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King of the Belgians de Peter Brosens & Jessica Woodworth

Publié le 02/12/2016 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Le Roi devenu homme

Lors d'un voyage officiel en Turquie, Nicolas III, le Roi des Belges, apprend que la Wallonie a pris son indépendance et que désormais, le Royaume de Belgique n'existe plus. Accompagné par son secrétaire, son valet de chambre, son assistante et par un cinéaste invité à faire un documentaire sur son séjour, le monarque décide de rentrer sur le champ. Malheureusement, suite à des perturbations cosmiques, les avions ne peuvent plus décoller. Commence alors un voyage à travers l'Europe, véritable road-movie où situations insolites et drôles vont s'accumuler et révéler une autre facette des personnages.

King of the Belgians de Peter Brosens & Jessica Woodworth

Véritable contrepied à leurs films précédents, les très sérieux quoique totalement singuliers Altiplano (2006) ou encore Khadak (2009), le nouveau film de Peter Brosens et Jessica Woodworth est une comédie intelligente et bienfaisante qui aborde néanmoins des sujets complexes et actuels. Avec une énergie et une bande d'interprètes au diapason, les cinéastes nous offre une bulle filmique jubilatoire et positive.

Le choix clair de ne pas s'aventurer sur le terrain du faux-documentaire comme avait déjà pu le faire la RTBF avec le faux JT, Bye Bye Belgium en 2006, permet de débrider le récit et d'apprécier avec bonheur le déhanché cool de ce roi improbable. La mise en scène suit ce mouvement et allie, avec panache, moments de pure fantaisie haletante et instants plus détendus où le récit respire et s'adapte aux imprévus (la séquence médusante dans le village). Le cadre lui-même tangue allègrement, penchant très souvent, en phase avec la ligne en zigzag du scénario et du « tout va de travers ». Le sens affiné du détail est l'un des éléments qui contribue également à la réussite de cette comédie aux limites du burlesque. La multiplication des scènes absurdes et incongrues emportent le morceau et le nons-sens finit par envahir littéralement l'écran à l'image des Kukeri bulgares (fameux depuis leur apparition dans Toni Erdmann de Maren Ade).

Le parti-pris esthétique de ne voir le film qu'à travers le prisme de la caméra de Duncan Lloyd, le réalisateur qui « enregistre », comme si cette fiction constituait une part de réalité, place le film dans une dynamique (vitesse, point de vue unique, ellipses, images volées) efficace et particulièrement prenante. Ce principe permet ainsi la construction d'une critique de la puissance abusive de l'image, de l'intrusion permanente des caméras dans nos vies, a fortiori pour une personne importante.

Si le rythme soutenu maintient le film sur les rails du rire, l'adresse des cinéastes est d'avoir su également réaliser le portrait d'un beau personnage. De roi silencieux et inconsistant, il s'affirme au gré des péripéties comme un être brillant et courageux. Interprété avec humanité et humour pince sans-rire par le talentueux Peter Van den Begin, Nicolas III et son périple permettent également de développer une vision optimiste sur la rencontre entre des gens différents, lorsque le rang, tout simplement, n'existe plus.

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