Depuis peu, le Palais des Beaux-Arts accorde au septième art une place de qualité avec l’inauguration d’une belle petite salle confortable de 75 places : « Le 23 ». Chaque semaine, l’équipe de programmation de Bozar offre aux spectateurices une projection par jour du mercredi au dimanche. L’objectif est de proposer une sélection diverse et inclusive qui présente plusieurs formats : les Close-Ups, les New Voices in Cinema, Art&Film, les Premières, Our Burning World, le Family Film Club et des VR Film Screenings.
Rencontre avec Juliette Duret, responsable cinéma à Bozar
Cinergie : Pourquoi avoir repris cette salle de cinéma ?
Juliette Duret: La Salle M et le Studio où on projetait tous nos films ont fermé en mars pour rénovation et les travaux, supervisés par Pierre Hebbelinck, seront terminés fin 2025. Donc, de mars à juin, on était extra-muros à Galeries Cinéma, au RITCS, à CINEMATEK, à Bozar. C’était super, mais on avait envie de rapatrier toute la programmation cinéma dans nos murs à Bozar. On a décidé de transformer cette salle, qui nous a servi de salle d’exposition, et de la réhabiliter en salle de cinéma. À l’origine, à Bozar, dans les années 1920, Victor Horta l’avait pensée comme la salle de cinéma du Palais des Beaux-Arts. C’est un nouveau projet de salle de cinéma qui va devenir une salle de 75 places équipée en DCP, en Dolby surround 7.1, une salle tout à fait professionnelle équipée par CinemaNext et dans laquelle on va faire tourner les films.
On va créer un flux de films, car on sera ouverts du mercredi au dimanche à raison d’approximativement neuf séances par semaine, ce qui change considérablement la manière de programmer. De plus, avec une salle de cette capacité, on va reproposer les films, on sera sur une répétition des projections sur une semaine ou sur quinze jours à côté des sorties de films. Ce qui crée une nouvelle dynamique pour nous et une nouvelle manière de penser la programmation. Pour l’ouverture, on a choisi un film belge Tongo Saa produit par Rosa Spaliviero qui a fait sa première au Kunstenfestivaldesarts. On est curieux de voir comment cette salle va se remplir, comment elle va être vécue par notre public, on est dans une période remplie de challenges et de questionnements, on est au cœur du palais, donc il y a beaucoup de passages. Nous serons dans une période d’expérimentation de cette salle pendant les prochains mois.
C. : Quels sont les gros changements dans la programmation ?
J. D. : Avec notre nouveau directeur général CEO & Artistic Director, Christophe Slagmuylder, on a créé des formats de programmation qui vont nous aider à avoir une régularité et un flux dans cette salle. On a quatre cases mensuelles et trois formats de programmation plus libres et liés à des opportunités. La manière d’envisager la programmation va être différente parce qu’avant on travaillait sur le court et moyen terme tandis que maintenant on travaille sur du moyen terme voire long terme. Ici, on travaille sur la programmation de 2025. On aimerait clôturer 70% de la programmation d’ici un mois. On se désolidarise un peu de l’actualité cinématographique pour faire un travail plus qualitatif en termes de programmation et de production.
C. : Quels sont les formats que vous allez proposer ?
J. D. : On a développé 7 formats différents. On aura un format Close-Ups, un format Premières où on sortira des films inédits, des coups de cœur, des films restaurés qui nous animent et qu’on a envie de partager avec notre public. On a un format Art & Film où on trouvera des films qui font écho aux expositions et aux programmes musique et des films réalisés par des artistes visuels. Un autre volet s’appelle New Voices in Cinema dans laquelle on retrouvera des premiers films qui ne sortent pas, qui n’ont pas cette possibilité de sortie, mais qui se risquent à raconter une histoire différemment. On a une case Family Film Club qui propose une fois par mois un film « famille ». Une case s’appelle Our Burning World qui va nous permettre de plonger à travers le cinéma dans des thématiques sociétales, écologiques, politiques, géopolitiques, nous permettre de nous intéresser de plus près à l’actualité, mais via le cinéma. Et la dernière, à partir de décembre, s’intitule Cinéma immersif qui va se déployer sur toute l’année 2025. Le deuxième vendredi du mois, on va proposer des courts métrages à voir avec un casque en réalité virtuelle pour 30 personnes max. Les programmations dureront 30 à 40 minutes et seront proposées toute la journée jusqu’en début de soirée. Ce format existe déjà aux Pays-Bas et s’appelle Nu :Reality et qu’on copie un peu avec un partenaire côté flamand.
C. : Quelle est la place du cinéma belge dans cette programmation ?
J. D. : La place du cinéma belge sera retrouvée dans les Close-Ups, quand on s’attarde à travailler autour d’un.e cinéaste. Il y aura des noms belges confirmés ou en voie de confirmation, des cinéastes au milieu de leur carrière. Il aura aussi sa place dans les New Voices, dans les Art |& Film, dans les Family Film Club et dans le cinéma immersif. Le cinéma belge sera plus que jamais activé, mais sur différentes lignes.
C. : Est-ce que Bozar continuera à s’associer à des festivals comme précédemment ?
J. D. : Oui, travailler avec des festivals basés à Bruxelles ou en Belgique sera toujours le cas. Là, on est dans une phase d’expérimentation, mais on restera sur les formats cités précédemment. On n’acceptera plus des programmations qui viennent s’ajouter à notre programmation. Ce sera toujours de la coprogrammation comme c’était déjà le cas. L’envie, c’est de reconnecter avec les festivals, connexion qu’on avait un peu perdue comme on n’avait plus de salle pendant six mois. Reconnecter avec les festivals, ce sera encore plus important quand on récupérera le studio en 2026.
C. : Il y a aussi une collaboration avec les expositions présentées à Bozar ?
J. D. : Oui, dans le format Art & Film, on va programmer des films qui sont liés aux expositions en place, qui vont faire écho à la programmation musique en place. On veut aussi mettre en avant des artistes visuels qui font aussi des films. L’idée de transversalité est surtout là sur ce format et dans le format Our Burning World, on va beaucoup travailler avec le département Talks & Debates writers and thinkers puisqu’on va traiter des questions d’actualité, des questions qui sont sur la table, on s’associe avec eux pour la partie discussion-débat qualitatif et contenu.
C. : Quels sont les challenges aujourd’hui ?
J. D. : C’était un challenge technique, tout fonctionne pour l’ouverture, mais c’est aussi un challenge au niveau de la salle dans BOZAR, il faudra bien étudier les interférences possibles. Il y a un challenge en termes de public puisqu’on n’est plus vraiment dans nos murs depuis mars donc on doit reconnecter avec le public d’une manière toute différente. Avant, on était sur de l’événementiel pur et aujourd’hui, on est plutôt sur une programmation de flux. On est curieux de voir comment le public va réagir. Hier, on a ouvert de manière informelle la salle avec un film sur Sophie Taeuber-Arp qui fait écho aux expositions et les chiffres sont bons.
Maintenant, il va falloir affiner aussi notre manière de communiquer par rapport au public qui a la possibilité de voir un film quotidiennement à BOZAR. C’est nouveau pour nous et pour le public.