Quand les enfants de l'immigration s'invitent derrière la caméra
Les jeunes issus de parents ou grands-parents ayant fait la transhumance économique du Sud vers le Nord il y a 50 ou 60 ans, se dotent de moyens d'expression partagés et reconnus socialement. Le cinéma, art populaire par excellence, se teinte des revendications de femmes et d'hommes qui doivent encore justifier aux yeux de la population dite d'accueil, leur droit de présence parmi elle. Les mots, les concepts, les sujets dont ils refusent d'être associés reviennent naturellement hanter leur imaginaire, comme une seconde peau dont ils doivent se dépouiller pour enfin passer du statut d' « issus de l’immigration » à celui de « citoyens ».
Ainsi, Bilal Fallah et Adil El Arbi, d'origine maghrébine, néerlandophones - l'un de Diegem et l'autre d'Anvers -, réalisateurs diplômés de Sint Lukas, école de cinéma de Bruxelles, se réapproprient le récit de bandes armées qui règnent dans la capitale pour tordre le cou à quelques poncifs qui collent aux peaux basanées ou noires. Le scénario est une adaptation de deux ouvrages, Black et Back, signés par Dirk Bracke, auteur prolixe flamand dont la lecture est quasiment imposée dans les écoles néerlandophones. Lorsque nos jeunes gens les ont découverts à l'école, ils se sont sentis pousser des ailes de réalisateurs et ont proposé à l'écrivain de mettre en scène l'histoire d'amour d'adolescents dans un contexte de « guérilla urbaine ». Un Roméo et Juliette entre bandes de jeunes rivales. Grosse déception, ils apprennent alors que les droits avaient déjà été cédés à Hans Herbots, réalisateur qui avait déjà porté à l'écran un roman du même auteur : Bo.
Mais la valeur n'attend pas le nombre des années ! Sûrs de leur fait, Adil et Bilall rencontrent le producteur de Caviar Films et parviennent à le convaincre de faire partie de l'aventure.