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Le Prix des lycéens 2006 - Remise des prix

Publié le 09/06/2006 par Katia Bayer / Catégorie: Dossier

3.500 élèves de 5è et 6è secondaire ont vécu une année scolaire insolite. Pour faire partie du jury du Prix des lycéens du cinéma belge francophone, ils ont été amenés à visionner les 5 films sélectionnés et à en avoir une lecture critique : L’Enfant, La femme de Gilles, Hop!, Quand la mer monte et Trouble. Depuis septembre, 150 classes de l’enseignement, professionnel comme général, ont voté pour leur film préféré. Tout au long de l’année, de nombreux débats et des travaux créatifs ont surgi. Les cinéastes nominés se sont même déplacés dans les écoles pour rencontrer les jurés. L’intérêt a été tel, que les inscriptions ont été limitées. Le 10 mai dernier, rhétoriciens, réalisateurs, comédiens et politiques assistaient, enthousiastes, à la remise du prix qui a distingué Trouble (Harry Cleven). Toujours antinomiques, spectateurs de demain et cinéma belge?

Le Prix des lycéens 2006 - Remise des prix

« Allez-y, ce n’est pas tous les jours que vous voyez des stars ! ». En avisant l'arrivée des Dardenne à l’espace Flagey, une prof vient de donner le signal. Les élèves - les siens et d’autres - ont déjà sorti bics, feuilles de cours, appareils numériques et téléphones. La plupart d’entre eux agissent de même en accédant au Studio 5 et en y trouvant Yolande Moreau, Wim Willaert, Dominique Standaert, Frédéric Fonteyne, Jan Hammenacker et Harry Cleven. En atteignant les premiers rangs occupés par les personnalités, ces jeunes souhaitent garder un souvenir ou engager une discussion : « Allez, vas-y, demande un autographe ! »; « Regarde, ils ont presque tous signé»; « Excusez-moi, qui êtes-vous ? Vous êtes Dominique Standaert ? Non ? Ah, vous êtes Frédéric Fonteyne ?! J’ai beaucoup aimé Une liaison pornographique !». Il y a les commentaires des réalisateurs aussi : « Des jeunes qui regardent des films belges, ça, c’est incroyable ! (Jan Hammenacker), « C’était vraiment très gai d’aller les voir dans les classes » (Dominique Standaert).

 

Toujours pimpant lorsqu’il est sur scène, Eric Frère remercie les centaines de rhétoriciens présents qui symbolisent les 3.500 membres de ce jury inédit : « Applaudissez-vous ! ». Réaction en conséquence de la salle. Henri Ingberg mentionne les ingrédients indispensables de l’aventure : des professionnels du cinéma qui font un boulot extraordinaire plein d’aventures, des étudiants qui méconnaissaient les films belges mais qui s’en sont approchés avec une curiosité formidable, des enseignants engagés pédagogiquement et désireux de découvrir des œuvres originales, des responsables d’établissement pour lesquels la vie artistique importe et enfin, le ralliement des personnalités politiques à l’expérience. Cette initiative, toujours selon le Secrétaire général, a été une réelle expérience de vie puisque deux mondes distants ont pu enfin se rencontrer. L’esprit du projet ? Apprivoiser le regard de la nouvelle génération pour l’inciter à regarder autre chose et autrement. Et en pratique ? Des élèves et des professeurs qui percevaient jusque là les productions belges comme exigeantes et éloignées des canons américains, les ont découvertes avec les cinq titres en lice ainsi que l’initiation au langage et à l’analyse cinématographique.

 

À l’issue des débats, les participants ont voté et associé les films aux catégories spéciales. Hop! est gratifié du prix du film le plus belge. Dominique Standaert et Jan Hammenacker montent sur scène. Eric Frère demande au comédien s´il est content d’avoir participé à un film belge. Réponse : « Je suis très content de participer à n’importe quel film belge ! ». En allusion au film, il se voit décerner un mètre de bière pendant que son réalisateur reçoit une tête d’éléphant en peluche!

Sensibilisée à la question de l’éducation au cinéma, Fadila Lanaan se félicite de l’excellente réception du projet : « nos concitoyens, qui ne connaissent ni ne voient les films belges, vont les apprécier enfin à leur juste mesure». Les contacts avec le jeune public ne doivent d’ailleurs pas être rompus puisque deux autres expériences sont prévues : le projet « Culture-école » et « Film à l’affiche ».

Deux prix sont délivrés à Frédéric Fonteyne : celui des plus beaux plans et celui des délégués de classe. L’image de La femme de Gilles est très peu retravaillée en studio, le cinéaste préférant attendre les lumières naturelles à la manière d’un peintre. Quant au projet, il lui est plus que favorable : « j’ai eu un plaisir énorme à rencontrer et à écouter les élèves. Il faut qu’on continue. » Gratifications adjointes : un panier à pique-nique et son contenu.

La meilleure dernière scène est celle de Trouble. Harry Cleven remercie parce que cette scène représente le plus grand risque qu’il ait pris dans le film : « c’est bien d’être récompensé par ce qui fait peur. De toute façon, c’est essentiel d’aller au bout de son univers. Le mien, c’est l’incertitude. » En référence au thème de la dualité, un jeu de dames lui est offert.

Le « prix du film qui nous a ouvert les yeux » revient à L’Enfant. Une élève témoigne sur scène : « La délinquance, des parents trop jeunes, un trafic d’enfants sont des sujets inhabituels pour nous. Mais l’être humain, malgré ses défauts, peut grandir. C’est la leçon qu’on peut tirer de cette œuvre ». Luc : « Quand des spectateurs sortent de la salle avec le sentiment d’avoir peut-être vu quelque chose autrement que lorsqu´ils sont entrés, quand il y a eu un petit déplacement dans leur rapport au monde, aux autres, c’est important. Ce n’est pas le seul but dans le cinéma mais c’est important. » Même écho chez Jean-Pierre : « On a juste la prétention de faire un film qui regarde le monde. Il nous importe que le film rencontre le public.». Les frères repartiront avec un cadeau épicurien (du vin) et un livre (Père manquant-fils manqué).

 

Avant-dernière récompense : celle des « répliques dont on se souvient » attribuée à Quand la mer monte. Yolande Moreau et Wim Willaert écoutent, amusés, des fragments de leur scénario repris par une élève et ponctués par « merci pour cette fraîcheur et l’accent qui l’accompagne ». La comédienne et réalisatrice réagit : « Ça me fait plaisir d’autant que ça me fait plaisir ! Au départ, on avait pensé…Non, on n’avait pas pensé ! Moi, je voulais comme titre « Poussin » mais Gilles [Porte] n’aimait pas. Il voulait « Poussin et moi» mais moi, je n’aimais pas. Finalement, c’est devenu Quand la mer monte à cause de la chanson qui parle du désir absolu. (…) Les deux personnages vivent par rêves interposés. Dans la vie, on a besoin de rêves. » On lui remet des hortensias (cf. la scène dans la chambre d’hôtel). « Poussin », lui, après avoir vaguement protesté (« ça va me coller, cette réplique-là ! Bon, tu me prends et tu me jettes comme un vieux mouchoir !») reçoit un mètre de bière.

Avant de révéler l’identité du gagnant du grand prix, Marie Arena explique au jeune public que nos films souffrent des blockbusters américains et qu’ils ont besoin du bouche à oreille. « Une  société sans culture, je pense que c’est une société sans avenir. (…) La meilleure aide, c’est vous. Allez consommer les films! » Et d’inviter Harry Cleven à la rejoindre pour recevoir son trophée. Celui-ci, tout sourire, estime qu’en plus, il faudrait des cours de cinéma dans les écoles. Applaudissements nourris d’un auditoire complice.

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