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Entrevue avec Stéphane Aubier et Vincent Patar à propos de Panique au Village

Publié le 01/01/2005 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Entrevue

Stéphane Aubier et Vincent Patar réalisateurs de Panique au Village

 

 

Panique au Village n'est pas une idée neuve. C'est ce que les bonus du DVD nous permettent de découvrir avec l'exhumation du tout vieux Panique..., qui date de 1991. "Nous étions en dernière année à La Cambre", raconte Stéphane,"et nous devions faire un petit film en animation de volumes pour apprendre à maîtriser la technique. Vincent avait décidé de réaliser un clip sur une chanson de Dario Moreno, Tout l'amour, dans lequel il animait une petite marionnette. J'avais aussi très envie de faire un film dans cette technique mais je ne me voyais pas créer des poupées. C'est alors que je me suis rendu compte, en observant les animaux de la ferme en plastique comme on les fait pour les gosses, que c'était en fait souvent les mêmes dans plusieurs positions différentes. Par exemple, la même vache assise ou debout, avec la tête droite ou penchée etc. L'idée est partie de là. Vincent m'a aidé pour les décors, Benoît Marcandella pour les éclairages, et le premier Panique a vu le jour. Au début c'était un gag. D'ailleurs je crois bien que les profs à qui on l'a présenté se sont demandés si on ne se moquait pas un peu d'eux. Quand ils ont vu cela, ils me demandaient: "Dis gamin, ça va bien?" "T'as bien pris tes médicaments?". "Et puis l'idée a dormi quelques temps pour resurgir ensuite de manière plus professionnelle".

 

Vincent enchaîne: "Quand on a sorti la K7 de Pic Pic et André, on devait remplir les 58 minutes et on n'avait pas beaucoup de matériel. On a alors décidé de mettre ce petit gag qu'on avait dans nos archives, comme cadeau pour nos spectateurs. C'est arrivé sous l'oeil de Vincent Tavier, qui s'est dit que ce serait bien d'essayer d'en faire un concept, pour une série TV. On a tourné un pilote (le Gâteau) qui a très bien marché en festival (ou Panique à la cuisine)."

 ... Et vous connaissez la suite.

 

Faire une série TV dans un format rigide de 5 minutes par épisode, cela change de l'inspiration libre des Pic Pic.
"La longueur était une contrainte rigide et il fallait s'y tenir. Quand l'épisode était un peu plus long, on pouvait juste un peu "bouffer" sur le générique de fin, mais c'était tout". D'autant que c'était la première fois qu'ils se lançaient dans l'animation de volume, du moins pour leur compte et à cette échelle.
"On avait un peu travaillé avant, chez Alligator Films, sur la série des Bogus avec Michel Durieux et Ghislain Honoré. On avait donc un peu d'expérience. Ici, c'était un peu dépaysant, mais par rapport au dessin, il n'y a pas de différence fondamentale. On utilise des objets pour raconter une histoire mais la base, c'est toujours le storyboard, qui contient l'histoire et qui tient tout ensemble".

 

La seule différence, c'est que tu ne racontes pas la même chose dans un storyboard pour le papier découpé ou pour l'animation de volumes, parce que certains gags, certains trucs narratifs ou visuels ne fonctionneront pas de la même manière. Si Panique... était raconté en dessin animé, ce ne serait peut-être pas drôle du tout. "Et puis", rajoute Vincent, "malgré que tout soit assez rigoureusement prévu dans le storyboard, l'animation de volumes est une technique assez souple qui nous permet d'improviser devant la caméra. Quand on est en train de tourner, on a des idées qui ne viendraient peut-être pas en dessin animé. Avec les objets, à chaque fois, on y va un peu au feeling. Cela veut die qu'on découvre sans cesse de nouvelles choses. Cela aide à conférer un côté plus spontané." On sent, d'ailleurs, en regardant les épisodes de la série, qu'il y a une progression, que tout n'a pas été élaboré d'un coup. Des caractères s'affirment, évoluent, des personnages apparaissent.

 

"On a commencé a écrire 12 épisodes qu'on a mis en production. Il restait encore 7 épisodes pour lesquels on avait des idées mais qui restaient encore à écrire. Et on a subdivisé en trois périodes de tournage, pour que ce ne soit pas trop fastidieux. Comme cela entre deux tournages on pouvait faire un peu de post production. C'était beaucoup plus gai de pouvoir alterner et cela nous permettait aussi de pouvoir ajuster les scénarios suivants."
On pourrait croire qu'avec cette technique particulière d'animation, l'ordinateur a été d'un grand secours, par exemple pour créer en "allitérations", les mouvements des personnages, mais il n'en est rien. La philosophie était "d'en faire" le moins possible de ce point de vue. Place au naturel.

 

"Quand on doit envoyer un objet ou un personnage dans l'espace, par exemple, on le filme sur un fond bleu et on sur impressionne des étoiles et de la terre, sur une photo ou sur un dessin. Mais c'est quasiment la seule exception où on s'est permis des truquages informatiques. On aime bien le petit côté bricolage inhérent au film d'animation traditionnel. Comme les tables tournantes par exemple. C'est une technique des frères Fleitsher pour les décors de Popeye. Les décors étaient bâtis sur de gigantesques tables tournantes et quand les personnages devaient bouger, ce n'étaient pas les personnages qui bougeaient, c'était tout le décor, donnant l'impression du mouvement. Ici aussi, quand on fait des mouvements de caméra, la caméra est fixe, c'est tout le décor qui bouge. Quand les voitures roulent sur la route, les voitures ne bougent pas, c'est le décor qui bouge et on a l'illusion qu'elles avancent. Il y avait un grand décor extérieur, avec les deux montagnes la maison de Cheval et la ferme de Steven. Puis on avait tout une série de décors plus petits pour faire des lieux différents: des vallons, des forêts... Et enfin, les intérieurs."

 

Autre élément très important de ce travail, et qui n'est pratiquement jamais souligné, c'est la caractérisation sonore. Les voix bien sûr, qui sont des éléments essentiels des personnages, d'autant plus importantes ici que nous avons affaire à des figurines rigides et assez peu expressives, mais aussi tout le bruitage. Occasion de souligner aussi l'importance extrême du travail réalisé par le mixeur, Franco Piscine. "Dans les bruitages, comme dans les voix, on essaie d'être assez réalistes. Enfin de ne pas trop s'approcher des "gimmicks" des "cartoon". Si on en rajoutait encore dans la bande son, dans le sens cartoon, cela ne serait plus du tout crédible. C'est un délicat travail d'équilibre, que Franco réalise mieux que personne. Avec son comparse Manu De Boiseux et le bruiteur Bertrand Boudaud". L'occasion nous est offerte d'aborder l'aspect du travail en équipe. Une équipe beaucoup plus nombreuse sur ce projet que sur les autres expériences de nos deux compères. "Rien que sur le plateau de tournage, on était neuf. C'est la première fois qu'on avait l'occasion de déléguer autant." Un passage pas toujours évident pour les animateurs, qui ont souvent un petit côté "bricolo solitaire".

 

"Pas nous. On a toujours demandé des conseils, partagé notre travail avec d'autres. On a davantage un esprit d'artisans qu'une mentalité d'artiste avec un ego surdéveloppé. Et de toutes façons, si tu veux faire des choses comme Panique... en restant dans ton coin, il te faudra quinze ans pour les faire. Et ce n'est pas le but du jeu. Ceci dit", poursuit Stéphane, "on savait aussi qu'en quittant le dessin animé, on allait devoir travailler en équipe et on a essayé de constituer l'équipe la plus proche de nous. Des gens dont on connaissait le travail. Et puis il y avait Vincent Tavier qui était là pour nous aider, avec Guillaume Malandrin, à trouver les bonnes personnes, à chapeauter le travail. C'était une chouette équipe. Il n'y a jamais eu de problème."
Et Vincent Patarde rajouter un mot sur son producteur, Vincent Tavier. "On est à la limite de devoir lui décerner le titre de directeur artistique, par moments. Il suit vraiment les projets de très près, et il peut avoir quatre projets au feu en même temps, il les suivra tous les quatre de manière aussi complète. Une efficacité assez rare." Maintenant, nous avons l'intégrale des 20 épisodes en DVD. Un prolongement naturel à la série TV.

 

"Pour nous, cela clôt une période, cela termine un travail, permet de faire le bilan et de tourner la page. Pour le public, il y avait une demande. On recevait constamment des messages demandant quand le DVD allait sortir. Le plus difficile a été de trouver un éditeur C'est finalement Canal + France qui s'en est occupé. Et maintenant, Aardman travaille sur la version anglaise. Ils retravaillent les voix, s'occupent de la diffusion TV puis par après de la sortie du DVD, ce qui va encore nous ouvrir les portes." Et, pour l'avenir, peut-on espérer de nouveaux épisodes de Panique... ?

 

"On pense encore continuer cette série, parce qu'on aime bien la technique. Elle nous permet de raconter des histoires facilement tout en contrôlant mieux les choses que si on devait la faire en dessins animés. Ici, on sait suivre jour après jour, de très près, l'évolution du travail."

 

Sortie du DVD Panique au village.

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