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Masques. Film catastrophe d’Olivier Smolders

Publié le 10/11/2022 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

Où disparait le regard des morts ? Le regard ancré du vivant est alors devenu vide, voilé, absent. Il s’est envolé, ailleurs.

Olivier Smolders (Nuit noire, 2005, La Part de l’ombre, 2013) pour ce dernier film en compétition nationale au BAFF, part de l’intime, de la mort de ses parents, du visage de la mort, du regard du mort disparu pour mener une réflexion sur les masques, leur utilité et leur lien inextricable avec la mort, et, plus largement, une réflexion sur le pouvoir des images.

Masques. Film catastrophe d’Olivier Smolders

Le film s’ouvre avec des plans fixes sur des arbres majestueux, pleins de vitalité. Deux d’entre eux sont tombés, ensemble, comme les parents du réalisateur. De la force de vie, on bascule dès le début du film dans la mort. Le réalisateur nous emmène dans son cheminement mental, dans sa réflexion sur le masque comme symbole et comme mythe. Une image, une idée en amène une autre et nous le suivons, confiants, bercés par sa voix en off, apaisante et rassurante.

Il y a quelques mois encore, nous étions tous cachés par des masques anonymes qui annihilaient nos individualités et nous protégeaient de la mort. Le masque était alors une barrière entre nous et le monde dangereux qui nous entourait. Mais, cela n’a pas toujours été le cas. Dans certaines tribus, les masques étaient investis d’une grande puissance vitale, ils constituaient des êtres à part entière qu’il a fallu capturer dans les vitrines des musées parce qu’ils effrayaient. Après la première guerre mondiale, le masque a été utilisé pour cacher les traces de mort sur les visages des soldats revenus des tranchées. Le masque a le pouvoir de cacher, de faire disparaître. Olivier Smolders réhumanise l’inconnue de la Seine, ces soldats défigurés, ces enfants morts en nous obligeant à les regarder et à les considérer.

Le réalisateur mêle ses propres images, des images d’archive, des photographies pour développer sa réflexion, pour mêler l’intime et l’universel, le présent et le passé. Le noir et blanc côtoie la couleur, le brut se mêle à la rigueur formelle. Ce film catastrophe/essai nous plonge dans notre recherche d’identité, nous confronte à notre image filante sur laquelle on n’a pas de prise. Le réalisateur nous guide dans son film mais il déstabilise. Que pouvons-nous regarder? Qui devons-nous regarder? Qui est celui en face de nous? On parle du masque de la mort, celui qui fige les traits dans le trépas. Où sommes-nous à ce moment-là ? Qui sommes-nous? Masques est un documentaire catastrophe poétique qui interroge le spectateur, qui le désarçonne et qui ne le laissera pas indemne.

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