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J'ai toujours voulu être une sainte de Genevière Mersch

Publié le 01/04/2004 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique
J'ai toujours voulu être une sainte de Genevière Mersch

Triangle dramatique

 

Norah est une adolescente convaincue que tout acte que l'on pose dans la vie entraîne une autre action en miroir quelque part dans le monde. … ? Un exemple et vous allez comprendre. Un jour, la petite Norah assiste à la télévision à l'accident de son idole, le coureur automobile Nico Marcuse. Pendant que ce dernier, à l'hôpital, lutte entre la vie et la mort, la petite fille croise très fort les doigts, persuadée que si elle les croise assez longtemps, le pilote sera sauvé. Hélas, elle décroise, juste un instant, ses doigts et quelques minutes après, Nico Marcuse succombe à ses blessures. Norah est désormais persuadée d'être responsable de la mort de son champion. Dix ans plus tard, cette histoire est encore dans sa tête et Norah s'acharne à faire autour d'elle tout le bien qu'elle peu. Dans ce dessein, elle intervient à tort et à travers dans la vie des autres, semant évidemment autour d'elle une incroyable pagaille. Il faut dire qu'elle a des raisons d'être un peu névrosée, Norah.

Quand elle était encore nourrisson, sa mère l'a plantée là, toute seule dans l'appartement, pour disparaître sans explication. Depuis, Norah est élevée par son père et sa grand'mère. Son père est un brave homme, mais faible et replié sur sa douleur. Quant à la grand'mère, elle interdit à la fillette d'évoquer sa mère, sinon son père sera malheureux et, bien entendu, ce sera de sa faute. La gamine s'accommode tant bien que mal de ce vide, jusqu'au jour où elle reçoit la visite de sa grand'mère maternelle, venue lui apporter un petit héritage et … l'adresse de sa mère. Elle commence par ranger ce trésor au fond d'un tiroir mais tout va de plus en plus mal dans ses rapports avec les autres jusqu'au jour où elle pète les plombs. L'heure est venue d'aller voir sa mère. L'heure est venue de régler ses comptes avec la vie.
Dans Les 7 péchés capitaux, la carte de visite culottée de la génération des Fonteyne, Renders, Lemoine et autres, il y a un sketch qui reste inscrit dans ma tête pour toujours. Le courage, c'était le cri de colère et de désespoir d'un petit garçon condamné par le cancer et qui se retournait contre le monde et les gens qui l'entouraient avec une méchanceté et une rage brutale, qui était en même temps un appel désespéré vers la vie. Bouleversant, étonnant de force et de maturité de la part d'une réalisatrice, même pas encore diplômée, ni trentenaire. Dix ans plus tard, avec derrière elle un parcours cinématographique sans fausse note (Le pont rouge, Roger, John, Verrouillage central…) Geneviève Mersch aborde enfin l'aventure d'un premier long métrage de fiction. C'est vous dire si on l'attendait.

Le scénario de J'ai toujours voulu être une sainte, qu'elle a co-écrit, poli et repoli avec Philippe Blasband, plonge dans le désarroi d'une jeune fille en pleine crise d'identité à une époque délicate de son adolescence. Sauveteuse par vocation, perdue dans son désir d'être une bonne fille, ou une bonne copine, elle finit par ne plus savoir distinguer l'image que les autres projettent d'elle de sa personnalité véritable, et c'est évidemment le clash. Mais ici, pas de pesanteur dépressive. L'histoire est traitée du côté de la vie, quelque part entre drame et comédie. On s'attache aux pas de Norah, petite ado fragile, paumée, qui foire tout ce qu'elle touche avec une craquante volonté de bien faire, et en même temps qui fait preuve d'un courage et d'une énergie vitale incroyables. Pour l'incarner, Marie Kremer, une jeune comédienne que la réalisatrice a cherchée longtemps, soigneusement et qui porte le film avec une belle détermination, entourée de seconds rôles qui sonnent justes (mention spéciale à la toute jeune Marie Nypels, la petite Magali). On sent que Geneviève Mersch a peaufiné son casting et sa direction d'acteurs, en misant sur l'émotion et l'identification, et cela fonctionne.

Brillant par son sujet, son scénario, son interprétation, le film accuse malheureusement certaines chutes de rythme et s'essouffle quelque peu sur la longueur, la réalisatrice peinant à lui insuffler la force à laquelle elle nous a habitués. Des imperfections à replacer dans le contexte d'un premier long métrage, et qui ne font pas oublier les qualités déjà citées, auxquelles on ajoutera une réalisation impeccable, qui allie sans fausse note le professionnalisme à l'imagination. Enfin, on aurait aimé voir les auteurs (ou leurs producteurs) pousser leur (excellent) scénario jusqu'au bout de sa logique, quitte à prendre un risque commercial en sortant du consensus des sentiments. Ceci dit, J'ai toujours voulu être une sainte reste une œuvre attachante et subtile, qui mérite de trouver son public.

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