De retour au Festival Anima pour présenter leur nouveau court-métrage, Les Grandes Vacances, Vincent Patar et Stéphane Aubier ont le sourire. Et pour cause, ce film pétillant a pu être montré de nouveau en salles, face un public conquis. Rencontre au sortir de cette projection qui fait du bien au moral, et laisse des étoiles dans les yeux des petits et grands.
Vincent Patar et Stéphane Aubier
Cinergie : Qu'est ce qui vous a donné envie de faire du cinéma d'animation
Stéphane Aubier : Notre rêve à l’origine, c’était de faire de la bande dessinée. Mais au sortir de nos années d’études secondaires à Saint-Luc, on s’est posé la question du cinéma d’animation. À l’époque, cela nous semblait être un axe plus intéressant à explorer, ce que nous avons fait à La Cambre, et ça nous a bien plu. L’animation amène des techniques en plus par rapport au dessin, on peut travailler sur les volumes, les matières…
Vincent Patar : Tout jeunes, on était fascinés par les dessins animés de la Warner, et ceux qu’on voyait à cette époque. La bande dessinée, c’est une chose, mais quand le mouvement et le son s’ajoutent on peut raconter autre chose, les possibilités explosent.
C. : Et comment êtes-vous passés du dessin au volume justement ?
V. P. : La Cambre, c’est une sorte de laboratoire. Cela nous a permis de tester de nombreuses méthodes, à la fois avec les bancs-titres en 2D, mais aussi des caméras pour filmer en volume. Nous avions envie de toucher à tout, expérimenter, et en arrivant en dernière année Stéphane n’avait pas encore touché à la stop motion. De là est né le tout premier Panique au village, son film de fin d’études.
S. A. : Cette technique m’effrayait au début, par son côté laborieux. Finalement, c’est au travers des jouets et des figurines que le projet est venu. Particulièrement les figurines d’animaux, qui permettent - de par leurs postures multiples - de déjà créer une mini-animation. À partir de là, j’ai improvisé une petite histoire, un cadavre exquis de personnages à la campagne. Et au fur et à mesure, cela a pris corps, et c’est devenu un film.
C. : Depuis ce premier court-métrage jusqu'à aujourd'hui, qu'est ce qui a changé dans vos méthodes de travail ?
V.P. : En termes de technique, pas tellement. Au niveau de la caméra par exemple, on travaille toujours par substitution des figurines rigides. Ce qui a évolué, c’est plutôt la conception des décors, qui sont plus solides, réutilisables de tournage en tournage désormais. Les personnages eux aussi se sont affirmés, affinés. Plastiquement, cela a donc bien changé. L’animation reste par contre - à peu de choses près - la même.
S.A. : En regardant les premiers épisodes aujourd’hui, on constate quand même une évolution dans la manière de faire bouger les personnages, dans leur expressivité. Ils ont une palette d’émotions plus large.
V.P. : En fin de compte, c’est l’écriture et le travail des scénarios avec Vincent Tavier qui a vécu le plus d’évolutions. Aujourd’hui, c’est l’essence même d’un Panique, ce rythme et cette énergie dans le récit.
C. : Vous travaillez toujours en duo?
S.A. : En trio même, avec Vincent. Dans l’écriture, c’est un vrai ping-pong, une série d’échanges entre nous, des pistes. Ce n’est pas toujours gagné dès le début. Quand on s’est mis d’accord sur l’histoire, Vincent (Patar) et moi attaquons le storyboard, le plan de travail.
C. : Une expérience de trio que vous avez également vécu sur Ernest et Célestine, avec Benjamin Renner?
S.A. : Avec Benjamin, c’était un peu différent mais le trio fonctionnait tout aussi bien. Nous avions un scénario de départ que l’on s’est partagé, et d’un côté nous développions une série de séquences tandis que Benjamin travaillait sur les siennes, pour échanger ensuite tous les trois. Il y a de nombreux passages que nous avons évacué dans la version finale, mais c’était très enrichissant de pouvoir voir les manières de travailler et d’écrire de chacun.
V.P. : D’autant que ces séquences jetées ont finalement nourri d’autres moments qui se retrouvent dans le film. Ernest et Célestine, c’était un travail d’équipe dès l’initiation du projet par Didier Brunner. Avec Daniel Pennac au scénario, mais également Vincent Tavier qui nous a beaucoup aidé.
C. : Avez-vous une préférence entre l’une ou l’autre technique d’animation ?
V.P. : Je pense que selon ce qu’on raconte, c’est un choix à faire dès le départ. Mais il n’y a pas de règles, c’est plutôt une question de ressenti.
S.A. : Je n’ai pas de préférence pour ma part. Le papier découpé par exemple, c’est une méthode que j’apprécie beaucoup. C’est une technique minimaliste mais qui peut être très forte, comme chez les animateurs tchèques par exemple. Cela prend du temps par contre, mais j’aimerais bien pouvoir retourner vers ce style un jour.
C. : Combien de temps vous faut-il pour produire un 26 minutes de Panique ?
S.A. : En termes de production, avec toute l’équipe, on est sur trois mois de préparation et trois mois de tournage, avec trois mois de post-production. La préparation et le tournage sont les deux phases les plus impressionnantes, car c’est là que tout le monde doit se calibrer, c’est là que les gens se croisent le plus.
V.P. : Et en amont, on a la phase d’écriture, étalée sur deux ans.
C. : Même si c’est un format télé, vous avez une approche cinématographique dans votre manière de filmer, notamment dans Les grandes vacances…
V.P. : Dans notre tête, on travaille toujours pour le cinéma. Ce qu’on apprécie, ce sont les grandes salles, le grand écran.
S.A. : D’autant que le film lui-même parle de cinéma. On voulait du grandiose, notamment dans les scènes d’ouverture avec l’histoire de pirates, et même chose avec la course cycliste. Nous voulions leur donner un monde, un univers incroyable qui corresponde à la réalité de ce sport. D’une part, on a essayé de trouver des solutions pour que cela ne soit pas trop compliqué à construire, tout en ayant un maximum d’angles, de possibilités de cadrage. Pour ce film, nous avons réalisé un énorme “gâteau”, un décor spécifique pour la course.
V.P. : Ce gâteau, c’est un plateau tournant plutôt grand, d’environ huit mètres de circonférence. Et quand on y pose nos figurines, cela permet directement d’avoir de la distance de course, de voyager dans le décor, posé sur roulettes.
C. Tout est possible en stop motion ?
V.P. : De manière générale, lorsque nous sommes confrontés à un problème technique, on essaie de penser le problème devant la caméra. En bricolant avec des objets qu’on aime bien, des matières comme le bois, le papier. La règle d’or, c’est que cela doit être pas cher, et facile. Il y a bien sûr des aspects comme les intempéries où nous devons passer par la post-production, mais nous évitons un maximum d’avoir recours à la 3D. Cela ne nous correspond pas.
S.A. : Par exemple, dans la Rentrée des classes, l’escalier construit en livres a vraiment été réalisé par Christine Polis avec des petits livres, soutenu par une structure en métal pour que nous puissions animer les personnages dessus. En post-production, tu enlèves la structure, et ça devient magique.
Panique au Village est au cinéma avec Trois histoires de Cowboy et Indien, et à voir sur les bonnes plateformes de VOD.