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La vie Sexuelle des Belges 3 : Fermeture de l'usine Renault à Vilvoorde

Publié le 01/11/1998 par Philippe Simon / Catégorie: Critique

Le troisième volet de la Vie sexuelle des Belges provoque plus de remous encore que les deux premiers qui avaient connu une sortie normale. Ce qui, loin de déranger le réalisateur, rencontre ses voeux, car le débat tourne désormais autour de la survie du travail dans notre société.
Jan Bucquoy : "Il faut couper la tête aux chefs".
Jean-Luc Dehaene : "Il faut enfermer Bucquoy, il est complètement fou ".
Il est intéressant de prendre le pouls d'une certaine folie, surtout quand elle est dans l'air du temps et quand, comme on a pu le voir lors d'un récent débat au cinéma Nova, elle est contagieuse et fait des petits.

La vie Sexuelle des Belges 3 : Fermeture de l'usine Renault à Vilvoorde

Fermeture de l'usine Renault à Vilvoorde, le dernier film de Jan Bucquoy connaît une diffusion plus difficile que ses deux précédents. Le refus des salles ayant pignon sur rue de le programmer (après de frileuses hésitations), les silences de la critique et en général des médias (à quelques exceptions près) semblent confirmer le jugement de Jean-Luc Dehaene. Et pourtant.
Le film est présent dans de nombreux festivals (Belgique, France, Italie), fait l'ouverture de la rétrospective la Vie sexuelle des Belges (les trois films de Bucquoy au même programme) lors d'une soirée sur Canal +, participe à de nombreuses rencontres en Flandre et en Wallonie et vient d'être programmé avec succès au cinéma Nova pendant un mois, en attendant sous peu sa diffusion en France via les réseaux Utopia et consorts.
Précisons encore qu'il vient de se voir doter d'une bande annonce qui suscite hilarité et enthousiasme et qui à elle seule vaut le déplacement.

Jan Bucquoy : Fermeture de l'usine Renault à Vilvoorde s'inscrit dans mon programme de sape de la société. En général les gens sortent du film abasourdis. Ensuite, ils sont obligés de prendre position. D'où l'idée d'accompagner le film et de lancer des débats comme celui qui vient d'avoir lieu au Nova. Le débat dépasse le cinéma. Ce dernier n'est qu'un prétexte pour prendre la parole, remettre la révolution sur le tapis et inciter chacun à la destruction physique du vieux monde, ici et maintenant.
Au Nova beaucoup de gens m'ont dit avoir été émus par le film. Il véhicule une émotion, réveille une combativité et c'est en cela qu'il peut être dangereux. Car je m'adresse à des révoltes individuelles qui n'ont ni organisation ni programme ni parti et, pour moi, tous ceux qui veulent se ruer vers les bunkers des riches sont les bienvenus.
Mon film appelle à une lutte qui refuse les règles du monde ouvrier, des syndicats, du travail. Il est clair que la classe ouvrière est l'allié objectif du capital. Elle défend le travail. Et la question qui devrait être au centre des débats est justement de savoir si on a besoin de travailler. Pour moi, c'est clair, c'est non.
Face à un point de vue aussi tranché, les réactions lors du débat au Nova, qui réunissait, autour de Jan Bucquoy, des ouvriers de Renault et une centaine de spectateurs pour le moins concernés, ont eu de quoi surprendre. Car là où jadis les questions syndicales et le rôle des partis ouvriers, pour ne pas dire révolutionnaires, étaient au centre des échanges, ce soir-là, très vite, les interventions quittèrent le terrain de l'histoire ouvrière et de ses faillites pour se centrer sur cette évidence : comment peut-on défendre un travail que pas une bête au monde n'accepterait volontairement ?
Cette remise en cause des valeurs du travail venait confirmer la nouveauté radicale du film de Jan Bucquoy et soulignait, s'il en était encore besoin, combien les questions essentielles de notre société et de son refus ont changé et concernent aujourd'hui directement tout un chacun vu que, jusqu'à preuve du contraire, nous sommes tous confrontés aux lois du travail et à leur éventuelle disparition.

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