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Rencontre avec Jonathan Lenaerts, chargé de presse du BIFFF 2022

Publié le 01/09/2022 par Malko Douglas Tolley et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

Véritable institution mondiale du cinéma d’horreur, fantastique et thriller, le Brussels International Fantastic Film Festival (BIFFF) souffle ses 40 bougies lors d’une édition qui se tiendra du 29 août au 10 septembre 2022 au Palais 10 du Heysel. Le chargé de presse du festival, Jonathan Lenaerts, dévoile les pépites à ne pas manquer lors de cette édition qui met 14 films made in Belgium à l’affiche. Comment revenir du Mordor ? Quand se déroulera l’édition 2023 ? Pourquoi le Corbeau est-il l’emblème du festival ? Comment se porte le cinéma belge de genre ? Quel avenir pour les festivals ? Autant de questions abordées lors de cette rencontre dans les locaux de PeyMey Diffusion.

Cinergie : Avant d’aborder les nombreux films belges de cette édition 2022, pouvez-vous nous expliquer en quoi le BIFFF est une véritable institution du cinéma de genre, fantastique et thriller ? C’est quoi le BIFFF ?

Jonathan Lenaerts : Qu’est-ce que le BIFFF, vaste question ! On peut difficilement le présenter uniquement comme un festival de cinéma. C’est un univers complètement fantastique où l’on propose plein d’activités. Des expositions fantastiques, des animations, des événements spéciaux durant le festival. Ce qui fait sa particularité, c’est son ambiance unique. Il y a une atmosphère absolument incroyable. Si le public déserte de plus en plus les salles de cinéma, il revient avec plaisir au BIFFF car il s’agit d’une expérience collective. On a un journaliste qui est aussi prêtre qui avait dit qu’une séance de cinéma au BIFFF, c’est comme une messe réussie. Ça résume tout je crois.

 

C. : Après sept éditions au BOZAR, une édition annulée et un BIFFF 100% online l’an dernier, comment gère-t-on un changement de lieu vers le Heysel ainsi qu’un déplacement des dates des vacances de Pâques à la rentrée scolaire ?

J.L. : La dernière édition à BOZAR date de 2019. Ensuite, nous avons tous pris 2020 en pleine gueule. En 2021, nous avons réussi à mettre en place un festival en ligne mais nous avions déjà l’intention de déménager à cette époque. Ce n’est absolument pas un manque d’entente avec BOZAR, mais leur salle de cinéma devait être rénovée dans un délai de trois ans, sans plus de précisions sur les dates exactes des travaux. Si ça tombait pendant le festival, ça aurait été une catastrophe pour nous. On a donc anticipé ce problème en visitant toutes les salles de Bruxelles avec la capacité d’accueillir un festival de l’envergure du BIFFF. Et le Palais 10 de Brussels Expo était finalement la solution la plus adéquate. On est conscient qu’un déménagement couplé avec un changement de dates, c’est un immense défi. Le Heysel peut sembler très loin comme le Mordor pour certains (ndlr : Seigneur des anneaux) mais ce n’est qu’à 8 km du centre-ville.

 

C. : En termes de mobilité justement, avez-vous prévu des solutions pour les plus sceptiques sur ce nouveau lieu ?

J.L. : En termes de mobilité, on a mis en place plusieurs choses. Tout d’abord un partenariat avec Taxi Vert afin de bénéficier de tarifs réduits durant le festival. On a également affrété un Fantastic BIFFF Bus qui partira à 1h00, 2h00 et 3h00 du matin et fera une boucle sur la petite ceinture de Bruxelles. Un groupe Facebook « Sharing is Biffing » a été créé afin de partager les transports. Le site est bien desservi par les transports en commun avec la station de métro Heysel à cinq minutes (dernier départ à 00h33). Il y a juste le kayak et le pédalo que nous n’avons pas réussi à mettre en place dans ce package multimodal. Mais dans quelques années avec la montée des eaux, sait-on jamais !

 

C.. : Avant d’attaquer le vif du sujet, beaucoup de fans se demandent si le festival va être maintenu au Heysel. Une autre question récurrente est le maintien ou non du festival en septembre ou un retour en avril durant les congés de Pâques pour les prochaines éditions ?

J.L. : Comme je l’ai expliqué, nous sommes persuadés que le Heysel est l’un, si pas le meilleur endroit, pour organiser le festival à Bruxelles à l’heure actuelle et l’incertitude était devenue trop grande à BOZAR. Cependant, pour les dates, je confirme que, dès l’an prochain, le BIFFF reviendra aux dates habituelles au mois d’avril.

 

C. : À chaque édition, il y a un focus sur les productions cinématographiques issues d’un pays en particulier. On se souvient d’un focus coréen ou argentin lors des dernières éditions. Cette année, il s’agit d’un focus belge. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui a motivé ce choix ? Quels sont les principaux films de la sélection belge cuvée 2022 ?

J.L. : Le focus belge que l’on a appelé cette année « The Belgian Wave » est assez amusant. Au mois de mars (2022), il y avait une rétention de films assez importante, notamment en provenance d’Asie du Sud-Est. Petit à petit, on s’est rendu compte qu’on avait reçu plusieurs co-productions belges. Cela fait des années qu’on souhaite mettre le cinéma belge à l’honneur. Les fondateurs et les équipes qui s’occupent de la programmation travaillent sur la mise en lumière du cinéma belge depuis la création du festival. À l’heure actuelle, on remarque que le cinéma de genre et fantastique sont occupés à sauver l’industrie tout entière à l’échelle mondiale. Mais on constate également, qu’en Belgique, il y a une pléthore de films et une attitude beaucoup plus assumée et décomplexée vis-à-vis de ce type de cinéma. Que ce soient des coproductions, des mini productions, des grosses productions et coproductions internationales. Cela prouve simplement que le cinéma belge s’investit dans ce type de cinéma de plus en plus populaire (auprès du public) et un vivier d’idées créatives absolument génial.

 

C : Y-a-t-il des films plus marquants que d’autres parmi cette « Vague Belge » qui va submerger le BIFFF 2022 ?

J.L. : Mégalomaniac est un film complètement à part, unique en son genre. Karim Ouelhaj est un habitué du BIFFF et il a déjà gagné le Méliès pour son court-métrage L’œil silencieux. C’est un long métrage qui sort le spectateur de sa zone de confort. Le réalisateur aborde l’histoire du dépeceur de Mons d’une manière extrêmement viscérale avec une approche qui met mal à l’aise. Un cinéma indifférent, c’est un cinéma qui rate sa cible. Et pour le coup, Karim Ouelhaj a parfaitement atteint sa cible avec un film coup de poing.

 

C : Vesper est programmé en tant que film d’ouverture du festival. Ce n’est pas courant d’avoir un film belge en tête d’affiche pour l’opening.

J.L. : Il s’agit du dernier film de Kristina Buozyte. Cette réalisatrice avait également obtenu un prix (7e orbit) au BIFFF en 2013 avec The Vanishing Waves. Malgré le succès de son premier long-métrage, elle a dû attendre sept ans pour présenter un nouveau projet. Les quelques critiques actuelles sont dithyrambiques et voir de la SF (science-fiction) européenne, ce n’est pas la même chose que les productions hollywoodiennes. On vient avec d’autres intentions et d’autres idées. C’est un vent de fraîcheur sur la fin du monde !

 

C : À la fin du festival, il y a également un film intitulé L’employé du mois qui semble assez croustillant. C’est plutôt le film qui fait rire ou qui fait peur ?

J.L. : C’est également une pépite celui-là. L’employé du mois est le dernier film de Véronique Jadin et prouve le spectre de la diversité de la programmation de cette édition 2022. Il s’agit d’une comédie noire grinçante et sanglante sur le monde du travail. L’exploitation des fonctionnaires dans des situations surréalistes est mise en scène avec un casting aux petits oignons (Peter Van Den Begin, Christophe Bourdon, Alex Vizorek, Laurence Bibot). D’ailleurs, Véronique Jadin fait partie du jury international cette année.

 

C : En quoi les membres du jury, les invités internationaux sont importants dans le déroulement du festival ? Quel est l’impact du Bifff Market sur le cinéma belge ?

J.L. : Pour les 40 ans, on a voulu marquer les esprits. John Mctiernan (Piège de Cristal, À la poursuite d’Octobre Rouge, Last Action Hero, Predator) sera présent et donnera une masterclass le 1er septembre. Barry Sonnenfeld (Adams Family, Men In Black & Get Shorty) est également de la partie avec une masterclass le 8 septembre. Tous les invités contribuent à mettre en avant les productions belges. Au niveau des médias, il y a un retentissement médiatique supplémentaire grâce à ces personnalités connues mondialement. Tout cela est accompagné par le BIFFF Market qui aide au financement et à la coproduction de nombreux projets belges et internationaux. Il faut savoir que pour réaliser des films belges de qualité, il faut impérativement des financements étrangers. C’est en unissant les forces que l’on peut produire des projets viables. On a commencé le Bifff Market avec sept projets à l’époque, il y en a désormais plus d’une cinquantaine. La Belgique possède une multitude de ressources à valoriser, que ce soit au niveau de la technique, de la post-production ou encore des effets spéciaux.

 

C : On a mentionné le Méliès et des membres du jury du BIFFF. Pouvez-vous nous expliquer les nouveautés à ce sujet ?

J.L. : Le principal prix du BIFFF est le Golden Raven (Corbeau d’or). Pourquoi un corbeau ? Il s’agit d’une référence des fondateurs au poème Le Corbeau (traduit par Baudelaire) d’Edgard Allan Poe. Si les fondateurs avaient choisi Lovecraft, ça aurait été plus compliqué pour les graphistes. Les prix ont évolué dans le temps et le prix 7e parallèle est désormais remplacé par le White Raven (Corbeau Blanc). Il est attribué à des films moins grand public et plus difficiles d’accès. Le prix des thrillers, créé à l’époque lors de la diffusion de The Chaser de Na Hong-jin, devient désormais le Black Raven (Corbeau Noir). Un nouveau prix va également être attribué cette année, il s’agit du Emerging Raven (Corbeau émergeant). L’intention est de récompenser les premières ou deuxièmes œuvres de cinéastes prometteurs. Un peu comme ce fut le cas avec les premiers films de Luc Besson diffusés au BIFFF à l’époque pour n’en citer qu’un.

 

C : Comment envisager l’évolution du cinéma et des festivals de cinéma avec le développement de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) et l’avènement de la consommation cinématographique 2.0 via smartphone, tablette ou à domicile ?

J.L. : La pandémie a soulevé beaucoup de questions. À partir du moment où le public a accès à du cinéma à volonté via une plateforme à 9 euros par mois et qu’une place de cinéma coûte 13 euros par personne en moyenne, il y a des questions à se poser (nb : le prix moyen des places au BIFFF est de 9 euros/séance). L’équilibre est précaire et difficile à maintenir. La concurrence est de plus en plus rude. Au niveau du BIFFF, ce qui permet de sortir du lot, c’est l’ambiance, l’expérience collective. C’est totalement différent de voir un film au BIFFF que chez soi dans son canapé. Les films bénéficient d’une plus-value par l’ambiance que les spectateurs apportent à la projection. À une époque où les produits cinématographiques sont noyés dans une pléthore d’autres sur les plateformes, le festival permet au spectateur d’affiner sa sélection et au distributeur de faire connaître le film par un autre médium. Les plateformes, c’est un Mac Drive du cinoche. Au-delà de ça, le festival, c’est la rencontre, le débat, la discussion. À une époque où il est de plus en plus difficile de débattre, ce type de rencontres permet justement de se confronter, de voir comment on peut penser différemment.

 

C : Pour en revenir à l’ambiance BIFFF, d’autres événements ponctuels sont prévus durant le festival cette année ?

J.L. : On a énormément de choses. Des événements et des animations gratuites tous les jours. Il y aura une animation incroyable en extérieur. Le Art Contest permet de voir quelqu’un réaliser une peinture en live en 5h sur le thème du fantastique. Tout le monde peut participer. On a une journée famille pour les plus jeunes afin d’éduquer les jeunes générations au fantastique le dimanche 4 septembre. Il y a également le bal des vampires mais, cette année, il n’y aura que des costumes de vampires, fini les Godzilla ou la momie. Mais c’est le vampire à travers les âges, donc aussi bien Twilight que Blade par exemple.

 

C : Comment découvrir le programme et les rendez-vous du BIFFF ?

Il y a un site internet, une page Facebook, un compte Instagram, un groupe Facebook Bifff Friends et également une application en ligne.


Le site du BIFFF

L’application du BIFFF (Apple & Android)

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