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Get Born de Nicole Palo - Rencontre avec la réalisatrice

Publié le 10/07/2008 par Dimitra Bouras et Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Tournage

Sollicités par les Cinéastes Associés pour relayer leur deuxième appel à scénarii, curieux de la formule proposée, bien connue pour les courts métrages, mais innovatrice dans le domaine de la fiction de longue durée, nous nous invitons sur le tournage de Nicole Palo, lauréate du premier appel à projets lancé en été 2007. Pour cette première édition, un thème était imposé : « Avoir 20 ans »; puits sans fond où toutes sortes d'histoires trouvent leur place : passions, révolutions, incestes, dépressions, etc. Celle sortie du lot n'a rien du mélodrame enivrant, de l'ardeur déchirante ou du fanatisme émouvant, ni même du détachement cynique à la Belmondo dans À bout de souffle. Il est vrai que nous sommes à l'aube du 21ème siècle, et non dans les années psychédéliques dont nous fêtons le quarantième anniversaire !

 Le dossier mentionne : « « La vie, ce n’est qu’une décision à prendre : ignorer le vide et s’accrocher. » Grégory, 20 ans, se sent étranger à lui-même jusqu’à ce qu’il tombe amoureux de Liv, 20 ans, mais il n’arrive pas à lui déclarer ses sentiments. Liv vit son premier amour avec un immigré russe plus âgé, qui la quitte soudain sans explications - l’amour finit comme il a commencé, par un coup de foudre. Les passions de Grégory et de Liv se croisent sans jamais se toucher, leurs destins se touchent mais ne se croiseront pas. » Le non-amour comme réponse aux questions existentielles, l'état d'âme estampillé années 2000. N'ayant plus 20 ans depuis longtemps, je pars, un petit sourire en coin, sur le plateau de cette aventure humaine. Nicole Palo, mise sous pression les derniers jours du tournage, préfère nous rendre visite dans nos bureaux, une fois le film en boîte.
Nous la recevons, encore frénétique de la tension de création.

De vous à nous.
J’ai fait l’ULB, en journalisme, puis l’ELICIT, en écriture de scénario. Je suis partie un an au Danemark pour étudier la pratique cinématographique au Film College. C’est une formation intensive en huit mois où on apprend à faire des films... en les faisant. C'était ce qui me manquait, après les études exclusivement théoriques de l'université, j'avais besoin de pratiquer. En huit mois, j'ai réalisé cinq petits film, avec caméra digitale, bien entendu, mais cela m'a donné confiance.

Contre la pellicule ?
Pas du tout, la preuve, mon premier court, Anna ne sait pas, je l'ai filmé en Super 16. J'avais six bobines, et j'ai dû faire un film avec ça. C'est une bonne école que de devoir apprendre à gérer la durée de tournage sans pouvoir se permettre trop de déchets.
 
Scénariste ou réalisatrice ?
J'ai toujours rêvé de faire des films, mais n'étant pas certaine d'y arriver, j'ai préféré me lancer dans une carrière universitaire. Je n'ai pas osé entrer dans une école de cinéma, de crainte de me fermer des portes professionnelles. Cela dit, même si d'autres alternatives s'étaient présentées, j'aurais certainement choisi l'écriture, que je considère comme le fondement d'un film. On ne peut faire un bon film sans un bon scénario !
 
Comment écrit-on un scénario sur un thème imposé ?
Lorsque j'ai appris l'existence du concours, je me suis replongée dans mes 20 ans. C'est très particulier de passer le cap de la trentaine en revivant ses 20 ans ! Je me suis souvenue de l'indécision, de la recherche de soi, de l'intransigeance dans ses opinions aussi. Dans mon histoire, il y a deux personnages, Grégory, en pleine crise existentielle, amoureux en secret d’une fille qui s’appelle Liv, qui est le personnage de la seconde histoire. Le film a deux trames parallèles, j’ai choisi de parler de deux personnages parce qu'il me semble que ce n'est pas la même chose d'avoir 20 ans pour un garçon ou pour une fille. Grégory reste encore accroché à l'adolescence, il a du mal à passer le cap de l'âge adulte. Il s'agrippe à l'idée de l'amour qu'il a pour cette fille, mais il fait tout pour que cela ne fonctionne pas ! Elle, par contre, elle est amoureuse d’un réfugié russe qui est de 10 ans son aîné. On sent qu’elle a envie d’être une femme et ne plus être considérée comme une adolescente. 

Réalisatrice ou chef de meute ?
Lorsque j'ai su que j'allais réaliser ce film, j'ai recontacté l'équipe qui avait travaillé avec moi sur un court, mais ils étaient tous pris ailleurs, sauf la scripte. Une nouvelle équipe s'est formée, de manière organique.
Je ne les connaissais pas avant de commencer le tournage, mais tout s'est très bien passé. L'ingénieur du son n'était pas content parce que nous avions fait nos repérages sans lui. Ça ne ratait pas, il y avait toujours quelque chose qui l'embêtait. C'était devenu une boutade sur le plateau; on faisait un film Nouvelle Vague ! Le scénario a, j’ai l’impression, touché beaucoup de gens, et pas seulement le comité de sélection. Il a touché aussi toute l’équipe, et c’est la raison pour laquelle ils ont tous accepté de travailler dans ces conditions, financières et matérielles : ils ont cru à cette histoire.
J'avoue avoir été très angoissée le 10 janvier 2008 en apprenant que j'avais deux mois pour préparer le tournage. J’étais surexcitée, et je me suis retrouvée dans le même vertige existentiel que mon personnage de 20 ans ! Mais je suis heureuse, maintenant que c'est fini. J'y suis arrivé ! 

Micro-budget, cadeau empoisonné ?
Je vois le micro-budget comme une opportunité incroyable ! Quand on y pense; j’ai fait mon court métrage en 2005 et, trois ans plus tard, je fais un long métrage. Je crois que c’est assez rare en Belgique qu’on puisse arriver à faire ça aussi vite ! Il faut stimuler la création. Maintenant, je me sens à l'aise pour le dire, plus d'une fois je me suis demandé, pendant la préparation, si ce n'était pas un cadeau empoisonné ! Imaginez que je ne m'en sois pas sortie; je serais dégoûtée de faire des films, je n'aurais plus voulu en entendre parler !
Mais comme cela s'est bien passé, je peux dire que c'est génial ! Je ne vais pas faire de grandes déclarations sur le micro-budget; c'est un système intelligent, qui offre plein d'opportunités, mais cela ne doit pas devenir la norme.
Le micro-budget doit demeurer un mécanisme de stimulation pour les jeunes réalisateurs et les jeunes équipes prêtes à travailler dans ces conditions. Je ne comprendrais pas qu'un Jaco Van Dormael décide de faire un petit film qui ne coûte presque rien sur le dos de son équipe !
Toute l'industrie du cinéma s’effondrerait ! 

 

Dogma ou Rosetta?
Pour le style visuel, j'ai vraiment opté pour une caméra à l’épaule, mais stabilisée. Je ne voulais pas de style Dogma ou Rosetta. Juste un léger mouvement qui donne un rendu plus véridique, qui donne l’impression qu’on entre dans l’intimité des gens. C'est ce que je voulais, et cette option nous a réellement facilité la vie avec un micro budget. Je suis passée invariablement du plan large au gros plan. Je n'aime pas les valeurs intermédiaires.
Je dois beaucoup à mon chef op', Serge Hannecart. Il a été les épaules du tournage, pas uniquement parce qu’il a porté la caméra, mais parce qu’il était la personne la plus expérimentée du plateau et il a assumé une grosse responsabilité sur le tournage.

Bleu, blanc ou rouge ?
J'aime une image lumineuse et claire. Pour le personnage de Grégory, j'ai choisi des tons froids; dans les blancs et bleus. Pour Liv, qui tombe amoureuse d’un homme qui vit dans une maison communautaire, débordante de vie, j'ai choisi des couleurs plus chatoyantes, dans les rouges.
Avant de commencer, j'ai montré à mon équipe des choses que j'aimais bien, comme le film de Michel Gondry : Eternal Sunshine of the Spotless Mind, qui est mon film de référence. Tout y est filmé à l'épaule, mais c'est très subtil, on voit à peine que cette caméra bouge, et c'est très lumineux, très clair ! J'aime beaucoup ça. Evidemment, la référence relevait d'un tout autre budget ! Tout le défi était là, faire un film qui ne transpire pas les moyens limités. Faire un beau film quand même !

 

 

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