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La Chambre à Punto De Vista à la Cinematek

Publié le 14/01/2019 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

La Chambre de Chantal Akerman dans le cadre du festival Punto De Vista à la Cinematek du 18 au 20 janvier.
Figure majeure de la modernité cinématographique, la cinéaste belge Chantal Akerman nous a laissé une œuvre foisonnante incluant à la fois la fiction, le documentaire, le cinéma expérimental, l'essai et l'installation. La Chambre, sorti en 1972, est un de ses premiers courts-métrages et reflète déjà les motifs récurrents de l'auteure : l'autobiographie, l'enfermement, la figure de la femme, le rapport particulier au temps et au regard. Plan séquence de 10 minutes, effectué par une caméra en rotation constante, La Chambre présente une vue à 360° d'une chambre et de tout ce qu'elle contient. 

Un sac accroché au dossier d'un fauteuil en velours rouge, une table ronde surmontée de tasses, de fruits, une bouilloire sur la cuisinière, une commode. Et là, une femme étendue dans son lit qui fixe intensément la caméra qui continue sa rotation. Une chaise rouge, un petit bureau, des bas, un évier rempli de vaisselle. Le même fauteuil que celui du début. Après ce premier tour d'horizon à 360°, la caméra tourne encore, plus vite. Même décor, même femme, toujours alitée. La caméra revient sur ses pas et dévoile au spectateur la femme, toujours dans son lit, qui lèche une pomme. La caméra effectue alors un mouvement de va-et-vient sur la protagoniste qui dévore la pomme, de plus en plus avidement.
Un film "où il ne se passe rien" et pourtant. Avec ce film, la réalisatrice montre comment un simple mouvement de caméra peut parfois susciter plus d'émotion, peut raconter plus qu'une narration traditionnelle avec personnages et dialogues.
La chambre de Chantal AkermanDans La Chambre, le spectateur est pris en otage, dans ce huis clos. Une cellule sans issue où il se retrouve nez-à-nez avec Chantal Akerman allongée dans ce lit. Impossible de dire si la protagoniste est chez elle ou si elle est enfermée contre son gré dans cette pièce incluant tous les éléments d'un quotidien ordinaire : un lit, un bureau, une commode mais aussi ceux intrinsèquement lié aux archétypes de la vie d'une femme au foyer : vaisselle, lessive, cuisine. Une femme recluse qui attend mais qui figure aussi une Eve sensuelle. D'abord couchée et lovée dans ces draps roses, impatiente, elle finit par croquer le fruit défendu avec un brin de provocation. Une représentation ambivalente de la femme plus contemporaine, peut-être.
Le dispositif, à la fois simple et déconcertant, de cette caméra rotative, manipulée à des vitesses variées, place le spectateur dans une posture inconfortable, tantôt témoin de cette vacuité, de cet ennui, de cette attente, tantôt pris au piège par cette femme fatale. Jouant de façon déroutante sur ces regards, sur le sujet/l'objet du regard, sur le pouvoir du regardant et la faiblesse du regardé, Chantal Akerman, avec La Chambre, livre un essai plus actuel sur l'idée du voyeurisme inhérent à notre société. Qui regarde qui et pourquoi ? Pour passer le temps ? Pour vaincre l'ennui ?
La Chambre, un film-essai à (re)découvrir dans le cadre du festival de cinéma documentaire Punto De Vista à la Cinematek ce 20 janvier à 16 heures.

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