Mireille et les autres de Jean-Marc Buchet suit cinq jeunes au sortir de l’adolescence et sur le seuil de la vie adulte. La rencontre de Mireille avec Jacques va entraîner toute une série de remous parmi eux, qui vont les empresser à choisir quelle voie ils souhaitent emprunter pour façonner leur avenir.
Mireille dans la vie des autres de Jean-Marc Buchet

Mireille dans la vie des autres a tout pour être un film qui pourrait plonger son public dans un profond ennui. Il se compose de plans fixes qui se succèdent à d’autres plans fixes où les différents protagonistes se perdent dans des dialogues maniérés tantôt laconiques, tantôt squelettiques, tantôt tortueux, tantôt se mordant la queue… et souvent d’une banalité désarmante. Il ménage également de nombreux silences entre les répliques, autant de gouffres où pourrait sombrer tout l’intérêt du public pour le long-métrage et où il pourrait aisément perdre patience.
Pourtant, il s’y produit un miracle que l’on pourrait qualifier de tout à fait ozuesque (en référence au célèbre réalisateur japonais), c’est-à-dire que ce que l’on pourrait prendre pour des défauts rédhibitoires s’assemble pour donner vie à une petite machinerie parfaitement huilée qui envoute et même donne envie de ne plus en sortir. Les silences n’y sont plus des pesanteurs qui annihilent le rythme du film, mais des moments de tension et de vie qui apportent du relief aux relations entre les personnages. Les dialogues sont de même au contraire magnifiquement ciselés, déployant avec finesse et humour leurs passions, leurs désirs, leurs moments d’ennui, leurs doutes, leurs hésitations, telle une partition de jazz qui s’aventurerait là où l’on ne l’attend pas. Rarement une discussion anodine autour du climat en Italie n’aura été rendue aussi fascinante. Cette musicalité rappelle alors peut-être aussi un certain Rohmer, quand ce dernier n’a à cette époque pas encore entamé son cycle des Comédies et Proverbes, mais avec une certaine dose de dérision en plus.
Mireille dans la vie des autres paraît donc, par bien des aspects, un film qui repose sur du vide : vide de spectaculaire, vide d’action, vide de décors, vide de sens, vide de péripéties, etc., et ce jusqu’à risquer de renverser complètement le film en une parodie de marivaudage. Mais ces vides sont au contraire l’appel d’air d’où il tire toute sa vitalité et par lequel il envoute, au point où ce qui happe n’est plus tellement l’histoire, qui se résume peu ou prou à des jeunes qui sombrent dans les méandres du nihilisme de la vie adulte, ni même spécialement les personnages, pourtant bien campés, ni même particulièrement l’esthétique des plans, malgré qu’ils ne soient pas dénués d’intérêt dont en particulier celui d’ouverture, mais ce je-ne-sais-quoi que le dispositif buchétien engendre au rythme de vingt-quatre images par secondes jusqu’à n’avoir qu’une envie après l’avoir vu, celle de le revoir pour se laisser à nouveau porter par lui.