La légende dorée d’Olivier Smolders revendique cette part de l’ombre qui s’affirme dès son premier film L’adoration. Il racontait l’histoire d’un étudiant japonais qui avait tué, dépecé et mangé une jeune femme dans son appartement à Paris après qu’elle lui eût lu des poèmes de Stéphane Mallarmé. La philosophie dans le boudoir, Ravissements, et le précédent court-métrage La part de l’ombre, un film en voie de disparition multiplient les variations d’un même imaginaire.
La légende dorée d’Olivier Smolders
La légende dorée en pourrait être la somme. Il se présente comme un grand livre de collages réalisés par un malade psychiatrique, exposé pour la première fois en 2011 à la Biennale des arts différenciés organisée par le Centre psychiatrique Louis II, à Liège.
L’acteur Philippe Grand'Henry joue, avec une certaine insistance hypnotique le rôle de l’artiste aliéné. Orphelin de père. Il est seul. « Je suis un peu fou si l’on veut, dit-il, mais je me demande vraiment s’il existe des fous. Ils sont dans des hôpitaux psychiatriques parce qu’ils n’ont plus toute leur mémoire. Il y en a qui n’ont plus leur lucidité entière. Ils se sont perdus sur les routes.Moi, je suis désorienté. J’ai des amis, mais ils sont loin… »
Il travaillait, avant son enfermement, à la bibliothèque de l’université. Les 300.000 livres qu’il dit avoir lus constituent les images de sa légende personnelle.
Ces collagescomposentdes séries de portraits qui viennent à la rencontre des spectateurs. « Qu’ils soient accompagnés des provocations sadiennes ou des rêveries de Sainte Thérèse d’Avila ne change pas grand-chose à mes yeux, écrit Smolders dans son livre intitulé lui aussi « La part de l’ombre »publié aux Impressions nouvelles en 2005. Il suffisait que les mots qui accompagnent ces images relèvent de ces textes limites qui débordent, eux aussi, la question du sens et rendent dérisoire toute approche psychologique. »
Ces lignes pourraient servir d’avertissement aux spectateurs de La légende dorée.
Il fait l’inventaire, souvent insoutenable, de toutes les tortures, les abominations, les viols et les bizarreries qui tissent la relation entre les bourreaux et les victimes, l’histoire d’un interminable fleuve de sang. Le spectateur est seul, comme le protagoniste, devant une œuvre si noire que son premier mouvement est le recul. Le cinéaste tente de le conduire là où il refuse d’aller, de céder à la fascination de la part maudite qui nous aveugle.
Smolders nous répond par avance avec une certaine sérénité et nous encourage à affronter ses films lorsqu’il écrit :
« On prit parfois mes films pour des provocations. Ils ne l’étaient que vis-à-vis de moi-même, la plupart d’entre eux naissant d’une envie de traiter un sujet qui me paraissait de prime abord impossible à porter à l’écran ou du moins qui comportait suffisamment de risques d’échec pour que l’aventure parût stimulante. À quoi bon filmer, écrire, peindre si ce n’est pour se mettre en danger. »