producteur qui, dés qu'il vous parle, est d'une incroyable expressivité. Il parle avec tout son corps. Michaël Blanco, le film qu'il a produit et dans lequel il incarne le personnage principal en aurait-il fait un acteur ? Michaël transpire l'amour du cinéma. Il nous fait penser à cette phrase de Daney : « Si on ne croit pas un tout petit peu à ce qu'on voit sur un écran, ce n'est pas la peine de perdre son temps avec le cinéma ». 

Portrait

Michael Blanco de Stephan Streker

 

Le premier film dont il se souvient est King Kong mais celui qu'il a aimé lorsqu'il l'a découvert à 6 ans est Derzou Ouzala d'Akira Kurosawa. Une histoire de regard, voire même de coup d'oeil. « Je n'en revenais pas. J'ai commencé à le revoir récemment en DVD et je me suis arrêté tout de suite, ayant gardé du film un souvenir que je voulais garder intact. ». Ensuite, il y a la rencontre avec beaucoup de films. Une lente découverte du cinéma qui en fait un cinéphile. « Il y a quelques films qui m'ont fait prendre conscience de ce que je voulais véritablement faire. Il y a eu Les ailes du désir de Wim Wenders, Le Mépris de Jean-Luc Godard, Deer Hunter de Michaël Cimino. Les ailes du désir est le film qui m'a laissé la trace la plus profonde. Je n'ai plus été le même après l'avoir vu ». L'aventure cinématographique commence lorsque, ayant eu l'opportunité de participer à un tournage, il commence à travailler comme assistant réalisateur, à Paris, sur des longs métrages. Ce qui lui procure un plaisir fou. « Je me suis retrouvé, malgré moi, à travailler dans le cinéma, sans passer par une école de cinéma. Au bout de deux ans, je me suis aperçu qu'il me manquait une certaine culture cinématographique plus profonde. J'ai donc ralenti le rythme et j'ai suivi les cours à l'Elicit ». Un apprentissage qui lui permet de regarder quantité de films et de fréquenter des professeurs qui lui offrent une base théorique.

 

Il se décide à être producteur plutôt que réalisateur par attrait pour une fonction dans laquelle il se sent à l'aise. « Cela m'est venu naturellement, j'aime insuffler de l'énergie à une équipe. Le rôle m'a plu avec parfois de petites frustrations en me rendant compte que je n'allais pas être au centre de la création artistique. » C'est une chose qu'il assume cependant rapidement tout en réalisant Pour une poignée de palmiers, un court métrage qui a fait sa vie et marqué certaines personnes. « J'ai réalisé quelques clips mais ma première fonction est d'être producteur. On ne choisit pas toujours ce qu'on fait par rapport à ce qu'on est capable de faire. En étant producteur, on apprend à initier. J'adore voire le cinéma se faire, le travail d'artisan, être confronté à la fabrication du cinéma et je pense que le spectre de l'acteur est plus réduit. » Le plus important pour Michaël est de rencontrer les artistes avec lesquels il va travailler et de sentir qu'il y a une communauté d'esprit avec eux et qu'ensemble ils sont capables de se transcender. Ceci étant, il avoue que si il y a des frustrations dans le métier de producteur, elles sont souvent compensées par le fait d'avoir un gros cigare et une grosse voiture. « Dans le cinéma belge ce genre de compensation n'existant pas, il faut essayer de chercher ses satisfactions ailleurs. En tant qu'acteur, on dépend du regard des autres. C'est tout à fait l'inverse. Il y a un rapport à la créativité beaucoup plus profond mais qui entraîne aussi beaucoup de souffrances. Tandis qu'en tant que producteur, on peut se protéger. »

 

Choisi par Stephan Streker pour incarner Michaël Blanco, il se rend, 6 mois avant le tournage, à Los Angeles pour préparer le film comme producteur et comme interprète. « Ma manière d'être producteur est d'investir énormément dans le côté artistique il y a donc dans ma démarche une volonté de recherche artistique. » Tant et si bien que le fait d'être acteur lui paraît une démarche naturelle. « Je sentais le projet de Stephan sur un gars qui a envie de partir à Los Angeles et qui veut devenir célèbre. J'avais sans doute envie d'exprimer mes propres désirs d'être sous les feux de la rampe. Soyons clairs. Je ne suis pas Michaël Blanco, je suis un producteur qui met les choses en place mais j'avais cette part de Michaël Blanco qui est de dire : arrêtons de déconner on fait tous du cinéma parce nous sommes attirés par les sunlights, d'une manière ou d'une autre. En fonction de la personnalité qu'on a on s'est plus ou moins placés dans un angle de lumière qui nous correspond. Parmi les techniciens il y a aussi un rêve de lumière quelque part. Sachant cela je suis parti à L.A. en me disant puisque Stephan et Larry Moss pensent que j'en suis capable, montrons-leur que je suis capable d'assumer le projet. » Il y va donc en tant qu'acteur. La solitude de Michaël Blanco il l'a vraiment vécue sauf que lui préparait en même temps la production du film.

 

« Ce qui m'a permis de tenir ce double rôle ce sont les gens exceptionnels qui m'entouraient. On a fait le film avec très peu de gens, mais chacun a donné énormément. Dans cette équipe de tournage comprenant six personnes, il y avait quelqu'un comme Boris Van Gils qui était à la fois premier assistant et co-producteur. Lui-même épaulé par Georgy Liebermann qui est le co-producteur français. »

 


Michael Blanco de Stephan Streker

 

Ce qui n'empêche pas l'interprète qu'il est devenu d'avoir pendant le tournage des angoisses de producteur. « Comment trouver l'argent pour terminer le film. D'autant que je découvrais que c'était un film un peu radical du point de vue artistique. J'ai donc du jongler dans les deux fonctions que j'occupais mais cela fait partie du jeu et de la beauté du projet. L'un des talents de Stephan est de mettre les gens dans certaines conditions, avec un type d'écriture qui leur permet de s'exprimer. L'ambition de Stephan étant d'être réaliste tout en étant fictionnel. Une des choses très fortes que Stephan a réussi à faire est de donner l'impression que c'est un documentaire. Bien que je n'ai jamais eu l'ambition d'être une star hollywoodienne. Le point commun que j'ai avec Michaël Blanco est de penser que c'est notre tour d'être en vie. Que si l'on veut faire quelque chose c'est maintenant ou jamais. Dans la vie, on remet souvent les choses à plus tard et puis on réalise que si on ne les fait pas tout de suite on ne les fera jamais. Cela donne envie de se projeter en avant. On ne trouve pas nécessairement des solutions mais on trouve un état qui nous permet de découvrir notre identité. C'est le parcours profond de tout être humain d'essayer de se rapprocher de lui-même pour s'ouvrir au monde. » « A Los Angeles beaucoup de gens souffrent de problèmes d'identité. Et il est très difficile de se trouver dans un monde dans lequel on n'a pas de repères identitaires. Il y a une souffrance énorme pour ceux qui ne sont plus accrochés à une réelle identité culturelle. Ce monde-là nous envahit. On se met à fantasmer sur les autres en oubliant que c'est en soi-même qu'on trouve ce qu'on a à dire. Nous sommes universels en partant de nous-même. C'est ce que Larry Moss essaie de dire à Michaël Blanco. »

Bon raccord pour vous dire que Larry Moss réalisera un film l'an prochain et a proposé un rôle à Michaël Goldberg. « C'est le plus beau cadeau que la vie puisse m'offrir, conclut Michaël. » Parce que Michaël Goldberg était un projet très périlleux, il tient à ajouter qu'il remercie tous ceux qui l'ont aidé à faire le film ainsi que tous ceux qui ne l'ont pas aidé.

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