Pour son troisième long-métrage, la réalisatrice franco-suisse retrouve les paysages montagneux qui enrobaient déjà L'Enfant d'en haut (2012) pour une tragédie familiale où la fureur et la violence embrasent tout un foyer et où la musique s'avère centrale.
La Ligne, un film d'Ursula Meier
Lors d'une violente dispute, Margaret, 35 ans, agresse violemment sa mère et la blesse. Elle doit, dès lors, se soumettre à une mesure stricte d'éloignement en attendant son jugement : elle n'a plus le droit, pour une durée de trois mois, de rentrer en contact avec sa mère, ni de s'approcher à moins de 100 mètres de la maison familiale. Cette distance, la réalisatrice la matérialise à travers une ligne bleue que Marion; la jeune soeur, va peindre afin de visibiliser à la fois la séparation mais aussi la sentence. Cette jeune soeur devient aussi un lien entre Margaret et sa mère que la folie et l'incompréhension éloignent l'une de l'autre.
La Ligne est un magnifique film sur les folies privées, où même les silences sont des coups de poing. Avec son long passé de violences aussi bien infligées que subies, Maragaret est en proie à une sorte de folie brute, animale, brillamment interprétée par la comédienne belge Stéphanie Blanchoud. Christina, sa mère, s'enfonce doucement dans une folie un peu maniaque, fantasque, évidemment habilement jouée par Valeria Bruni-Tedeschi habituée à ce type de rôle. Entre elles, deux soeurs, différemment mêlées à ce dysfonctionnement familial, Louise (India Hair) et la jeune Marion qui s'avèrera sans doute la plus lucide (interprétée par la très juste Elli Spagnolo). La mise en scène trouve toujours un équilibre entre les personnages et parvient à créer un réel univers, singulier et matérialisé par la très belle photographie d'Agnès Godard.
Séparées physiquement par la loi et par la ligne bleue, c'est par la musique qu'il y aura une possible communication et une possible évasion. Quant Margaret frappe sa mère, celle-ci cogne sa tête contre son piano et devient sourde d'une oreille. Pianiste et professeure de piano, elle renonce à ses activités et par là même, à la musique. C'est Margaret qui reprend la musique avec sa guitare et son ampli où, à 100 mètres de la maison, sur un monticule de terre, elle joue ses accords et fait chanter sa petite soeur. Tentatives de communication et de rapprochement avec sa mère. La musique se fait également sentir par la présence de Benjamin Biolay qui interprète un musicien et ancien complice musical de Margaret, grand frère protecteur qui tente de l'aider.
Le climat anxiogène du film est troué de moments quasi burlesques - la scène de la dispute au ralenti est un grand instant de tragi-comique – et de grandes émotions. La grande force du film est de se maintenir dans un équilibre instable entre différentes directions. Et quant au final, la peinture bleue est délavée, ligne effacée, il s'agit peut-être d'une renaissance.