Le ciel, beau et triste comme un grand reposoir...
Si, comme l'entendait Baudelaire, la nostalgie est le sentiment du temps passé et la mélancolie, celui du temps qui passe, alors Eldorado filme ce passage-là, mélancolique en tous points. Road movie épuré et lyrique, tendre et discrètement burlesque, Eldorado raconte cette traversée d'un temps mort et figé, vers ce temps de la vie, évanescent. Surimpressions, travellings latéraux et panoramiques, plans fixes et immenses de nuages qui défilent et de crépuscules qui fondent, tout dans Eldorado, roule, glisse, passe. Et si tout s'y achemine vers la disparition, rencontres volées au cours du temps, instants fragiles arrachés à la mort, moments de grâce en apesanteur viennent rafistoler cette temporalité bloquée. Ils font enfin réparation chez ce(s) personnage(s) hanté(s) par le deuil et les morts, les souvenirs de vastes portiques et de paradis perdus. En bout de course, ce très beau plan d'une ville dans une nuit trouée de petites loupiotes colorées désigne une utopie que le film aura redécouverte en court de route, celle d'un homme sauvé de lui-même par son désir d'en aider un autre, horizon d'un humanisme modeste et humble, des petites gens tendres, friables et charnels, de doux dingues sages et visionnaires.