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Entrevue avec Christophe Fraipont

Publié le 01/10/2002 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Le Troisième Oeil sera présenté, hors compétition, lors du Festival International du film à Namur. Nous avions été, il y a deux ans, sur le tournage du premier long métrage de Christophe Fraipont. L'occasion pour nous et pour vous, chers internautes, de découvrir sa personnalité à la veille de la sortie en salles de son film, prévue en novembre de cette année.

Entrevue avec Christophe Fraipont

"Mes premiers souvenirs, nous confie-t-il, sont des expériences en creux : à savoir que mes parents n'avaient pas la télévision et que mes camarades en primaires voyaient un tas de séries, dont j'entendais parler à la récréation mais que je ne voyais pas. Je me les faisais dans la tête, j'inventais des épisodes ! Le premier film que j'ai été voir, était projeté au Palace ou au Forum de Liège, c'étaient des salles immenses, mes parents m'y ont emmené voir des films. Je me souviens de films comme Ben Hur. C'est mon premier souvenir. A l'époque on avait aussi des disques microsillons avec des albums illustrés de photos du film, que j'ai écouté des dizaines de fois !"

 

Pendant ses études secondaires il découvre le cinéma grâce à des matinées où des films documentaires étaient présentés ainsi que quelques films de fiction. Le choc, l'épiphanie, c'est la  vision à 13 ou 14 ans de La Passion selon saint Mathieu de Pasolini. "Je me souviens très bien que c'était vraiment un OVNI ! Ça avait d'ailleurs fait un petit scandale à l'école ! Tout d'un coup, c'était un autre cinéma qui apparaissait avec un parfum de souffre, de scandale, de blasphème, et tout ça était fort intéressant !"
Du coup, il se met à aller dans les ciné-clubs. "Il y en avait un très bon à Liège : Le Laveu, c'était dans une école avec des chaises en bois à empiler ! Les films projetés l'étaient en 16 mm, et venaient du monde entier. Christophe y découvre des films japonais, russes, italiens etc. « Le tout mis en relation avec des livres que je lisais, j'ai commencé à penser que faire des films était le plus beau métier du monde ! Mais je n'envisageais même pas la possibilité de le faire. Je ne savais même pas qu'il existait des écoles de cinéma. Je faisais plutôt de la musique (punk, rock)."

 

Après ses humanités il fait une licence à la « huitième section » de l'Université de Liège. Il y rencontre Hadelin Trinon, qui lui ouvre d'autres portes sur l'univers du cinéma. C'est lui qui lui parle de l'INSAS. Terminant sa licence en juin, il prépare un mémoire sur le cinéma belge. "J'étais plutôt marxiste à l'époque et mon sujet était : comment les modes de productions influent sur le contenu des films. Ça s'intitulait : La graine sur l'asphalte. Ça m'a donné l'occasion de rencontrer des cinéastes belges. C'était très concret. A l'époque il y avait André Delvaux et Chantal Akerman, qui étaient très connus par la critique mais dont les films ne marchaient pas du tout. J'avais construit une grille pour analyser ce phénomène de cinéastes reconnus à l'étranger mais pas en Belgique. Puis, je suis entré à l'INSAS (section réalisation) en pleine connaissance de cause, je ne rêvais plus."
Lisa mon amour (1985), son premier court métrage est aussi son film de fin d'étude. L'histoire d'un couple dont le garçon, interprété par Jean-Paul Commart cherche une fille que l'on ne voit pas à l'écran. A la fin, on se rend compte que le garçon est un mythomane.  Suit Montsalva. "C'est un film documentaire que j'ai tourné sur un cargo, qui s'appelle le Montsalva, et qui était le dernier à faire la liaison Anvers-Matadi. Le portrait du bateau et des ses marins, officiers blancs et matelots noirs, puisque c'était un équipage mixte."

 

En 1990, il monte une asbl qui s'appelle ZE FILM, remets un dossier à la commission de sélection, pour Zipo, reçoit une aide et le complément via un producteur de films publicitaires qui lui offre des services dont le montage en 35 mm après la réalisation du film. Ensuite celui-ci vit sa vie dans le circuit des courts. Trois ans plus tard, Christophe réalise Balthazar. "J'ai d'abord écrit un long-métrage, l'histoire de ce personnage, un homme sans corps, une tête qui traversait le XXème siècle. Le court est en fait le début du long-métrage. C'est une sorte de maquette d'un long métrage à venir. Ayant reçu l'Ours d'argent à Berlin, je me suis dit que j'allais tourner le long. Mais ce n'est pas arrivé". Du coup, il réalise Chocolat un documentaire pour une soirée Thema d'ARTE et enchaîne avec Les musiques du Mali, une série de quatre documentaires.

 

"A cette époque, précise-t-il, Le Troisième Oeil avait démarré depuis 1996. Le projet s'écrit et traîne pendant des années. Avec Hubert Toint qui produisait le film pour Saga Films on a eu des problèmes lors du montage financier. Dés lors j'ai réécris le scénario. C'est l'histoire d'un garçon qui rencontre une fille, ils se trouvent dans une situation où tous deux sont coincés, ensemble en se confrontant à leurs parents respectifs. Le fils face à son père et la fille avec sa mère". La musique et sa parfaite adéquation à l'image ayant retenu notre attention il nous précise : "Avec Denis Pousseur on a beaucoup travaillé la musique en amont. Il connaissait le projet depuis le début. Pendant le montage, j'ai pu travailler avec des maquettes de musiques qu'on a retravaillées en fonction des images. Le montage a été fait par Paul-Jean Vranken. Je le connais depuis longtemps, il n'y a pas de pudeur entre nous. C'est important. On n'a pas hésité à supprimer quelques séquences. A l'origine le film était un road-movie, ce qui lui donnait un certain tempo. Avec le temps le "road" est tombé, mais l'influence est restée. C'est un point important. Je voulais montrer l'enfermement mental. Le rythme compte et doit se retrouver dans l'écriture, les prises de vue et le montage. Les scènes qu'on a coupées ont aidé à préserver le rythme. Le film a été sélectionné au Festival de Berlin, dans la section Panorama. Jérémie Renier représentait la Belgique dans le "Shooting Star" organisé par le plan média, où chaque pays envoyait un jeune acteur représentatif. En Belgique le réalisateur doit souvent porter son projet de A à Z. J'aimerais bien lire des scénarios qu'on me propose, avoir un coup de coeur pour l'un d'entre eux et le réaliser. Entre-temps, j'ai en projet l'adaptation d'un roman".  On en reparlera.

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