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Sous la douche, le ciel de Effi & Amir

Publié le 23/03/2018 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

"Sous les pavés, la plage" qu'ils scandaient les soixante-huitards. Symbole d'utopie, de changement, ce slogan a été repris et transformé par Effi Weiss et Amir Borenstein, deux Israéliens d'origine qui vivent actuellement à Bruxelles et qui travaillent ensemble depuis 1999.

Sous la douche, le cielDans Sous la douche, le ciel, les deux réalisateurs s'intéressent plus particulièrement au projet porté par l'ASBL DoucheFLUX : la réhabilitation d'un bâtiment qui accueillera des installations sanitaires à destination des sans-abris bruxellois. Renverser les choses, offrir une trêve aux plus démunis, leur permettre de s'isoler dans un cocon douillet et savonneux le temps d'une beauté.
Lieu où l’on se lave, la salle de bain représente l'assainissement du corps, la purification de l'âme. Lieu de solitude, de méditation, de calme, la salle d'eau est associée à l'élimination des émotions négatives. Le film s'ouvre sur une myriade de salles de bain, incursion dans l'intimité mousseuse, dans la nudité absolue, dans le silence aqueux. Un plaisir quotidien que tout un chacun devrait pouvoir s'octroyer. Or, ce n'est pas le cas et c'est à partir de ce constat que les membres de l'association DoucheFLUX ont voulu remuer ciel et terre pour offrir un lieu fonctionnel, propre, confortable et beau aux personnes qui n'y ont pas accès.
Sous la douche, le ciel est l'histoire d'une lutte acharnée de cinq années, de 2012 à 2017, un combat semé d'embûches et de difficultés. Non professionnels, parfois précarisés, les membres de l'ASBL avancent à tâtons, sans trop savoir, étape par étape. Confrontés aux blocages politiques, à la bureaucratie kafkaïenne, ils défendent leur projet corps et âme et ils ont raison. Le film montre bien à quel point les politiques sont réticents. Ouvrir un espace pour les sans-abris dans notre commune ? Ils se disent que l'invasion les guette. Et si c'était un lupanar ? Et si cela devenait une plaque tournante de la drogue. Et si ? Et si ? Bref, beaucoup de craintes autour de cette initiative mais les membres ne lâchent rien.
Le film raconte ces difficultés : trouver un lieu, trouver des financements, interagir avec les pouvoirs publics. Malgré ces obstacles, DoucheFLUX a réussi à convaincre, à renverser l'ordre établi, à bouger les lignes et l'initiative mérite d'être soulignée. Le bâtiment a été inauguré le 26 avril 2017 et accueille, depuis cette date, une centaine de personnes quotidiennement. Aucune aide publique structurelle n'a été octroyée, tout repose sur des financements privés et sur l'investissement sans précédent d'une centaine de bénévoles.
À l'heure où les centres-villes abritent des immeubles désertés dont on ne sait que faire, à l'heure où des centaines de personnes vivent dans la rue, à l'heure où on déplore les investissements publics, à l'heure où on se plaint de la situation, à l'heure où on se dit que rien ne change, des initiatives comme celle de DoucheFLUX voient le jour, sans crier gare. Une mobilisation citoyenne qui n'a pas seulement eu une bonne idée, elle l'a également concrétisée.

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