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La belge Collection volume 2

Publié le 02/05/2022 par Bertrand Gevart et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Tournage

Après le succès incontestable de la Belge collection volume 1, qui déjà s’afférait à provoquer des secousses dans le paysage audiovisuel belge par sa proposition innovante de rassembler une véritable collection éclectique de quatre courts-métrages, Laura Petrone et Guillaume Kerbusch, tous deux à la tête d’Angie Production, remettent le couvert en cette année 2022 pour un deuxième opus qui s’annonce haut en couleur. S’inscrivant toujours dans la lignée des « Talents Cannes de l’Adami » qui permet à des cinéastes expérimenté.e.s et reconnu.e.s de faire tourner des nouveaux visages, la deuxième édition de la Belge collection s’est donnée comme impératif de mettre en place une parité parmi les acteur.trice.s et d’ouvrir largement les castings à tou.te.s. Elle a été réalisée par Jessica Woodworth, Fred De Loof, Bouli Lanners, et Anne Lise Morin. Nous nous sommes rendus sur le plateau du premier film, à bord d’un avion étrange et musical, avec Jessica Woodworth comme cheffe de cabine. 

C’est durant un mois de février comme les autres que nous avons atterri rue du Commerce, au Fly Lounge, un décor d’avion reconstitué par Alain Loiseau, un véritable passionné d’aviation. Dans cet avion, nous retrouvons Jessica Woodworth, une réalisatrice qui nous confie rapidement ne pas avoir l’habitude des courts-métrages : « J’étais en Sicile en repérage pour mon dernier film, lorsque Laura et Guillaume Angie m’ont contactée. Je ne suis pas du tout spécialisé pour les courts-métrages. J'ai tout de suite dit oui car c’est pour mettre en avant des jeunes comédiens ». Très vite, nous croisons des actrices et acteurs dans des uniformes très reconnaissables, un peu de bleu, de blanc, de jaune. C’est la Flotte. Jessica Woodworth nous confie : «Le point de départ était lié à l’aviation, avec l'envie de faire quelque chose de déjanté, une tragédie musicale. En fin de compte, ce qui surgit c’est une flotte de stewardesses et stewards, qui travaillent pour une compagnie qui s’appelle la Flotte. Ce sont deux jeunes femmes et hommes qui se retrouvent dans un vol maudit. C'est un peu noir aussi. C’est très belge. C'est un projet qui a été nourri à l'aide de vrais hôtesses de l’air pour comprendre ce monde parallèle qui passe quelques années de leur vie dans le ciel. C'est une culture à part. À travers plusieurs interviews, on découvre leur vie, les amitiés qui se tissent, le sentiment d’invisibilité, et leur solitude. Il y a un côté romantique et absurde». Un terreau qui nous rappelle, bien au-delà de l’arène commune, le film Rien à foutre qui dépeint, avec un réalisme déconcertant, le contemporain, et avec lui l’ennui, la fuite, le rien. Mais ici, la réalisatrice profite de ce format court et de cette « véritable rencontre » avec des comédien.ne.s pour arpenter les possibles d’une telle aventure, et explorer alors la solitude, l’angoisse, les peurs, mais aussi l’émerveillement. C’est naturellement que la réalisatrice se prête au jeu de doser et de jouer avec les contraintes, de ne pas s’adonner à poser pendant plusieurs minutes l’univers du film : « c’est dans la salle de montage que je vais me retrouver face aux défis du court, l’art c’est aussi filtrer ». 

La belge collection, une rencontre entre cinéastes d’aujourd’hui et acteur.trice.s de demain…

Dans la lignée du premier opus, Laura Petrone et Guillaume Kerbusch désirent là encore mettre en avant de nouveaux comédien.ne.s issu.es de toute la Belgique et de tous les milieux. Comment se déroule un casting de plus de 900 personnes ? Comment Jessica a-t-elle choisi les actrices et les acteurs de son film ? À ce sujet, la réalisatrice de La Flotte nous avoue s’intéresser d’abord à leurs forces et leurs faiblesses : «  On sait presque tout de suite pour le casting… C'est très intense car beaucoup de gens sont venus passer les castings assez élaborés avec beaucoup d’improvisation, je pense que la musique et la danse révèlent beaucoup de choses chez les comédiens. En observant cela, on arrive à percevoir leur sensibilité, et il faut avoir confiance dans leurs intuitions, car la Belge Collection c’est que de l’espoir, il y a énormément de talents fous ici. Si on arrive à aider ces jeunes et à les célébrer, à les lancer, c’est incroyable ». 

Une deuxième saison sous le signe de l’ouverture et de la parité…

C’est à bord de ce même avion que nous avons pu rencontrer les deux instigateurs de cette magnifique idée. Après leurs études, Laura Petrone et Guillaume Kerbusch désiraient se former au cinéma et organiser des stages face caméra pour les comédien.ne.s confirmé.e.s ou non. Au fil de ces rencontres, de ces échanges, le point nodal de ce qui caractérise aujourd’hui la Belge Collection se profilait déjà avec vigueur : créer un événement où des jeunes comédien.ne.s sont mis.e.s en lumière. Mais quelles sont les différences avec le premier volet ? Guillaume Kerbusch revient alors sur les quelques particularités de cette saison : « Pour la première collection, on a repris des cinéaste présent.e.s à notre stage. Pour la deuxième, nous en avons choisi d’autres afin de leur donner carte blanche avec quelques contraintes : 15 minutes par film, deux filles et deux garçons dans les rôles principaux. Mais iels sont libres d’écrire sur le sujet de leur choix. Nous avons encore travaillé avec Michaël Bier (Adk Casting) et avons auditionné plus de 900 comédien.ne.s. Ce qui a changé dans cette deuxième saison, c’est véritablement l’ouverture des castings à toutes personnes entre 18 et 30 ans, peu importe le parcours, qu’iels aient une expérience ou non, qu'iels aient une formation ou non. Le fil rouge de cette deuxième saison, c’est la jeunesse, la diversité dans les rôles et les genres et la parité. Pour la troisième collection, peut-être que l'on mettra un cadre en plus ». 

Une deuxième collection, et après ?

Si le projet est porté par une équipe qui s’attèle à développer les liens entre cinéma et théâtre, entre comédien.ne.s et cinéastes, à tisser des prolongements entre les stages face caméras et le plateau, on ne peut que déplorer le positionnement d’une certaine presse qui continue à bouder les comédien.ne.s belges émergent.e.s. Or, il est essentiel d’appuyer et de relayer ce genre de projet et d’entreprenariat car il permet de cristalliser le pouvoir transformateur d’une star : « Tout est prêt en Belgique pour créer des stars. La presse doit capitaliser là- dessus ». Pour Guillaume Kerbusch et Laura Petrone, c’est aussi l’opportunité de faire découvrir le travail de cinéastes et de créer un « équilibre afin que tout le monde ne se ressemble pas, de faire en sorte qu’il y ait des locomotives comme Bouli Lanners, puis des réalisatrices et des réalisateurs plus populaires et moins connu.e.s… Je pense que l’occasion ici c’est de créer des nouvelles rencontres qui créent des nouvelles formes ».
Le milieu du cinéma désire se renouveler (tant en interne que dans les nouvelles possibilités de production avec les conditions légères, low budget, les séries, les réflexions sur la nécessaire diversité, …), il semble donc essentiel de soutenir de telles dynamiques qui participent à proposer d’autres regards sur le cinéma. Dans cette trajectoire, la démarche de la réalisatrice Jessica Woodworth rejoint cette volonté d’expérimenter. Elle travaille avec des nouveaux technicien.ne.s, une nouvelle cheffe op, des jeunes nouveaux talents, sans devoir penser aux retombées, aux ventes derrière. La Belge collection, c’est aussi retrouver un cinéma libéré de contraintes ( parfois lourdes ) et de concentrer sur la relation avec les comédien.nes. C’est, en définitive, une forme d’appel général pour le milieu du cinéma, comme le remarque si justement le couple de producteur.trice.s. Espérons alors que la troisième saison (et les suivantes !) continuent de réinventer les normes, de jouer avec les règles, et de nous propulser au-delà du classicisme de l’industrie.

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