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Rencontre avec Yoann Blanc, juré au 20e Brussels Short Film Festival

Publié le 02/05/2017 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

« On me parle tous les jours de La Trêve. Mais ça va... »
20e du nom, le Brussels Short Film Festival a fait appel cette année à Yoann Blanc, l'incontournable visage associé à la série La Trêve, pour composer son jury international. Il y côtoiera la comédienne belge Marie Gillain, la réalisatrice française Carine Tardieu (Ôtez-moi d'un doute, sélectionné à Cannes, avec François Damiens et Cécile de France) et le réalisateur suisse Claude Barras (doublé-césarisé cette année, pour Ma vie de Courgette).
L'occasion était idéale donc, de croiser ce comédien d'origine suisse diplômé de l'INSAS, déjà juré en décembre dernier au Festival du Film Méditerranéen de Bruxelles. Entre plusieurs projets de longs-métrages et théâtraux, le dernier lauréat du Magritte du Meilleur Espoir (pour Un Homme à la mer) abordera en juin le long tournage (4 mois) de la deuxième saison de La Trêve.

Cinergie : Pour la deuxième fois en quelques mois, vous vous retrouvez donc juré d'un festival belge de cinéma. Comment abordez-vous cette édition "anniversaire" du Brussels Short Film Festival ?
Yoann Blanc : Avant le Méditerranéen, je n'avais encore jamais fait ça, mais j'avoue que c'est très agréable de regarder et débattre de films avec des gens appréciables. Ce festival du court de Bruxelles, j'y ai déjà participé comme acteur. Il y a là-bas une programmation éclectique, une ambiance atypique et bien sûr, plein d'amis. Puis, le court-métrage, à mes yeux, offre une liberté de ton et un rapport plus direct que le long. C'est un format difficile mais à part entière, pas simplement où on se teste. Certains font du court un tremplin vers le long, mais d'autres le pratiquent exclusivement. Et puis, il y a ceux qui y reviennent après un long, exactement comme Matthieu Donck l'a fait avec Partouze, dans lequel je jouais.

C : En Belgique, le court-métrage foisonne comme jamais en ce moment. Plutôt une bonne nouvelle, non ?
Y.B. : Oui ; tant au cinéma qu'au théâtre d'ailleurs, où la forme courte est devenue là aussi tendance. Je crois que tout cela est lié aux nouvelles possibilités de création, qui permettent à de plus en plus d'artistes, issus de plus en plus d'horizons, d'exprimer quelque chose autrement. Et puis, il y a certaines histoires qui ne se racontent tout simplement pas en une heure trente !

C. : Voilà deux mois, vous receviez le Magritte du Meilleur Espoir. Avec le recul, qu'a représenté pour vous cette récompense ?
Y.B. : (Sourire) Même si on m'a pas mal chambré parce que je l'ai reçu l'année de mes... 42 ans, j'ai été très content de l'avoir. Etant issu du théâtre et ayant apparu dans une série populaire comme La Trêve, j'étais ravi d'être reconnu aussi par le milieu du cinéma. Alors certes, on peut dire qu'il y a sans doute eu une influence des séries sur la dernière cérémonie, via les prix attribués à Jean-Jacques Rausin (Ennemi Public et Je me tue à le dire) ou à Catherine Salée (La Trêve et Keeper), mais ne perdons pas de vue qu'aujourd'hui, chacun d'entre nous baigne un peu dans tous ces univers. Et c'est sain !

C. : Que ces séries modifient le paysage du cinéma belge et la perception de nos talents dans les années à venir, vous y croyez ?
Y.B. : C'est peut-être encore tôt pour vraiment le mesurer dans le cinéma belge, mais un petit phénomène est en train de se produire au théâtre. Pour nous, comédiens belges francophones, on sent que le regard du public est en train de changer. Tout à coup, on a l'air d'être pris au sérieux, comme si les gens nous découvraient. Il y a encore deux ans, si on m'avait dit que la RTBF diffuserait des pièces ou que je verrais le JT et autant de journalistes présents à l'une de mes pièces au Théâtre Océan Nord, je n'y aurais pas cru. Ces séries ont clairement provoqué un effet boule-de-neige, qui est positif pour nous tous, et notre place au sein du paysage. C'est valable aussi pour ma femme (NDLR: la comédienne Edwige Baily, vue aussi dans La Trêve) qui travaille en ce moment sur une adaptation de William Shakespeare (MacBeth) au théâtre.

C. : Quand on travaille de manière prolifique depuis vingt ans sur les planches et qu'on a été nommé trois fois aux Prix de la Critique théâtraux, que procure cette nouvelle reconnaissance, finalement ?
Y.B. : Oh, je ne boude pas mon plaisir, mais un auteur de théâtre me disait récemment trouver ça juste, car au final, c'est toujours le même métier. Quand je joue dans La Trêve, même si l'audience est plus large, je n'ai pas l'impression de faire un autre travail. La reconnaissance donc, elle se relativise. Mais c'est primordial qu'un comédien fasse différentes choses. Et si le théâtre reste pour moi un socle et que je me battrai toujours pour en faire, j'espère idéalement poursuivre sur tous les tableaux. Je viens de jouer dans une pièce de Marguerite Duras, La Musica Deuxième avec Catherine Salée dont je suis très fier, et je jouerai l'hiver prochain dans Bug, l'adaptation d'une pièce américaine, à Bruxelles, Liège et Namur.

C. : Le cinéma semble en tout cas de plus en plus faire appel à vous...
Y.B. : Oui, cette année, je serai au casting d'Une Part d'ombre, le premier long-métrage de Samuel Tilman, avec Natacha Régnier, Erika Sainte et Fabrizio Rongione, qui baigne entre le film de copains et le genre policier. Et puis, j'ai interprété un moine dans un film de mon pays tourné dans les Alpes suisses qui s'appelle Fortuna (de Germinal Roaux), et qui traite de la problématique des réfugiés. C'est un scénario assez fort...

C. : ... et c'est donc en juin que vous débuterez le tournage de La Trêve 2. Dans quel état d'esprit, cette fois ?

Y.B. :
(Sourire) Ah ça, c'est la question qu'on est en train de tous se poser depuis un an, à commencer par les auteurs, car absolument personne n'avait imaginé ce succès. On part avec une nouvelle inconnue, car la première saison a représenté énormément de sacrifices et de travail pour tout le monde. Le tournage sera un peu plus allégé (NDLR: 80 jours, au lieu de 70) mais cette fois, on doit refaire quelque chose de différent mais... pas trop non plus, pour ne pas égarer le spectateur ! En fait, on doit fabriquer une autre "soupe", mais il faut qu'elle ait un peu le même goût quand même, c'est aussi étrange qu'excitant. En tout cas là, après avoir rencontré des policiers et des psys pour la première saison, j'ai commencé la préparation de la deuxième en croisant un criminologue et en suivant des cours de natation. Avec Matthieu Donck et l'équipe, on a quand même envie de se retrouver, car c'est une relation de travail formidable. On participe aussi à ces aventures-là parce qu'on se sent bien avec des gens.

C. : Dernière chose: cette notoriété récemment acquise, au-delà du monde du théâtre, comment se gère-t-elle au quotidien ?
Y.B. : Oh, on me parle tous les jours de La Trêve, mais ça va. Il y a des endroits où certains spectateurs sont plus enthousiastes qu'ailleurs. On m'aborde plus dans une brocante le dimanche matin (sourire) que dans le métro. Et en Suisse, d'où je viens, on ne me connaît que par la série qui a bien fonctionné, mais assez tard en soirée. Donc, je n'y suis pour le moment reconnu que par mes copains (rire). C'est gérable, donc 



Site du 20e Brussels Short Film Festival (BSFF) - http://bsff.be/

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