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Max & Bobo de Frédéric Fonteyne

Publié le 01/06/1997 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Tournage

Le gardien de l'ange

La chambre d'un bordel. Eclairage aux néons, un peu glauque. Sur un canapé usé, Max et Bobo. La prostituée s'est éclipsée. Les deux hommes attendent heureux qu'elle revienne avec des préservatifs. Soudain, Harry, son mec, surgit revolver au poing, avec un air d'apache, terrorisant nos deux loulous dont l'expression d 'effarement se transforme en peur. Harry oblige Bobo à aller chercher le butin de leur casse en gardant Max en otage.
La caméra cadre Harry, revolver au poing, de face à mi-hauteur. Max est en amorce, dans le coin droit du cadre, recroquevillé sur lui-même dans le canapé. Frédéric Dumont, l'assistant, réclame le silence: "On va la tourner".

Max & Bobo de Frédéric Fonteyne

Attente de 20 secondes. "Son?" "Ça tourne!" "59 sur 5." Clap. L'assistant s’efface et dit: "Première". La prostituée entre dans le champ par la droite. Lorsqu'elle arrive à hauteur de Max, celui-ci, furieux, laisse échapper: "Salope!". Harry le gifle avec son revolver. Max s'écroule, le nez meurtri. Harry: "Chérie, des Kleenex, s'il te plaît". La prostituée disparaît dans la cuisine. "Excusez-moi, Monsieur. C'est ma femme, je l'aime, vous pouvez comprendre ça, non ?" Terrifié , Max cache son visage entre ses mains. La prostituée revient avec une boite de Kleenex qu'elle jette à Max. Celui-ci éponge le sang qui coule de son nez avec un mouchoir en papier blanc. Harry remarque les rougeurs qui font tache sur les phalanges de sa main gauche. "C'est de l'eczéma sur vos mains?" Max, renfrogné, se tait. "Un régime basses calories et c'est fini, je vous assure", ajoute Harry. "Des foutaises, coupe la prostituée qui s'est assise derrière Harry et qui l'enlace, c'est des massages qu'il vous faut! - Chérie! - Avec du yaourt! - Chérie, voyons!" Harry est surpris et choqué. "Je l'ai lu dans Voici!", dit-elle d'un ton assuré. La colère de Max explose, il hurle qu'il préférerait qu'on lui coupe tous les doigts de la main plutôt que de continuer à entendre ça!

"Coupez, merci beaucoup. Sébastien, on fait un pola?" L'éclair d'un flash suivi aussitôt d'un ziiiip, l'épreuve du Polaroïd sort du boîtier et prend petit à petit ses couleurs. Frédéric Fonteyne, un script à la main, s'approche de ses interprètes : "Tu entres trop tôt , dans le champ", fait-il remarquer à Stephane Auberghem qui joue la prostituée. "Est-ce que je n'aurais pas un petit geste de tendresse pour Harry? -Tout à fait. Par ailleurs, j'aimerais qu'on perçoive mieux la tension qui règne entre Max et vous." Il revient s'installer à coté de l'Arriflex 16 SR3, armée d'un objectif Cooke et blimpée. "Est-ce que la petite table n'est pas dans le champ?" Il regarde dans l'oeilleton pour vérifier le cadre. "C'est bon Virginie? OK, on la tourne! - Silence! - Son?", etc. Et on refait la prise. "OK, celle-ci est bonne, dit le réalisateur, mais j'aimerais qu'on fasse une prise plus improvisée, ça pourrait être intéressant!"

"Je privilégie la spontanéité des interprètes par rapport au texte" confie Frédéric Fonteyne, Max & Bobo est un film d'acteurs. On tourne quelques prises en respectant le scénario à la lettre, et puis on fait une prise où je laisse improviser les acteurs. J'essaie de saisir un moment de grâce, j'espère que quelque chose d'imprévu arrive qui nous surprenne tous, quelque chose de magique, l'instant où les acteurs ne sont pas seulement leur personnage mais le vivent, l'incarnent. Quand ça arrive c'est comme un petit miracle."

Max & Bobo raconte le périple de Max, un coiffeur d'origine italienne qui perd sa femme puis, son emploi. Sa vie bascule. Il rencontre, au hasard de la vie, Bobo, un personnage frustre mais vivant, qu'il n'aurait sans doute jamais croisé si son existence avait continué à se dérouler comme un long fleuve tranquille. De soûlerie en errance, Bobo pousse Max à aller jusqu'au bout de lui-même, à affronter et à assumer sa part d'ombre. C'est l'histoire d'une rédemption.


"Le film commence sept ans après, me précise le réalisateur. Max a passé ces années-là en prison où il a eu l'occasion de réfléchir. Il nous raconte son histoire en essayant de nous faire comprendre, de nous faire voir que Bobo est un ange. Max nous dit: "Je ne le savais pas, je ne le voyais pas à l'époque mais regardez comme c'est évident!"
"Max était éteint, Bobo l'a rallumé mais on ne sait pas si Bobo s'en est rendu compte, on ne sait même pas si c'était voulu de sa part. Max a rencontré Bobo à un moment clé de sa vie. Il avait l'impression que tout marchait bien comme sous le coup d'une baguette magique et, à cause d'une chose insignifiante, de l'eczéma sur les mains, il perd tout et ne sait comment réagir. Il tombe sur Bobo, quelqu'un qui lui semble être la dernière personne au monde qui puisse l'aider, une sorte de brute enfantine sortie des homes pour délinquants. Max ne s'aperçoit pas que Bobo l'aide, il essaie de l'éviter et ira même jusqu’à le trahir mais paradoxalement c'est en le trahissant qu'il va se retrouver lui-même. C'est ça qui m'intéressait dans le scénario que Philippe Blasband et moi avons imaginé. Bobo est le personnage vivant, allumé du film et en permettant le salut de Max il se casse mais peut-être que celui-ci , à la fin, va pouvoir aider Bobo bien qu'on n'en soit pas sûr".

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