Œdipe énergumène
Fermez l'œil et le bon. Imaginez un ciel gris plombé, pluvieux. Un crachin incessant. Le froid humide et cinglant du vent âpre de l'automne, son souffle. Un glissando pulsé comme un slap de Scott LaFaro, à la contrebasse pour faire rebondir le chorus entamé par Bill Evans dans Solar, feutré, exempt de tout vibrato. Avec une régularité de tempo coïncidant avec l'apparition d'un soleil hivernal qui donne de la lumière mais ne réchauffe personne. Ou si peu qu'il est inutile d'en parler. La sonorité du vent se fait plus ronde. Avec des silences pulsés comme les reprises légères des balais entre les doigts de Paul Motian aux drums. Spectral. Juste une respiration asthmatique. Le trio mythique de Bill Evans. Sunday at the village Vanguard. Le soleil s'éclipse. A l'est une colonne de nuages blancs boursouflés traverse le ciel poussé par le vent. Celui-ci s'obscurcit. Le crachin se transforme en une pluie qui crépite sur l'asphalte. Rouvrez l'œil et bouchez-vous les oreilles - sonnez tambour - nous sommes sur un plateau balayé par les intempéries - résonnez trompettes - du sud Luxembourg. Sur le tournage du Troisième Oeil de Christophe Fraipont.