Cinergie.be

Laura Wandel

Publié le 15/06/2014 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

Quelques jours avant son départ pour Cannes où Laura Wandel allait présenter à la sélection des courts métrages son film Corps étrangers, nous rencontrons la jeune femme, à la fois heureuse de la reconnaissance qu'on lui marque, et terrorisée par les confrontations qui l'attendent. En guise de « générale », nous lui offrons une interview-vérité.

 

Certains films m'ont donné tellement d'émotion que j'ai voulu faire pareil. Japón de Carlos Reygadas est l'un deux. C'est un film que j'ai vu à 16 ans, et il m'a tellement impressionnée, que cela m'a donné envie de faire du cinéma. C'est ce cinéma, plus moderne et esthétisant qui me fascine. On m'a mis en garde de ne pas m'entêter sur l'esthétique du film, mais je crois être parvenue à faire en sorte que la narration passe autrement que par l'explication. J'ai été rassurée en lisant Au dos de nos images, des frères Dardenne, de savoir que eux aussi sont toujours dans la recherche et l'exploration malgré leurs 6 ou 7 longs métrages et deux Palmes d'or.
Corps étrangers, c'est l'histoire d'un photographe de guerre qui a eu un accident et qui suit une rééducation en piscine publique avec son kiné, une façon d'appréhender sa peur du regard de l'autre sur son corps amputé. J'avais envie de m'interroger sur mon regard, sur comment un réalisateur peut montrer le monde, la distance à prendre ou pas, le rapport à l'image.
Pour ce film, je voulais une lumière chirurgicale pour montrer la surface des corps et les matières. Au découpage, il y avait deux axes :
- le point de vue d'Alexandre, le personnage principal, sur les gens qui fréquentent la piscine. L'image est très   proche parce que plus rien ne s'interpose entre lui et les autres, il n'a plus son appareil photo qui crée une sorte de frontière autour de lui. Et ce qu'on voit, ce sont des morceaux de corps, parce que c'est comme ça qu'il se perçoit.
- Le second axe, c'est celui du spectateur, avec des plans larges. J'avais envie de filmer toute sorte de corps, de femmes enceintes, de personnes âgées, des corps d'enfants. Il n'y a pas « un » beau corps, j'ai voulu filmer tous les corps en leur rendant leur beauté.
Au départ, c'était un long métrage, mais malgré les diverses versions d'écriture, ça ne fonctionnait pas. J'ai pris une partie de l'histoire pour en faire un court. J'ai mis deux ans pour écrire ce film. Je me sens plus réalisatrice que scénariste. L'écriture m'est très douloureuse. C'est pourquoi je rêverais de travailler avec un scénariste.  

Tout à propos de: