Fantine Harduin, membre du jury White Raven du BIFFF 2024

Cinergie.be : Depuis quand êtes-vous dans le milieu du cinéma ?

Fantine Harduin: J’ai commencé au cinéma quand j’avais sept ans avec un court-métrage qui s’appelle Taram Tarambola (2013), de Maria Castillejo Carmen. Cela fait donc 12 ans que je suis active dans le secteur. C’est l’histoire de deux sœurs qui ont des parents divorcés.

C. : Aviez-vous une véritable vocation pour le métier de comédienne dès le plus jeune âge?
F. H. : Pas du tout. À sept ans, je ne sais pas si c’est possible de se préparer pour le cinéma. Je n’avais même pas connaissance du fait que le métier de comédienne existait. Je ne savais rien de l’industrie du cinéma ni des acteurs qui jouaient dans les films. Je regardais des trucs pour enfants à la télévision sans me poser de questions. Je n’avais donc pas d’envie particulière à ce niveau. Cependant, j’ai grandi dans une famille assez artistique, surtout du côté de mon père. Il faisait du théâtre en amateur. Il invitait des humoristes à venir dans ma ville et les présentait. Je montais parfois sur scène avec lui et on faisait des petits sketches ensemble. Du coup j’ai grandi dans ce milieu artistique et j’ai également fait l’émission Belgium Got Talent avec mon père. On avait fait un numéro de télépathie à la même époque. Des gens m’ont vue et ils ont dit à mon père de me faire passer des castings, car j’avais un truc sur scène. Mon père était du théâtre, mais pas du cinéma et il n’y connaissait rien non plus. On s’est dit pourquoi pas et on a passé le casting pour Taram Tarambola. C’était mon premier casting et je l’ai eu. Je suis tombée amoureuse du milieu, de l’expérience du cinéma, de jouer et de gens qu’on rencontre et ce qu’on apprend à travers ces échanges. Pour mon père également ce fut une révélation et on a continué tous les deux à faire ça.

C. : Après Taram Tarambola et Les Amoureuses (2014), vous avez déjà vos premières expériences en long métrage. Que retenez-vous de cette période ?

F. H. : Mon premier vrai long, c’était Le Voyage de Fanny (2016), de Lola Doillon. C’était absolument incroyable. J’avais dix ans et c’était un tournage uniquement avec des enfants. C’était génial. On était parti à la montagne et on avait voyagé un peu partout en France et en Belgique. On était sept enfants dans des campings et des hôtels. C’était la meilleure expérience au monde pour une enfant de dix ans. Je jouais un rôle important même si ce n’était pas le rôle principal.

C. : Après cette période d’innocence totale et ce début de carrière en tant qu’enfant, quel fut le déclic où vous vous êtes rendu compte que vous voudriez en faire une carrière ?

F. H. : Je pense que c’est arrivé assez tardivement. Pendant toute mon enfance, c’était un hobby qui me portait et c’était simplement quelque chose que j’adorais faire. Avec mon père, on se disait que chaque tournage était une chance et que ça pouvait être le dernier. Vers 16 ou 17 ans, j’ai questionné mon envie de poursuivre dans cette voie, que ce soit en tant que réalisatrice ou comédienne, ou de faire un autre métier. Maintenant je considère déjà plus mon activité au cinéma comme un métier, même si ça reste un hobby que j’adore faire.

C. : Avez-vous envie de faire d’autres études ou de vous former à d’autres métiers du cinéma comme la réalisation ou vous préférez prendre les projets au jour le jour et voir comment les choses évoluent ?

F. H. : J’aimerais bien suivre une formation, mais je ne veux pas rentrer dans une vie avec trop d’obligations en termes d’agenda. J’ai envie d’encore laisser un peu la vie me mener là où il faut que j’aille. Je passe actuellement des concours pour faire une école de théâtre. Ayant commencé assez tôt, je n’ai jamais eu le temps de me préparer au théâtre et ça m’intéresse d’apprendre ça. J’aimerais également déjà débuter dans la réalisation de courts-métrages et de petites séries avec des amis. Je veux me faire une expérience, me casser la gueule et ensuite remonter. J’ai envie d’essayer des trucs et après, pourquoi pas une école de cinéma afin de devenir réalisatrice. Ou pas. La vie me mènera où je dois aller, mais j’aimerais bien réaliser un jour.

C. : Avez-vous déjà eu une expérience sur les planches de théâtre auparavant ?
F. H. : Presque. J’ai grandi sur les planches. Je viens de Mouscron, ma famille est très artistique et j’ai grandi dans le théâtre du Marius Staquet. Je n’ai jamais vraiment joué une pièce si ce n’est avec l’école. J’ai l’impression que le théâtre est l’endroit où l’acteur est le plus libre. Dans le cinéma, et ça dépend avec qui l’on tourne bien entendu, il y a une caméra et on doit se placer à un endroit précis par rapport à celle-ci. Au théâtre, tu joues toute la pièce dans un seul souffle. C’est comme si tu vivais vraiment cette scène-là. Tu donnes tout vraiment d’un coup et c’est assez libérateur. Je suis vraiment tombée amoureuse de ça.

C. : Vous aviez le premier rôle dans un court-métrage diffusé durant la compétition nationale belge du BIFFF 2024. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet ?

F. H. : Le court-métrage s’appelle À la limite (2024), de Clotilde Colson. C’est un court qui revisite un peu le style Giallo. C’est l’histoire d’une femme qui n’est pas à l’aise socialement et elle se retrouve dans une grande fête avec plein de gens. L’héroïne va devoir surmonter ses peurs du social. Il y a une métaphore avec une créature. C’est un court-métrage que j’apprécie énormément. Je suis revenue des États-Unis afin de pouvoir le tourner.

C. : Quelle est votre affiliation avec le cinéma d’horreur et fantastique ?

F. H. : J’ai du mal à me considérer comme une cinéphile, mais j’adore le cinéma. Je trouve que le cinéma fantastique est une manière fascinante de parler de problèmes de société et du réel. J’ai énormément de DVD et la moitié au moins sont issus de ce qu’on appelle le genre, même si ça ne veut pas dire grand-chose. J’adore regarder ce genre de films, mais j’aime voir tous les sous-genres du cinéma horrifique et fantastique également. J’aime bien faire découvrir ce type de cinéma à mes amis aussi. Souvent, il y a un a priori gigantesque sur ce type de cinéma. J’ai l’impression qu’il faut le découvrir avec les bons films pour en tomber amoureux. C’est tellement plus que ce qu’associe généralement le grand public à ce type de cinéma. Il peut y avoir de la comédie de genre et plein d’autres choses. C’est juste l’angle d’approche de la problématique qui est différent et je trouve ça fascinant.

C. : Quelles sont vos références cinématographiques en lien avec ce genre qui n’en est pas un comme vous l’avez si bien exprimé ?
F. H. : En ce moment, j’adore le cinéma de créatures comme celui de Guillermo Del Toro. J’ai grandi avec les films de Tim Burton également. J’aime énormément la manière de filmer les créatures et les monstres, je trouve ça fascinant. Je suis également en train de tomber amoureuse du Giallo. C’est pour cette raison que je suis trop contente d’avoir joué dans le film de Clotilde Colson. Je rattrape tous les classiques du Giallo comme ceux de Lucio Fulci et Dario Argento. J’aime bien également ce qui est dans le corporel comme David Cronenberg. C’est hyper compliqué d’expliquer ce que ça me fait ressentir, mais j’adore ça en ce moment.
J’ai découvert également plein de nouvelles choses ici au BIFFF. La sélection est très variée. Il y a des films qui font rire et d’autres qui font peur. J’ai également vu des films gore. C’est vraiment un festival qui propose des films très différents avec des partis pris très forts. Ce n’est pas tout lisse et moi ça m’intéresse énormément quand les choses ne sont pas toutes lisses. C’est vraiment une chance d’être dans ce jury White Raven. Laura Sépul est avec moi. On ne s’était pas croisé sur le plateau d’Ennemi Public mais on s’était croisé lors des avant-premières. Et Joost Jansen, que je ne connaissais pas. Il m’a envoyé le lien de son court-métrage Drifter (2022) qui a gagné la compétition belge l’an dernier. On communique en anglais, mais on est assez d’accord sur les films et on se comprend en un clin d’œil à la fin de la séance. Je pense qu’on va être assez vite d’accord sur le film qui va gagner la compétition.

C. : D’autres projets de courts sont-ils à mentionner dans votre actualité récente ?
F. H. : Il y a un court-métrage qui a déjà été tourné avec la Belgian Collection Vol2, il s’agit de Fake it till you make it (2024), de Laura Petrone et Guillaume Kerbursch. Il est sélectionné au Brussels Short Film Festival (BSFF). Il y a également deux séries qui vont sortir bientôt. Cette nuit-là (2024) de Laurent Burtin et Agathe Robilliard qui va sortir sur France 2 en octobre. Une autre, qui est anglophone, et qui s’appelle Paris has fallen (La Chute de Paris) (2024), d’Howard Overman. Il s’agit d’une sorte de trilogie d’action et c’est mon premier projet non francophone. Ensuite, j’ai un long métrage intitulé Retro Therapy (2024), d’Elodie Lélu avec Olivier Gourmet et Hélène Vincent qui va sortir en salles (sortie en Belgique le 15 mai 2024 et en France une semaine plus tard le 22 mai). J’ai également un court-métrage allemand qui va se tourner aux îles Canaries en anglais. Je suis assez excitée, ça va être mon premier projet où je vais tourner et jouer en anglais face à la caméra. Il y a également un long métrage où je vais jouer le rôle d’une anorexique, ce qui va être un challenge également.

C. : Pouvez-vous nous en dire plus à propos de Retro Therapy d’Elodie Lélu ?

F. H. : C’est l’histoire de Manon qui est une jeune fille sur le point de devenir une jeune femme. Elle n’a pas connu sa mère qui est morte quand elle était encore assez jeune. Son père est interprété par Olivier Gourmet. Sa grand-mère maternelle qu’elle ne connaît pas bien, vu que la mère était absente, va avoir la maladie d'Alzheimer et elle va devoir s’en occuper avec son père. Cette grand-mère va reconnaître sa fille défunte en cette jeune fille. Je vais faire semblant d’être ma mère et apprendre à la connaître à travers ce jeu que je joue avec ma grand-mère. J’apprends aussi à devenir une femme et à accepter ma féminité. Avec Olivier Gourmet j’ai eu une relation très très fusionnelle pendant le tournage. On a vraiment eu une relation père-fille. Elodie Lélu nous avait fait faire un couscous ensemble avant le tournage pour briser la glace et vivre un truc ensemble. La connexion entre nous a été immédiate. C’est quelqu’un qui entre vraiment dans la peau de ses personnages. Il apprend le scénario par cœur et il devient le personnage pendant le film. Il faisait des blagues et il me faisait rire tout le temps. On faisait parfois des improvisations à deux. C’était vraiment dingue comme relation. C’était tellement triste quand on a dû se dire au revoir, j’étais en pleurs! C’est vraiment un acteur immense. Incroyable, j’ai tellement appris et pris tellement de plaisir à tourner avec lui. Il est tellement simple. Pour moi, c’est un géant du cinéma et on dirait que c’est une personne normale. Avec Hélène Vincent aussi s’était fort. Quand on a des acteurs aussi impressionnants, c’est facile et un plaisir de tourner.

C. : Par rapport à ce dernier projet où vous allez tenir le rôle d’une anorexique, pensez-vous faire un régime particulier ? Peut-on en savoir un peu plus sur le film à ce stade ?
F. H. : Le titre c'est Une chambre pour deux. L’histoire mettrait en scène la relation entre une fille anorexique avec une autre fille qui a un cancer. Les deux filles se retrouvent dans la même chambre et partagent leur situation respective. En ce qui concerne l’apparence et l’anorexie, je ne sais pas encore à ce stade comment je vais faire. Je ne pense pas appliquer la méthode américaine où je vais vraiment devenir anorexique pour être crédible. Il y a des effets spéciaux et des maquillages pour nous aider même si je pense que je vais quand même perdre un peu de poids pour le rôle. Je veux que ça soit crédible à l’image, mais je ne veux pas me rendre malade pour un film. Je suis dans le jeu, mais je veux que mon corps reste en bonne santé. C’est très américain de voir des acteurs qui font ça. Personnellement, je n’ai pas besoin de me mettre dans le corps d’une anorexique pour jouer le rôle d’une anorexique. Je ne veux pas critiquer les gens qui le font, mais ce n’est pas mon truc.

C. : Pour conclure, vous nous avez parlé de votre envie de réaliser. Qu’avez-vous déjà écrit à l’heure actuelle et quel style de film aimeriez-vous réaliser ?

F. H. : Je ne sais même pas si ça sortira un jour, mais j’ai déjà quelques idées. Pour l’instant, j’écris une série avec des ami.e.s sur quatre comédiens. Je pense qu’on n'écrit jamais mieux que sur ce qu’on connaît. Ce sont de jeunes comédiens qui débutent leurs vies dans l'industrie cinématographique et qui sont dans la galère. C’est une série réaliste. Mais pour ma part, de manière individuelle, j’aimerais écrire des courts-métrages de genre.

C. : Je vous souhaite sincèrement une sélection au BIFFF avec votre premier court-métrage de science-fiction en tant que réalisatrice quand vous vous lancerez.

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N. B. : C’est finalement l’incroyable River (2024), de Junta Yamauguchi qui a gagné le prix du jury White Raven.