My dear chaos
Avec la mondialisation des modes de consommation, on oublie que les mœurs n'ont pas toujours été identiques dans tous les pays occidentaux. À Paris et à Bruxelles, la contestation des années 60, et début des années 70 se fit entendre dans la rue, pavés et slogans politiques en bannière. À Amsterdam, par contre, la protestation contre les valeurs capitalistes et individualistes véhiculées par des consommateurs béats passa par l'occupation d'immeubles et d'ateliers abandonnés à la spéculation foncière. Les communautés de « squatteurs » devinrent l'emblème du conflit idéologique de la jeunesse amstellodamoise. Nos voisins du nord ont toujours eu une attitude plus émancipée; marijuana, collectivités dont la vie est basée sur le désir. La création, les relations amoureuses, les activités évoluaient au fil des rencontres, sans la moindre notion d'obligation.
Dorothée van den Berghe, réalisatrice du très beau Meisje, dans lequel sa protagoniste, confrontée aux mœurs décousues de la capitale, essayait de se débarrasser de sa crainte de provinciale, est allée puiser dans ses souvenirs personnels pour ressusciter cette période démesurément libre.
C'est avec ses yeux de petite fille d'alors et ceux de sa jeune héroïne, Anna Franziska Jäger, qu'elle revisite, dans My Queen Karo, ces années aux limites balayées, aux interdictions interdites. L'enfant, ballottée entre un père qu'elle admire pour son extrémité et son intégrité idéologiques et une mère qu'elle veut protéger contre la dureté de celui-ci, a dû surpasser toute seule ses craintes pour consolider son être.
Ses parents, incapables de gérer leurs déceptions, obnubilés chacun par leur ego, abandonnent la fillette à son propre discernement.