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Mobile Home de François Pirot vu par Blanche Tirtiaux, jeune critique lauréate

Publié le 15/03/2013 par / Catégorie: Critique

Mobil Home, le film de François Pirot a été l'objet du concours des jeunes critiques qu'animent Cinergie.be, La Libre Belgique, la Fédération Wallonie-Bruxelles, Ciné-Pocket et tout cela grâce au centre Wallonie-Bruxelles International. La gagnante, Blanche Tirtiaux, a écrit ce texte et pourra en écrire un autre sur les films qu'elle découvrira durant les cinq jours qu'elle passera au Festival de Cannes en mai 2013.


scène du film Mobile home de François PirotMobile Home,c'est un Road Movie sans road, c’est l'histoire de deux jeunes qui étouffent dans un quotidien formaté, c'est un rêve qui pointe sans vraiment parvenir à percer... C'est un film touchant et prometteur. Retour sur le premier long métrage de François Pirot, sorti en salles en août dernier. Simon et Julien, amis depuis toujours, se retrouvent dans leur bourgade natale. Des bons gars, un peu paumés, la petite trentaine. Lors d'une soirée au coin du feu émerge l'idée du grand voyage : l'aventure, la liberté, une piste pour trouver sa voie... enfin ! ... peut-être… Très vite, les choses s'accélèrent, le Mobile Home est choisi, les idées s'entrechoquent, le départ semble tout proche. « Imagine, on est sur la côte, on entend rien sauf le bruit des vagues, toi tu conduis, moi je dors.» Mais c'est sans compter les multiples choses à régler encore avant le fameux départ. Une rupture toute fraîche, un père convalescent, une solide panne, et les poches vides après l'achat de ce camping-car mégalo à la hollandaise sont autant d'éléments qui retardent l'envolée. Caméra sur l'épaule, on plonge dans des tranches de vie singulières.
Certes, Mobile Home fait rire, mais bien plus encore, il nous trouble par l'authenticité des dialogues, la justesse des situations, et l'universalité des thématiques. L'impulsivité d'une jeunesse désillusionnée se heurte de plein fouet à la conformité de la famille bourgeoise de Simon, à la solitude du père de Julien. « Mais papa, je veux pas m'installer ! », rétorque Simon à son père borné. Du rêve recyclé, de la quête du grand voyage passée à la moulinette de la post-modernité résultent des scènes où l'humour en filigrane donne force à la satire.
Malgré les obstacles qui surgissent, le couple d'amis persévère, se conforte dans la nostalgie d'une adolescence périmée, où le Where is my mind joué sur de vielles guitares électriques résonne dans le fond d'un garage comme une ode à la jeunesse éternelle. Tous les ingrédients de cette époque révolue y sont : musique, filles, drague, découverte de la sexualité et amitié fusionnelle. Pourtant, le temps a passé et les préoccupations sont autres, malgré ce que les deux héros aimeraient croire. Toujours un peu plus, le rêve s'éloigne, les individualités, les lubies, les désirs propres resurgissent. Le fossé va croissant entre les deux hommes.
Avec un regard acéré et une douce dérision, François Pirot dépeint des réalités sociales de tout type. L'ouvrier aux blagues graveleuses, l'ado pleurnicharde et sentimentale, ou la mère de famille sans cesse préoccupée par le linge du fiston : tout le monde est passé au peigne fin. Le réalisateur cerne ses personnages en finesse, sans jamais cependant tomber dans une caricature simplificatrice. Une justesse soulignée encore par la qualité du jeu des acteurs et la pertinence du casting. Le binôme Arthur Dupont (Simon) et Guillaume Gouix (Julien) – amis par ailleurs – donne corps au film en cimentant une structure déjà bien établie. Les rôles secondaires sont eux aussi judicieux, Jean-Paul Bonnaire comme Jackie Berroyer, les deux pères, donnent autant que leurs fils l'impression d'être taillés pour leurs rôles.
La bande-originale se fond avec harmonie dans la succession des scènes. Elle nous emporte dans le cheminement de Julien et Simon ; elle rythme, tempère, nuance, colore le récit. Pirot joue avec les plans, il jongle avec les zooms pour créer des effets de surprise et use de stratagèmes visuels originaux pour titiller encore davantage la curiosité du spectateur.

Outre une réussite formelle, François Pirot relève le défi d'un film drôle sans pour autant creux, tout en bousculant avec audace les canons du Road Movie. Après le Far West de Brel et l'Eldorado de Bouli Lanners, le Far Belgium et ses sauvages étendues d'épicéas se voit pris d'assaut par des aventuriers en quête d'identité. On embarque avec eux dans ce Mobile Home.

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