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Ya basta ! Le cri des sans-visage de Thierry Zéno

Publié le 01/10/1997 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Le Chiapas, Thierry Zéno le connaissait bien avant 1994. En 1992, il avait réalisé Chronique d’un village Totzil, résultat de huit années d’approche d’une communauté d’Indiens Totzils, une des dernières tribus descendant des Mayas, vivant dans les montagnes du Chiapas, au Mexique.

Dès qu’il apprend la révolte paysanne, il décide de se rendre sur place pour témoigner des conditions de vie épouvantables qui ont poussé ces indiens méprisés que tout le monde croyait résignés à leur sort à se transformer en Armée Zapatiste de Libération Nationale.

Ya basta ! Le cri des sans-visage de Thierry Zéno

Mais surtout, il entend leur donner la parole. Car si tout le monde connaît le subcommandante Marcos, sa personnalité hors du commun a tendance à occulter ces guerilleros du quotidien dont les revendications sont des plus modestes : du pain, un toit, un minimum de soins médicaux et le fait de pouvoir s’organiser pour tenter de combattre la misère sans se faire systématiquement intimider et molester par les miliciens. Le cinéaste alterne donc explications et commentaires avec de longues prises de parole de ces zapatistes qui s’expriment masqués de peur des représailles.

Et l’on sent cette révolte (Ya Basta ! = Y’en a marre !) face au trop de mépris , cette revendication obstinée que l’on prenne en compte leurs droits les plus élémentaires d’êtres humains et aussi cette crainte diffuse face à une instabilité qui s’éternise pendant qu’autour d’eux , les forces gouvernementales resserrent peu à peu leur étreinte.
En rentrant du Mexique, Thierry Zéno avait confié ses craintes à Cinergie.

"Le gouvernement a signé la trêve et accepté de dialoguer avec les zapatistes mais, en réalité, la situation des Indiens reste tragique. En conditionnant le maintien de la loi d’amnistie à la poursuite du dialogue et en tenant une grande partie du Chiapas sous la haute surveillance de campements militaires, le gouvernement maintient une épée de Damoclès au-dessus des négociations et pratique la politique de la carotte et du bâton : on vous donne la possibilité de négocier, on est prêt à faire des concessions dans une certaine mesure et si vous n’êtes pas d’accord, l’armée est là. Dans les faits, deux ans et demi après le soulèvement, rien n’a été résolu au point de vue pratique, et rien ne garantit un succès politique et une amélioration des conditions de vie des Indiens." 

Reste l’angoisse : pourront-ils un jour redéposer les armes et revivre en paix ? Y aura-t-il un devenir et quel sera-t-il après cette action que l’on aurait aimé davantage partager ?

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