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Le tout nouveau testament de Jaco Van Dormael

Publié le 15/09/2015 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Entrevue

Et Dieu créa… La femme

Jaco Van Dormael est un cinéaste rare et précieux. Il peut sembler traiter les mêmes thèmes (le principal étant « Que faisons-nous de notre vie ? ») mais personne ne les aborde comme lui, ne les raconte comme lui. Comme l’enfant, dont il emprunte si souvent le regard, il tord la logique à sa façon peu orthodoxe et peut faire surgir l’irrationnel, à chaque coin d’image. Il entraîne le spectateur dans un univers à la poésie singulière, fait de petites choses du quotidien apparemment insignifiantes mais qui, derrière sa caméra, font sens. Et la candeur touchante avec laquelle il perçoit le monde lui gagne la sympathie de nombreux spectateurs, mais cache, à bien y regarder, une importante part d’ombre.

Les deux pieds bien campés dans son terroir bruxellois, accompagné d’une équipe de collaborateurs fidèles et d’amis enthousiastes, il tente la rencontre ultime. Dieu, voilà bien un personnage à la mesure du cinéaste ! Sauf que rien, absolument rien, ne ressemble à ce qu'on pouvait attendre. À l’inverse d’un cinéma calibré pour complaire aux goûts d’un public formaté, Jaco nous conduit par la main dans une enivrante expérience de redécouverte de soi. Pour cela, il faut abandonner ses habituelles grilles d’analyse, accepter les conventions du cinéaste-narrateur, jouer avec lui au jeu du conte, des « il était une fois » et des « on disait que… ». Alors, le charme opère. Alors, en se laissant aller au gré des images de Christophe Beaucarne, on découvre un paysage d’une beauté subtile et une très belle profession de foi : si l’homme a échoué à créer autre chose qu’un monde brutal, bête et borné, pourquoi ne ferait-on pas confiance à la femme ? Mort aux machos, gloire au tricot ? Ou ne nous brosse-t-on pas des clichés pour mieux nous inviter à les dépasser dans cette histoire à tiroirs qui somme toute, est un cri d’espoir désespéré dans l’être humain. 
Le tout nouveau testament prend le risque de s’adresser à la créativité et à l'imaginaire du spectateur et nous pousse à nous interroger sur ce qu'est véritablement le cinéma. Cinergie part à la rencontre du film en compagnie de ceux qui ont participé à ce pari courageux : Jaco Van Dormael, bien sûr, mais aussi son coscénariste Thomas Gunzig, la comédienne Yolande Moreau, et deux acteurs flamands qui ont osé l’aventure en français dans ce film belgo-belge : la jeune Laura Verlinden (Ben X, Image) et le très capé Johan Heldenbergh (La merditude des choses, Hasta La Vista, The Broken Circle Breakdown). 

Au-delà d’une certaine image de Dieu

Tout d’abord, il y a l’histoire d’un Dieu qui n’est pas du tout comme la religion nous le représente. C’est un sale con qui s’est brouillé avec son fils depuis belle lurette, bat sa femme et terrorise sa fille. Dépressif et aigri, errant sans but en robe de chambre et pantoufles usées dans son appartement bruxellois, il trompe son abyssal ennui en infligeant à l’humanité toutes sortes de guerres, catastrophes naturelles et accidents d’avion. En lui imposant aussi un codex de lois relevant du principe de la vexation universelle (genre : la tartine tombe toujours du côté de la confiture, ou alors, c’est que la confiture aura été mise du mauvais côté). Les auteurs se défendent pourtant du péché de provocation iconoclaste. Selon Jaco Van Dormael, "C'est simplement un texte qui s’inspire du pitch de la bible en se disant : «Et si ?» Si Dieu existait, habitait maintenant à Bruxelles, avait une fille et une femme ? 
"
Thomas Gunzig renchérit : "J’aurais été très embêté que le film soit considéré comme scandaleux, pris comme une charge contre la religion, parce que ce n’est pas du tout ce qu’il est. C’est une comédie, et pour qu’une comédie fonctionne, elle doit s’attaquer quelque part à un tabou. L’effet comique ne vient qu’à ce prix, mais nous avons essayé de faire cela avec une certaine dose de bienveillance, pour ne pas dire de respect."Et puis surtout, pour les deux auteurs, le vrai sujet du film est ailleurs. "Le personnage principal n’est pas Dieu", précise Jaco, "c’est la fille de Dieu et puis la femme de Dieu, dans un univers qui n’est pas de la religion. Dieu, ici, c’est le cliché d’une espèce de despote qui fait n’importe quoi pour garder son pouvoir : un type autoritaire, et aussi l'incarnation d'un monde dans lequel il n’y a pas de place pour les femmes.Et c’est ce contre quoi sa fille se bat. Je pense que le sujet central, c’est "qu’est-ce qu’on fait du temps qui nous reste ?" 

 

La femme de Dieu, Yolande Moreau, est du même avis. "L’idée forte du film, c’est de balancer à tout le monde sa date de décès À partir du moment où tu connais la date de ta mort, que ce soit douze ans, cinq ans ou deux jours, cela pose la question de la vie. C’est comme être passé par une grave maladie. On a forcément des pensées mortifères, mais cela pose aussi la question du comment on vit? Qu’est-ce que je fais avec ma vie maintenant? Est-ce que je ne passe pas à côté de certaines choses? Le film pose ces questions là. "

C’est donc ce geste de révolte d’Ea, 14 ans, fille de Dieu, qui fonde l’histoire. N’en pouvant plus des injustices et des brutalités paternelles, elle ne se contente pas de ce grand lâchage médiatique. Elle plante également le divin ordi (sans lequel, tout comme nous, Dieu n’est plus rien) et, sur les conseils de son frère Jicé, se barre dans le vaste monde pour recruter six nouveaux apôtres et écrire son Tout nouveau testament. Ces disciples, elle les choisit au hasard dans les fiches paternelles, mais tombe à chaque fois sur ce que Jaco Van Dormael appelle des perdants magnifiques : une jeune femme complexée par la perte de son bras, un assassin, une femme délaissée, un obsédé sexuel, un homme d’affaires qui a perdu sa vie à la gagner, un enfant mal dans sa peau. Comme l’explique Laura Verlinden, qui interprète l’apôtre Aurélie, la manchote : "Tous ces personnages sont des solitaires. Ils pensent qu’ils ne peuvent pas trouver l’amour, que ce n’est pas pour eux,et Ea leur amène à chacun ce petit miracle qui va les réveiller. Et quand le miracle se produit, ils sont déconcertés mais libérés. Je trouve cela très beau".

Van Dormael-Gunzig : Une osmose réussie 

Le scénario qui mêle la poésie à un humour caustique, très noir, est le fruit de collaboration de Jaco Van Dormael et de l'écrivain Thomas Gunzig. Le réalisateur n’avait encore jamais jusqu’ici travaillé avec un coscénariste, mais… : "J’avais envie de travailler avec lui.Le résultat, c’est une chouette expérience. On a trouvé quelque chose où nos deux univers fonctionnent bien ensemble, des choses que je ne pourrais pas faire sans lui et qu’il ne pourrait pas faire sans moi, quelque part entre la comédie, qui exige un peu de cruauté, et la poésie qui est juste le contraire, qui passe de comique à dramatique. Thomas Gunzig en précise la genèse :"J’ai toujours un peu de mal à passer par les étapes dites classiques de l’écriture de scénario : le pitch, le traitement, le développement tous ces machins de continuité dialoguée ou pas dialoguée. Pour moi, c’est un peu artificiel. Une fois qu’on a plus ou moins la trame, autant y aller et puis, on verra bien s’il faut changer quelque chose.Jaco m’avait demandé au départ dix idées d’histoires. Il y en avait deux qui l’excitaient, c’était Dieu habite Bruxelles et qu’est-ce qu’on ferait si tout le monde connaissait la date de sa mort. On a pris ces deux idées, on en a fait une seule. Ces idées nous ont fait rire et ont fait naître l’envie de mettre des images, de créer des situations. Quand on a cette petite pointe d’adrénaline, on se dit qu’on tient quelque chose, un petit fil qu’il faut essayer de ne pas perdre. On a beaucoup tourné autour de cette idée de départ, et une fois qu’on a eu plus ou moins un canevas général, on a commencé à écrire une première version. Il y en a eu comme cela douze ou treize, déjà scénarisées, où on retouchait des éléments, on en rajoutait, on en supprimait." 

 

Le résultat entremêle, de manière fluide, les univers des deux compères. Si des influences attribuables à l’un ou à l’autre sont discernables, rien de précis ne peut être raccroché précisément à Gunzig ou à Van Dormael. Ce qu’on appelle une osmose réussie. "On fonctionne un peu à la Boileau Narcejac", rigole Jaco.

Les raisons de cette réussite sont évoquées par Thomas Gunzig : "Je pense qu’on est de bons copains, et que ni l’un ni l’autre n’avait envie de prendre l’ascendant. Dès qu’on sort d’une relation d’autorité, il n’y a aucune raison pour que l’un prenne le pas sur l’autre. Quant à l’osmose des deux univers, je pense que personne n’a vu toute la noirceur des films de Jaco, une noirceur qui lui donne de la profondeur, du relief et de la force,et personne non plus n’a perçu toute la poésie enfantine qu’il peut y avoir dans le mien". Pour Jaco : " Thomas est très fort dans les monologues, et il le fait de façon extrêmement littéraire. Je trouve que cela amène un très beau décalage, et cela amène aussi la musique des mots, que je n’utilise pas quand je fais du cinéma tout seul. Au bout d’un certain moment, on s’est bien rendu compte que lui écrivait à la Jaco et moi à la Thomas. Il y a des scènes où on se dit : "C’est tout à fait du Jaco", mais c’est Thomas qui les a écrites et vice versa. Il y a eu, à un moment donné, une espèce d’imprégnation". Et quand on lui parle du monologue d’Ea qui ouvre le film, un procédé et un style typiques de Van Dormael, Jaco répond avec un petit sourire : "Ce monologue, justement, il est de Thomas." 

Un jeu avec le spectateur, qui déroute 

Cela donne au final une histoire peu classique, faite d'une succession de petites histoires. "Ce qui m’intéresse dans le cinéma, c’est la narration", explique Jaco. "Là, je fais un pari sur les structures. La plupart des structures de narration, que ce soit pour le cinéma ou la télévision, c’est que tout va vers la fin. Plus tard, vous aurez la réponse, et plus tard, il y aura une solution à la question que vous vous posez maintenant. Cela entraîne une certaine façon de penser. Le Tout Nouveau Testament, je voulais l’aborder d’une autre façon. Ici, c’est plus épisodique, comme Don Quichotte, Alice au pays des merveilles ou Le Manuscrit trouvé à Saragosse. C’est un film où, au bout d’un moment, on ne sait plus très bien où cela allait mais ce n’est pas très grave parce que ce qui est en train de se passer maintenant, c’est vachement intéressant. Et ce goût du moment présent, c’est un peu cela qu’amène le personnage d’Ea et qui est un peu le sujet du film, c’est se dire : "C’est maintenant que cela se passe, ce n’est pas plus tard. Et même si vous n’avez pas de réponse, c’est assez chouette d’être là non ?" 

Yolande Moreau apprécie ce jeu avec le spectateur. "C’est un film fou quand même ! Il faut accepter complètement ce qui est proposé dans le scénario. On accepte que Dieu vienne sur terre par le conduit d’une machine à laver. Déjà, au scénario, c'est barré, mais avec l'image dans le film… On connait la capacité de Jaco à être inventif, poétique et en même temps grâce à Benoît Poelvoorde, c’est quand même virulent aussi. Ce n’est pas que gentil, c'est même assez grinçant. Cette idée que Dieu est un parfait salaud, c’est assez étrange. Cela fait rire et en même temps, c’est profond."

Le film déroute aussi par son visuel qui tranche avec le cinéma consensuel, aux images léchées, aux imperfections lissées. Non pas que les images soient négligées, au contraire, elles réservent aux spectateurs de superbes moments de grâce, mais elles lui demandent aussi l'acceptation de certaines conventions qui procèdent d'une démarche assumée. Jaco Van Dormael s'explique : "J’avais envie de quelque chose de l'ordre de l'arte povera1, dans le sens où, à l'époque, s’il y avait une scène à tourner sur un camping en Espagne, on mettait quelques jouets sur le sable et on marquait « Camping en Espagne ». Ici, il fallait survoler Bruxelles la nuit pendant un orage. On a mis des boîtes en carton avec un éclairage, et on a écrit Bruxelles, voilà, et c'est tout autre chose qu'un manque de moyens. Le fait d’être plus dans la narration que dans la reproduction de la réalité donne une très grande liberté. On est dans le principe du " Il était une fois"... Quand on l’admet, on peut se concentrer sur le principal : l’histoire et les personnages.C'est cela qui me motive, me fait me lever le matin. On peut s’amuser à soigner toute la mise en place et le style de la narration, mais le plus difficile à avoir, c’est une bonne histoire et de beaux personnages.

Visuellement, le film est l’œuvre d’une équipe que je connais bien et avec qui on s’amuse bien. Ici, on essayait de trouver une certaine théâtralité pour dire «Voilà, on emploie des décors réalistes, mais on essaye plutôt de les démeubler, de les vider, et on essaye d’avoir une espèce de décalage, avec une frontalité assumée, en étant le plus symétrique possible». Cela, avec les personnages qui s’adressent à la caméra en restant bien au milieu de l’image, fait un effet un peu comme dans les images pieuses, même si on filme une porte de garage ou une machine à laver." 

Un casting moules et frites… enfin presque 

 


Le film ne serait pas ce qu'il est sans ses comédiens. Autour de Benoît Poelvoorde et de la jeune Pili Groyne, une solide brochette où le spectateur belge va se retrouver en pays de connaissance : Yolande Moreau, François Damiens, David Murgia, Serge Larivière, Didier de Neyck, et quelques comédiens néerlandophones invités à tenter l'aventure : Johan Leysen, Laura Verlinden, Johan Heldenbergh. Avec Catherine Deneuve, dans un remake de Max mon amour, excusez du peu ! "J’avais envie de faire un film d’amis", confie le réalisateur, "un film à Bruxelles avec des gens avec qui je n’avais pas forcément travaillé avant, mais que je connaissais depuis longtemps. J’avais aussi envie que chacun garde sa voix naturelle pour qu’on ait dans Bruxelles ce mélange d’accents bruxellois, wallon, flamand… Les personnages ont une espèce de fêlure, assez proche du naturel des comédiens, de leur voix naturelle, de leur manière de bouger naturelle, même si la mise en place est au cordeau. Ce qui sort de ces personnages leur est très personnel. Ce qui m'a ravi, par exemple, c'est quand Jésus Christ a dit « oufti ». C'est une des rares choses qui n'était pas écrites mais qui est venue aux lectures. J’avais demandé à David de ne pas brider son accent de Seraing et de parler de façon naturelle et ce « oufti » est sorti tout seul." Outre ces acteurs confirmés, Jaco fait aussi la découverte de jeunes comédiens qui le ravissent tout autant. À côté de Romain Gelin, Pili Groyne fait des étincelles en déesse ado et rebelle. "Pili", dit Jaco, "cela a été immédiat quand on s'est rencontré". Faut dire que la demoiselle, déjà vue notamment dans Alléluia de Fabrice Du Weltz a du tempérament. La petite moue renfrognée de l'ado en crise qu'elle fait à la perfection en dit long sur le sujet. Et du tempérament, il en faut pour résister à l'abattage d'un Poelvoorde à l'énergie dévorante. Depuis sa scène avec le namurois, le grand Johan Heldenbergh en reste soufflé. "Quand tu te retrouve face à un acteur du tempérament de Poelvoorde avec cette énergie incroyable qu’il a et cette forme de génie, tu n’as rien d’autre à faire qu’écouter. Fondamentalement, Benoît aime jouer dans un cadre, comme les enfants. Moi aussi, je crois. Benoît m’a tout donné pour m’enrager, et c’était super. Mais cela reste du jeu : l’écouter et jouer avec lui, comme des enfants."Son rôle de prêtre désabusé par ce Dieu aux antipodes de ses croyances n'est pourtant pas facile. "Mon personnage, c’est quelqu’un qui voit tous les choix qu’il a fait dans sa vie cassés en à peine 20 secondes. C’est un prêtre qui rencontre Dieu, et Dieu n’est pas ce qu’il est censé être. C’est un salaud, un frustré, et cela le détruit car toute sa vie est dédiée à ce mythe. En 20 secondes cet homme va décider de dénoncer la religion mais pas de renoncer à son empathie avec l’humanité. C’est à la fois drôle et misérable, et c’est cela qui me plait dans ce personnage. Il veut dire qu’on n’a pas besoin de Dieu pour avoir une moralité". 

Pour Yolande Moreau, Jaco est un ami de trente ans. "Je crois même que, quand on était jeune, on a fait un numéro de clowns ensemble. On a plein d’amis communs. Quand il m’a proposé de faire la femme de Dieu, je me suis dit « cela ne se refuse pas ». D’abord, j’étais très contente de tourner dans un de ses films parce que j’adore son univers et, que j'aime tout simplement ce qu’il est, la manière dont il est avec les gens. Et puis faire la femme de Dieu, cette idée saugrenue m’a plutôt fait marrer, avant de voir le côté pathétique du personnage. La femme de Dieu, ici, c’est quelqu’un de mou, qui ne prend pas de décision. Je l’ai plutôt vue comme une femme battue qui essaye d’éviter les conflits. Elle marche sur des œufs en permanence et elle a toujours peur de provoquer le drame parce qu’elle va prendre sur la tronche. J’ai de la compassion pour ce personnage."

 

Pour Yolande, "un film, c’est une danse à deux avec le réalisateur. Il faut voir comment on s’acclimate. Tous les comédiens n’ont pas envie d’être dirigés de la même manière. Personnellement, je n’aime pas trop les indications psychologiques. Je trouve cela pelant. La psychologie des personnages, c’est quelque chose qu’on digère en lisant le scénario, mais au moment de tourner, les choses doivent se passer assez simplement. Jaco n’est pas du tout là dedans. Il rectifie le tir d’une manière très adroite, avec des petitesindications concrètes, mais sans parler de psychologie. D’un autre côté, c’est compliqué d’exprimer sa mise en scène."

Une simplicité que Laura Verlinden a aussi appréciée. "Jaco a un monde très personnel, un peu féérique, bizarre fait de petites choses subtiles et qui me touchent beaucoup. C’est toujours intéressant de travailler avec un homme doué d’une telle sensibilité. Quand on m 'a proposé le rôle d’Aurélie, je ne connaissais pas encore le scénario, mais le personnage résonnait en moi, j’avais envie de la faire. Jaco m’a fait faire un bout d’essai dans son jardin, avec sa fille derrière la caméra. C’était très intime, très familial, j’ai bien aimé." 

Enfin, la moindre des originalités du film n'est pas la présence d'un gorille faisant l'amour à l'une des disciples, interprétée par Catherine Deneuve. Thomas Gunzig explicite cette idée pour le moins bizarre. "Un des thèmes du film était « qu’est-ce qu’on fait de sa liberté une fois qu’on se rend compte qu’elle existe ? ». D’autre part, nous avions ce personnage de femme au crépuscule de sa vie qui prend conscience qu’elle n’a jamais aimé, et on voulait la faire tomber amoureuse, mais de quelque chose qui représente complètement la liberté et l’antithèse de ce qu’elle a toujours connu. Un gorille avec toute cette puissance sauvage, brute, paraissait à la fois évident et amusant et une très belle expression de la liberté. On touche un peu à un tabou. Est-ce qu’on peut aller jusque-là ?"Jaco Van Dormael, lui, est particulièrement heureux de la collaboration de Catherine Deneuve. "C’est une grande dame, une icône. Je l'avais vue prendre parti au moment des marches contre le mariage pour tous en France, en disant : « Ecoutez, cela ne regarde personne, il n’y a pas de formes d’amour autorisées et d’autres non», et je me suis dit qu’elle ne serait pas mal en Martine délaissée par son mari Johan Leysen et qui retrouve l’amour dans les bras d’un gorille. Elle a dit oui tout de suite. C’est une très grande comédienne qui a un sens de l’humour absolument incroyable et c’est aussi une très belle personne. Elle a beaucoup ri sur le plateau."


 1 L’Arte Povera est une démarche artistique née en Italie à la fin des années soixante en réponse à la commercialisation à outrance de l’art et de la culture. À l’objet typé, produit fini, les artistes de l’arte povera privilégient l’acte créateur qui tend à rendre signifiants des objets, par eux-mêmes insignifiants. Minimaliste, travaillant le plus souvent avec des matériaux pauvres (d’où son nom), l’Arte Povera est essentiellement une quête du sens de l’acte créateur qui échappe aux contraintes de la loi du marché (d'après Wikipedia). 

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