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Entrevue avec La Parti Production - Une superbe aventure

Publié le 01/03/2004 par Philippe Simon / Catégorie: Entrevue

Une superbe aventure

Comme les trois mousquetaires et à l'encontre des Pieds Nickelés, dont ils ont pourtant l'esprit pétroleur, ils sont quatre qui, depuis bientôt cinq ans, animent la maison de production La Parti : Vincent Tavier, Guillaume Malandrin, Philippe Kauffman et Stéphane Vuillet qui y participe mais de façon plus passive. Ils viennent de produire le premier film de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Aaltra, dans des conditions assez particulières et c'est à ce sujet que nous les avons rencontrés.

Cinergie : Comment a été créée La Parti production ?
Vincent Tavier : Je suis arrivé au cinéma un peu par hasard via Rémy Belvaux et Benoît Poelvoerde. C'était il y a douze ans avec C'est arrivé près de chez vous. Après cette aventure, j'ai fondé avec Guillaume une asbl qui s'appelait Todo film. Nous avons produit des courts métrages, des films de commandes et des documentaires. Nous avons fait aussi un peu de production exécutive pour des projets français. Ainsi Les Carnets de Monsieur Manhattan que la maison de production parisienne Entropie nous avait demandé de produire en Belgique et où j'avais retrouvé Benoît Delépine. Cela nous a apporté l'expérience, une assise et en 1999 Todo film est devenu La parti production étant donné qu'une asbl ne pouvait pas produire de long métrage et que tous les auteurs maison étaient arrivés à maturité et avaient des projets de longs métrages.

 

C. : Y avait-il avait un enjeu particulier ?
Philippe Kauffman. : C'était avant tout un outil pour l'équipe, pour la famille et puis Cela a débordé de plus en plus. Des réalisateurs tels que Fabrice du Welz ou Martine Doyen, dont on avait produit des courts métrages, sont prêts pour un premier long métrage. Nous nous sommes donc adaptés en vue de pouvoir répondre aussi à ces propositions. Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec des projets de longs métrages de fiction et d'animation.
V.T. : En fait notre activité touche principalement ces deux secteurs. L'animation avec des projets tels que le premier long métrage de Pic Pic André, dont nous avions produit Panique au village, ou comme le long métrage en trois D du français Jérôme Boulbes. Et dans le domaine du long métrage de fiction, nous terminons Aaltra et commençons demain, Calvaire, le premier long de Fabrice du Welz . En mai juin, nous coproduirons le film de Martine Doyen, Petites élucubrations héroïques et pour la fin de l'année, nous produirons le long métrage de Guillaume Malandrin qui s'appelle Où est la main de l'homme sans tête. Tous ces projets, sauf Aaltra, sont des productions normales, avec un financement réparti sur trois pays, petites mais conséquentes.
Ph. K : Mais c'est lent, c'est long et cela prend du temps. Avec C'est arrivé près de chez vous, Vincent a connu une autre façon de produire, plus légère, plus rapide, plus aventureuse. Je crois que si nous devions nous limiter à ne connaître que des productions normales, nous ne tiendrions pas le coup. Attendre des années que des commissions donnent des avis favorables, c'est psychologiquement très démoralisant et il faut bien continuer à faire son métier, à pratiquer son art. Donc il faut d'autres types de productions comme Aaltra par exemple que nous avons produit d'une façon alternative et totalement indépendante.

 

 

Aaltra de Benoit Delépine et Gustave Kervern

 

Guillaume Malandrin : Aaltra, c'est un projet que Benoît Delépine et Gustave Kervern ont proposé à Vincent. Cela faisait déjà plusieurs années qu'ils voulaient travailler avec lui et que Vincent refusait leurs projets les uns après les autres. Et puis il y a eu le coup de foudre pour Aaltra. Il y avait cette idée un rien absurde d'un road movie avec deux handicapés qui traversent toute l'Europe et finissent par rencontrer Aki Kaurismaki en Finlande et cela nous a plu. Benoît et Gustave se sont mis à écrire et cela a été très vite. En avril le scénario était fini, en mai la production était lancée et en juillet on tournait. On a réuni une équipe qui acceptait de coproduire sans participation mais où chacun recevrait une part des recettes, et serait propriétaire d'une partie du négatif. Et puis on a trouvé des fonds privés, sans aides officielles, pas même de tax shelter, rien de rien, on ne voulait pas attendre. Cela a réuni dix personnes prêtes à tout, quatre semaines de tournage avec une caméra S1. On a traversé la Picardie, Bruxelles, le moto-cross de Namur, la Hollande, la Suède et finalement on a rencontré Aki Kaurismaki qui nous a reçu et accepté de participer au film.
V. T. : C'était comme de jouer aux cow-boys et aux indiens dans un bac à sable. La traversée s'est faite dans l'improvisation la plus totale. Il y a un peu de l'esprit de C'est arrivé près de chez vous dans la mesure où l'équipe apparaît dans le film dans divers rôles et où les comédiens sont, entre autres, des amis qui font des apparitions pour le plaisir d'être-là. Il y a Noël Godin, Pierre Carles, Jan Bucquoy, Benoît Poelvoorde et de voir tous ces gens dans des rôles assez mineurs mais différents de ce qu'ils font d'habitude, cela donne au film un petit plus qui n'est pas négligeable.

 

C. : Qu'est ce qui donne le désir de se lancer dans une aventure comme celle-là ?
Ph. K. : Le scénario, la rencontre, le plaisir d'être ensemble.
V. T. : Et puis l'idée, si jamais le film marche, de faire un coup financier mais aussi culturel et politique. Aaltra, on l'a fait en neuf mois sans un franc d'argent public. Nous sommes en janvier, il est terminé, sélectionné à Rotterdam et nous sommes en train d'en négocier la diffusion. La preuve qu'il n'est pas nécessaire d'écrire 23 versions d'un scénario pour arriver à un film cohérent, intéressant et qui peut rencontrer un public. Si nous avions demandé des aides à la Communauté Française, nous serions toujours en train d'attendre. Je ne veux pas dire par là qu'il faut faire du cinéma sans la Communauté. Au contraire, je veux attirer l'attention sur le fait qu'un autre cinéma existe et qu'il faut penser des aides en fonction de sa spécificité. Actuellement des films comme Aaltra ne trouvent jamais leur chemin dans la structure d'accueil des projets de la Communauté. Pas de vrai scénario, trop improvisé, trop aventureux, c'est un cinéma à risques et qui se retrouve toujours à devoir chercher des plans Z pour être mené à bien. En fait il faudrait créer une commission spéciale où ce genre de projet pourrait voir le jour. Une commission avec des petits budgets pour des aventures particulières. Si Aaltra rencontre le succès, cela mettra en évidence qu'il y a tout un pan du cinéma qui échappe aux aides et qu'il est temps que cela change.
G. M. et Ph. K. : En attendant ce fut une aventure superbe et on est prêt à en revivre d'autres.

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