Cela peut faire penser au récent Western de Manuel Poirier, mais c'est de Frédéric Fonteyne, et ça s'appelle Max & Bobo, autre fraîche et vivifiante variation sur un duo aussi attachant qu'improbable. On dirait qu'en cette froide fin de millénaire, de "jeunes" réalisateurs, témoins de la pagaille et d'une course vaine, quittent les studios exigus pour se pencher avec simplicité sur les errements d'une nature humaine vagabonde. Petite vie d'un bande-mou : "Je me prenais pour le roi du monde. Mon salon de coiffure marchait bien, Chez Massimo était connu de toute la ville. Je croyais avoir de l'or au bout des doigts, mais j'ai dû tout revoir un peu à la baisse."
…
Lire l'article
Je est un autre
Un film n'existe pas sans les acteurs qui donnent chair aux personnages, qui les font vivre à l'écran et émeuvent le spectateur. C'est donc un métier essentiel dans la réalisation d'un film, un métier qui le porte sur ses épaules, pourrait-on dire. Sans la présence, l'incarnation des acteurs, le cinéma serait réduit à une sorte de Play Station géant.Dans les magazines (la presse à sensation qui se baptise "d'émotion") ou de programmes télé, on parle beaucoup de la vie privée de quelques-uns et peu d'un métier pourtant passionnant qui demande à celui qui l'exerce un investissement affectif, un choix de vie…
Lire l'article
Bruxelles, Noël 1953. Rosa et son mari Alfred accueillent le frère de Rosa qui a réussi en Amérique et vient leur rendre visite. Pour lui faire honneur, Rosa a acheté une dinde qu'elle demande à Alfred de plumer.
Mais cette dernière est livrée vivante. Et tuer une dinde, quand on n'a pas l'habitude et l'âme un rien sensible, ce n'est pas de la tarte.
Tourné par un juif, autour d'un couple de petits juifs, La Dinde est un petit joyau d'humour juif, fait d'une fine observation des petits travers de la vie quotidienne et d'un gros canular aux relents symbolistes appuyés. C'est un regard attendri que Sam Garbarski et le scénariste Philippe Blasband portent…
Lire l'article
La nostalgie, camarade
Au début de ce siècle, l'industriel belge Ernest Solvay développe une théorie radicale de la vie sociale basée essentiellement sur la productivité et le rendement maximum. "Le bien est tout ce qui favorise la production intégrale et le mal tout ce qui la contrarie". Cette "nouvelle" morale, Ernest Solvay va la mettre en pratique en créant un peu partout dans le monde des phalanstères voués au culte totalitaire du moloch productiviste.
Il conçoit ces communautés comme des gros villages centrés autour de l'usine avec un quartier ouvrier, des rues pour les contremaîtres, une allée où résident les ingénieurs et un peu à l'écart,…
Lire l'article
Cette tache rouge dans l'or des blés, c'est la chemise d'un homme qui s'avance vers la caméra. Il est en pleurs. A bout de forces, il titube. Il se cache. De lui, on ne saura rien, sinon que sa souffrance l'a coupé du reste des hommes. Il n'a pas de passé, pas d'histoire. Recueilli par un pasteur en route vers sa nouvelle affectation, il semble s'humaniser un peu.
Toutefois, lorsque son bienfaiteur lui fait des avances, il réagit à nouveau comme une bête bloquée dos au mur. Il tue le pasteur et prend sa place. Mais ce qui le poursuit sera décidément trop fort : la culpabilité, et ce désir masculin qu'il fait naître parce qu'il le porte en lui, mais…
Lire l'article
Elle a toujours voulu faire du cinéma mais elle passe d'abord une licence de philologie romane à l'ULB avant de sortir réalisatrice à l'IAD. Produit par l'AJC, Vacance, son premier court métrage, inspiré d'un fait vécu est très écrit. Pour elle, l'écriture nourrit et donne vie au film.
Après un stage à la RAI, Need Productions produit Surveiller les tortues, son second film dont le titre est inspiré d'un texte de Jean Paulhan. Basée sur une histoire vraie, ce récit d'un deal pour une maison ou des êtres se côtoient sans vraiment communiquer entre eux est interprétée par un Arno étonnant de vérité.…
Lire l'article
Vieillir, devenir vieux. Le temps qui s'étire, se morcelle, revient en fragments de passé, sédiments de mémoire qui conjuguent déjà à l'imparfait un présent ouaté, tremblé de petites luttes, de fragiles conforts, avec cette lente expulsion vers la marge, vers l'oubli et parfois ce dernier refus, comme une façon de dire, malgré le temps perdu, qu'on est toujours vivant.
Palabres et chuchotements
Troisième âge. Comment rendre compte de cette aventure si commune, si courante et pour laquelle personne n'est réellement préparé. Comment rendre sensible la vieillesse sans pour autant verser dans les lieux communs de la bonne conscience ou du mépris…
Lire l'article
"Je passais de ta bouche à ton sexe comme un navire fantôme par les détroits d'une mer morte."
Seul représentant belge à Cannes lors de la dernière Quinzaine des Réalisateurs, c'est avec un humour délicieux et une tendresse des plus fines que Le Nain rouge croque - en noir et blanc - une galerie de personnages mariant Fellini au merveilleux de Michel Tournier, auteur de la nouvelle homonyme dont le film est librement adapté.
Dans une froide bibliothèque empreinte de silence, le nain Lucien Lotte (Jean-Yves Thual), employé de l'ombre dans un cabinet d'avocats, rédige à sa manière une énième lettre de divorce à l'adresse de la richissime Comtesse…
Lire l'article
Grâce au Prix de l'Âge d'or et au cycle Cinédécouvertes, le Musée du cinéma offre aux cinéphiles curieux l'occasion d'une halte pleine d'intérêt. La programmation est constituée de films récents, remarqués dans les grands festivals de cinéma mais non encore distribués en Belgique. La plupart de ces oeuvres s'écartent des conformismes du cinéma de consommation par leur sujet, leur regard, leur esthétique ou simplement leur exotisme. Le but est, afin d'aider leur diffusion, d'en distinguer cinq qui, par leur démarche ou leur rythme propre, se situent en marge des circuits de production et de distribution traditionnels.
Cette année,…
Lire l'article
Premier film de la réalisatrice Savina Dellicour, On-Off est une fable contemporaine sur la difficulté de communication. Lili, une fillette d'une dizaine d'années, mignonne à croquer et malentendante, éprouve de l'angoisse devant le monde si bruyant des adultes. Pour s'en protéger, s'évader, elle débranche son appareil auditif.
En maîtrisant ce fameux bouton "On-Off", Lili se transforme en autiste volontaire au plus grand dam de ses parents confrontés à une situation très difficile.
La réalisatrice a construit sa réalisation non seulement au travers du regard de la petite fille mais également au travers de celui des parents permettant une analyse sans pitié…
Lire l'article
Pia, gamine de dix ans, après avoir perdu sa mère, vit ses jeunes frères et soeurs emportés aux Etats-Unis. Son père, sa grand-mère et elle-même, seuls survivants de la famille, reçurent encore quelques nouvelles d'eux. Mais bientôt plus rien. Pia ne pardonna jamais à son père d'avoir cédé ses enfants.
Le village l'accusait de les avoir vendus. Mais il ne reçut en retour que la promesse que ses enfants vivraient mieux là où ils allaient.
Pia chercha à les retrouver. Ses démarches ne rencontrèrent que le mutisme des responsables ecclésiastiques qui se cachaient derrière le temps et l'oubli pour se dérober à ses requêtes.En…
Lire l'article
Le Cri de l'Encre nous propose, grâce à la caméra médium de la réalisatrice Caroline D'hondt, de prendre part à la perception du monde tel que le conçoit l'artiste-peintre belge Marcel Vandeweyer.
Mieux que d'avoir mis en scène le discours de l'artiste et que de filmer son oeuvre, la réalisatrice choisit de composer un documentaire de création permettant à l'artiste de réellement prendre la parole à la première personne. Au mépris de la facilité, Caroline D'Hondt illustre, tant de manière sonore que visuelle, la vision du peintre et malmène son spectateur pour l'emmener au coeur de la réflexion métaphysique de Vandeweyer.
Dans…
Lire l'article
Double Thérapie
De Damien de Pierpont on connaît Menteur, ce court métrage de fin d'études impertinent qui décoiffe et collectionne les prix depuis sa sortie en 1996. Allait-il continuer à nous surprendre ? Tout à fait.
En réalisant le Départ, un documentaire de 52', un film aux antipodes du précédent, tout aussi personnel mais surtout plus intime.
Le film commence avec la voix off du réalisateur qui nous confie : "Il y a dix ans j'ai vécu une année dans une famille japonaise à Tokyo. J'avais 17 ans. Les premiers mois furent difficiles mais cette famille, avec le temps, allait me considérer comme son propre fils. Ils sont devenus mes parents japonais."
Damien…
Lire l'article
Entretien imaginaire Bruxelles, juillet 98, galerie du Roi et de la Reine, terrasse du Mocafé
Devant moi Boris Lehman mange une tarte aux framboises arrosée d'un milkshake au chocolat. Il a le sourire contagieux et les traits tirés. Il vient de diriger un stage de l'Ecole de la Rue à Dunkerque et la fatigue se lit sur son visage. Il est quatre heures de l'après-midi et nous parlons cinéma.
Hier soir j'ai visionné les rushes du film que les jeunes gens de l'Ecole de la Rue ont réalisé sous sa direction. Une semaine de stage et un film en train de se monter où je retrouve un dispositif que je connais bien : filmer la réalité, en collectionner des instants, s'en laisser pénétrer…
Lire l'article
Les métamorphoses du chien
En 1994, Peter Brosens coréalisait avec Odo Halflants, City of the Steppes, un étonnant film poème, entre documentaire et rêve éveillé, où il tentait à partir de ses déambulations dans la ville d'Oulan Bator, en Mongolie, de rendre sensible le changement, ce lent travail d'érosion du temps et de l'histoire.
Un même soucis de saisir ce qui préside aux transformations humaines se retrouve dans son dernier film, State of Dogs, réalisé en compagnie de Dorjkhandyn Turmunkh, à nouveau en Mongolie mais cette fois avec une portée plus universelle.
Dès le premier plan, Peter Brosens pose l'enjeu de son film à la frontière…
Lire l'article