Family life
Avec De Suikerpot, le regard (féminin) remarquable de justesse de Hilde Van Mieghem s'immisce dans l'esprit des enfants battus. Un esprit déroutant et dérouté, qui culpabilise et protège son bourreau.
Pleine de bonnes intentions, la petite Kristien (époustouflante Aline Cornelissen) cherche à gagner l'affection d'une mère hystérique et dépressive. Elle ne commet que gaffe sur gaffe et ne reçoit pour toute explication que coups et cris. Ce matin-là, les parents dorment encore, le sucrier est bien rempli, la table est mise : elle a quelque chose à se faire pardonner. Mais la cafetière a fondu : crise de nerfs...
A travers cette histoire d'enfant battue, la…
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Le récent Festival International du Film Francophone de Namur programmait dans sa section documentaire les derniers films de Marta Bergman et Frédéric Fichefet, programmation attendue quand on se souvient du remarquable Bucarest, visages anonymes qu'ils cosignaient en 1994.
Dans Un jour mon prince viendra, Marta Bergman fait en pointillé le portrait de trois femmes roumaines qui par le truchement d'agences matrimoniales tentent de rencontrer l'amour et de quitter leur pays pour se marier à l'Ouest. Trois portraits qui sont autant de prétextes à interroger subtilement notre conception du mariage et sa faillite en termes de solitude. Dès la première séquence, Marta Bergman retrouve cette manière…
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"Pour connaître le monde, connais-toi toi-même." (Exorde aux humains venus chercher la vérité dans les Oracles de la Pythie de Delphes)
Charles Cuvelier est un homme qui a réussi. Parfait archétype du grand fauve des années 90, à qui l'agressivité, le mépris, la rudesse et l'égoïsme tiennent lieu de valeurs refuges, et grand spécialiste de l'art du paraître. Mais son super-costard, son coupé Mercedes bleu électrique avec GSM cachent mal qu'il n'est plus que la caricature de lui-même, à la poursuite du vent. Plongé dans une situation qui lui échappe, prédateur devenu proie, il devra déployer toutes ses ressources pour se…
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Le Chiapas, Thierry Zéno le connaissait bien avant 1994. En 1992, il avait réalisé Chronique d’un village Totzil, résultat de huit années d’approche d’une communauté d’Indiens Totzils, une des dernières tribus descendant des Mayas, vivant dans les montagnes du Chiapas, au Mexique.
Dès qu’il apprend la révolte paysanne, il décide de se rendre sur place pour témoigner des conditions de vie épouvantables qui ont poussé ces indiens méprisés que tout le monde croyait résignés à leur sort à se transformer en Armée Zapatiste de Libération Nationale.
Mais surtout, il entend leur donner la parole. Car si tout le monde connaît…
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Sans économie
Philippe Simon est un drôle de pistolet. Cinéaste, libraire à l'occasion, voyageur impénitent (cinq mois par an il parcourt le monde à pied, sac au dos), critique de cinéma (les lecteurs de Cinergie connaissent bien ses emportements), il n'arrête pas de bouger et de s'exprimer. Les titres de ses films en disent long sur ses convictions : Tu peux crever, Flinguez-moi tout ça, On est tout seul dans son cercueil. Le petit dernier, Sans réserve, une vidéo de 50' lui ressemble en tout point.
Le premier plan annonce le propos du film sans ambiguïté : un mur qu'on démolit, en voix off : "je pourrais commencer par ce rêve". Gros plan sur les yeux de Géronimo,…
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Cette volonté d'expliciter son sujet, qui ramène souvent la démarche documentaire à un travail trop didactique, nous la retrouvons à un autre niveau dans le dernier film de Frédéric Fichefet. Dans Al Qantara ou vacances d'exil, ce dernier s'attache à suivre Moktar, travailleur marocain immigré en Belgique et qui, à toutes les grandes vacances, retourne au Maroc.Très vite, il cerne le sujet de son film, l'exil, ici, là-bas et pour toujours.
Très vite, il trouve une mise en scène adéquate et un point de vue personnel qui créent tension et intérêt et font exister personnages et voyage. Hélas, une fois au Maroc, Moktar lui échappe, refuse…
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Dans le témoignage documentaire, Jean Timmerman franchit une étape supplémentaire en plantant, sa caméra directement au cœur de l’action. Celle-ci se situe en pleine Amazonie, au nord ouest du Brésil, près de la frontière bolivienne, dans l’état de Rondonia. La lutte partagée est celle des paysans sans terre et le constat est celui d’un échec programmé : celui de la réforme agraire.
Des gens sont là, lâchés en pleine Amazonie sans moyens de subsistance, dans l’attente de se voir allouer les terres qui leur ont été promises dans le cadre de la réforme agraire. Mais elles n’arrivent pas, monopolisées qu’elles sont par les…
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Pour rire, vraiment ?
Comme pour couper l'herbe sous le pied des critiques, Lucas Belvaux fait lui-même, dès le titre, le commentaire de son film : Pour rire! Tout le contraire, a priori d'un titre opaque. Mais il faut toujours se méfier de ce qui paraît trop clair, trop explicite; le piège n'est jamais loin. Un tel programme annoncé d'avance conditionne forcément la vision du film. Un peu comme un filtre. Le spectateur, sachant cela, attend de voir. Et attend de rire.
Alors, quand le film s'ouvre sur un procès pour crime passionnel, il se demande un peu si c'est sérieux ou juste pour rire. Pour aller plus loin, il est en droit de se demander : ce titre, n'était-ce pas, justement,…
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Conscience critique
" Au début des années 90, et notamment après la guerre du Golfe, un sentiment de malaise s'est emparé de nombreux intellectuels, dont nous étions, par rapport à l'attitude des pays industrialisés à l'égard du Tiers monde. Après avoir réfléchi sur la réponse que nous pouvions donner à ce malaise, nous avons décidé de réaliser un film autour de la personnalité la plus emblématique de ce combat pour la dignité des pays du sud dans les relations sauvages qui les opposent aux puissants conglomérats nordistes." Greta Van Bempt, productrice, explique la genèse de Jean Ziegler, le bonheur d'être…
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Différence et répétition
Savoir pourquoi est à tous les niveaux un film exceptionnel. Développant son propos sur neuf heures de projection, en neuf chapitres d'une heure chacun, il met à nu ce qui fonda et autorisa le pouvoir nazi. Il analyse les enjeux historiques qu'un tel surgissement suppose, en dissèque l'évidence totalitaire et démagogique et montre que le national-socialisme, loin d'être une erreur de parcours du nationalisme, en est le produit logique, résultat d'une conception du monde où le pouvoir de l'argent détermine les solutions sociales.Plus qu'une somme de ce qui a déjà été fait à ce propos, Savoir pourquoi innove et…
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Les lois de l'hospitalité Le Bourgmestre a dit est un documentaire attachant grâce au parti pris fictionnel qu'a adopté Marie-Hélène Massin, la réalisatrice. Quelques séquences nous rappellent l'humour des films tchèques des années 60 (L'As de pique, la Famille Papouseck, etc.)
Passionnée par son personnage (Guy Cudell, "bourgmestre socialiste qui règne depuis cinquante ans sur la commune la plus petite et la plus pauvre de Bruxelles"), curieuse de découvrir les ressorts qui l'animent, elle le suit au jour le jour, reconstituant une liturgie, c'est là l'intérêt du film, qui ne cesse de montrer ses failles, de déraper, de faire surgir des petites…
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Liberté couleur de femme
Le dernier film de Vicente Arande est intitulé Libertarias en hommage à - et en mémoire des - luttes libératrices des femmes en 1936. La distribution fait donc la part belle aux femmes, avec Ana Belen, Victoria Abril et Adriana Gil dans les rôles principaux. Fresque historique crédible et superbement mise en scène sur fond de guerre civile, le film nous entraîne dans une petite ville près de Barcelone où une jeune soeur trouve refuge chez des prostituées pendant le saccage de son couvent par les colonnes de Durutti.
Parfaite ingénue, Maria se rapprochera de ses nouvelles compagnes et plus particulièrement de la chef du commando de féministes, les libertarias, un…
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Cher Gabriel
Ça démarre sur des images en noir et blanc qui parfois sont nettes, parfois floues ou qui sautent comme si certaines d'entre elles avaient été avalées par le temps. Une voix off nous conte : " Il était une fois, dans un monde aujourd'hui disparu, un monde à la fois chic et sévère d'avant 1940, il était une fois un homme, Gabriel... " Et la voix d'Anne Levy-Morelle, la réalisatrice, poursuit : " Gabriel était un monsieur comme beaucoup d'autres dans un monde que je n'ai pas connu et dont je ne sais que très peu de choses. Cher Gabriel, vous étiez né quelques semaines à peine avant le vingtième siècle... "…
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Bonjour Babel-Oued Paris
La situation étant ce qu'elle est en Algérie, Merzak Allouache vit en France et tourne à Paris. Mais chez lui, pas de volonté de faire superficiellement français ou européen, pas d'emballage-cadeau calibré pour l'exportation."Exporté", Allouache l'est déjà et c'est depuis cette situation particulière, renforcée par l'exil, n'oubliant ni ses racines ni l'ambiguïté de sa condition présente, qu'il va porter un regard sur ce que vivre à Paris implique quand on vient d'Algérie. Cinéma de l'exil, cinéma de l'intégration. Son dernier film Salut cousin! se construit exactement à…
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La promesse d'un regard
Alors que l'Afrique équatoriale refait la une des médias, Thierry Michel nous emmène dans le ventre de l'hôpital universitaire de Conakry en Guinée, Donka.
Chef de file du nouveau documentaire, Thierry Michel sait soumettre l'urgence de l'actualité aux exigences du documentaire classique, en mobilisant au mieux les ressources d'une véritable écriture cinématographique. L'action se cantonne dans l'enceinte close de l'hôpital et s'en tient obstinément à ses malades, à leurs familles, à leurs drames et aux médecins, dont la volonté farouche de guérir et de toujours mieux faire est perpétuellement…
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