Une mise en situation par des images d'actualités retraçant la guerre 40-45, l'occupation et la libération finale pose le film, dès le générique, sur le plan de la mémoire.
Un grand-père et son petit-fils devisent en se rendant à l'enregistrement public d'une émission de radio ayant pour invité un auteur racontant ses proustiens souvenirs de guerre (son seul souvenir de guerre est que son gâteau promis pour ses dix ans lui fut ravi par la Libération). La superposition des trois personnages, l'enfant, le grand-père et l'écrivain onaniste, nous mène vers un questionnement par rapport au vécu, sa transmission et l'Histoire avec un…
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Contre l'oubli
Il y a d'abord le noir et le silence, puis vient la mémoire, la mémoire de la douleur et cette alchimie particulière de celui qui se souvient au fil du temps, de ses rencontres et de ces moments fragiles où dans l'écoute de l'autre, disparaissaient soudain cette pesanteur du silence, cette peur des mots trop lourds à porter et cette angoisse des ténèbres. C'est seulement alors, dans cet instant du souvenir, que peuvent naître les sons et les images, les intentions et les enjeux, et cet art du cinéma qui nous fait prendre corps avec celui qui raconte et partager avec lui un instant de résistance à la noirceur du monde.
Wild Blue, le dernier film de Thierry…
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Heartbreak boucherie
Il y a Rita. Il y a sa mère, Nicole. Il y a la petite boucherie familiale que Nicole tient à bout de bras sans pouvoir l'empêcher de péricliter, seule, depuis la mort de son Léo de mari, il y a dix ans. Entre les deux femmes, ce drame (la mort du père) pèse. Les blessures du quotidien, sans cesse exacerbées par les peines de l'absence et la culpabilité diffuse, finissent par empoisonner l'atmosphère au point de la rendre invivable. Pour Rita, une seule solution: s'en aller. Sa mère, elle, est terrifiée à l'idée d'envisager cette hypothèse. Que faire quand, pour se dire qu'on s'aime, la douleur ne laisse que les mots nés…
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L'affaire Lumumba fut vécue en Belgique comme l'épisode le plus douloureux de la décolonisation. Chez les bourgeois, on se souvient encore de la "haine hystérique" soulevée contre "ce nègre à barbiche de chèvre".
A gauche, l'indignation provoquée par le traitement réservé au "frère socialiste, immolé pour cause de communisme", prévaut encore.
Il a fallu près de quarante ans pour qu'on ose enfin s'interroger officiellement sur la part de responsabilité des autorités belges dans ce monstrueux assassinat. Et au Congo, les répliques des convulsions qui agitèrent le pays sont toujours discernables dans ses déchirements d'aujourd'hui.…
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Madame de Maintenon et ses filles
A la fin du XVIIe siècle en France, Madame de Maintenon, devenue à force d'intrigues l'épouse du Roi Louis XIV, réalise son rêve: créer une école où 250 jeunes filles nobles mais désargentées ou orphelines de guerre recevront la meilleure éducation afin de les préparer au monde. Acquise à l'idée de former une élite féminine, elle veut selon ses termes "le contraire d'un couvent: un lieu où les idées bouillonnent, où souffle l'esprit".
Mais les années passent, les petites filles deviennent de jeunes femmes auxquelles ces messieurs de la cour commencent à s'intéresser…
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Famille je te hais
Sophie, post-adolescente roulée dans la fausse soie d'une petite vie bourgeoise, vivote en solitaire malgré la présence financière d'un petit copain emballé bcbg et aussi passionnant qu'un mauvais épisode de Dallas. Un matin, des flics lui apprennent que son père, cavaleur notoire et qu'elle n'a pas vu depuis dix ans (on découvrira par après que son passé familial est loin du rose aimant) est recherché pour meurtre et reste introuvable.
Au commissariat, elle se découvre une demi-soeur, sorte de ready-made de jeune beur dont la phrase slogan et qui la résume totalement claque toute les vingt secondes : "J'en ai rien à foutre". Leur…
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Epouvanté par l'hypocrisie générale du pays, et le sens des conventions d'une bourgeoisie étriquée qui méprise artistes et écrivains, Charles Baudelaire s'écrie : " En Belgique pas d'Art ; l'Art s'est retiré du pays. Pas d'artiste excepté Rops " (1). Et d'ajouter dans un sonnet : " A dire là-bas combien j'aime/ ce tant folâtre monsieur Rops/ Qui n'est pas un grand prix de Rome/ Mais dont le talent est haut comme/ La pyramide de Chéops " (2).
Félicien Rops, un artiste dans tous ses états, qui a mis plus d'un siècle pour être reconnu dans son pays natal. Cette reconnaissance, on la doit en partie aux Muses sataniques, un…
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Premier mouvement : expérience.
Fin mai 99 avaient lieu à Bruxelles, dans le cadre du KunstFESTIVALdesArts, les rencontres " D'ici et d'ailleurs " qui réunissaient de nombreux artistes autour d'une même préoccupation : "comment les artistes et les intellectuels, toutes origines confondues, vivent-ils la pluralité des cultures à Bruxelles ou dans d'autres contextes urbains européens?" y trouvaient place plus particulièrement des entretiens avec des artistes étrangers vivant en Belgique et qui directement confrontés aux problèmes de l'exil ou du déracinement, en parlaient à partir de leur démarche artistique. Longues interviews où les interviewés…
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Y a-t-il un seul enfant nourri au sein de nos terroirs wallons qui n'aie pas dans sa mémoire le souvenir fugace d'au moins un livre d'Arthur Masson? Si je pose la question, c'est que l'écrivain fait chez nous figure de phénomène littéraire, avec certains de ses romans ayant largement dépassé le chiffre ahurissant, pour un auteur patoisant de Wallonie, de 100.000 exemplaires vendus.
Et moi aussi, parlez-moi de Toine Culot, de Thanasse et Casimir, de Barrettes et casquettes, et c'est des pans entiers de mon enfance qui me reviennent en tête, avec une formidable faculté d'évocation, pour me chatouiller la gorge, le nez, les oreilles et les yeux. Gérald Frydman n'est sans doute…
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Journal intime, carnet de notes filmées, La jouissance des hystériques de Jan Bucquoy, quatrième volet de La vie sexuelle des Belges, voit précisément ce même auteur se mettre en scène lors du tournage d'un de ses films. Auditions, préparations, répétitions, scènes champêtres au bord de la Semois, lui sont autant de prétextes pour stigmatiser notre soif d'amour et de chambardement et remettre à l'ordre du jour un tandem détonnant qui, depuis la fin des années septante, passe pour un archaïsme de l'Histoire : le Sexe et la Révolution.
Et Jan Bucquoy de suivre Jan Bucquoy au prise avec ses comédiennes, tentant de lier ses désirs sexuels…
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Benoît Dervaux n'est pas un inconnu pour nos lecteurs. Cadreur de La Promesse et de Rosetta de Jean-Pierre et Luc Dardenne, nous lui avons consacré un entretien dans notre rubrique de Les Métiers du Cinéma . Il est aussi le réalisateur de documentaires dont Gigi et Monica.
La Devinière, son premier long métrage, qui sort en salles cet été, risque de déranger pas mal de monde (médical et institutionnel) et les spectateurs habitués à ce qu'on leur mâche la besogne. Nous leur recommandons de se laisser aller, de regarder et d'écouter sans a priori un film qui plonge dans l'intimité de la folie sans garde-fou, sans filet de protection. La Devinière s'ouvre…
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Pétales de pierre
Parmi les travaux de réalisation de fin d'études des ateliers de l'école de cinéma l'INRACI fut projeté L'Avenir est un long passé de Vincent Jaumotte. Par ce documentaire témoin de 24 minutes, le réalisateur a capturé les ultimes images d'un artisanat bien de chez nous, la dernière ardoisière souterraine en exploitation en Belgique.
Ce film nous propose un voyage intemporel à l'époque oubliée des techniques d'extractions minières, radiées de notre éventail de professions depuis la fermeture des mines de charbon. Ce document nous propose, des images pleines de relief, de mineurs tirant et poussant…
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Je m'appelle Toni, j'ai 22 ans
Film proposé sous la forme du documentaire-vérité, Tenir ma route, pourrait se résumer en la quête de sens de Toni, filmé dans son quotidien, son vécu dans un Borinage dont la détresse n'est pas à rappeler. Aussi particulier que contemporain le " climax " social de la région du Centre focalise bien des questions auxquelles doit se confronter la génération 2000. Olivier Meys, le réalisateur et scénariste, passe en revue la plupart des clichés trop réels de la banlieue, de la zone.
Sa camera et son portrait balayent avec tout ce que cela comporte le mal de vie, les copains, les sorties, le hash et l'alcool ainsi que l'incontournable…
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Le charme discret de la bourgeoisie
On les appelait pompiers, fine allusion aux casques qui couvraient le chef de leurs romains de pacotille, et leur nom est aujourd'hui synonyme de mauvais goût ostentatoire, d'académisme pompeux et d'absence totale de talent créatif. Ce furent pourtant les peintres officiels de la bourgeoisie triomphante de la deuxième moitié du 19ème siècle. De leur temps médaillés, adulés, couverts d'honneurs, de gloire et de fortune, leur nom allait petit à petit sombrer dans l'oubli et leur style figuratif et grandiloquent dans le ridicule.
Couture, Cormon, Bonnat, Gerôme, Carolus Duran, Rosa Bonheur, Jean-Paul Laurens, Meissonier, Detaille, De Neuville, Théodore…
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Pouvoir encore dire : NON !
Militons !, le film tract de Nicolas Simon flashe d'entrée par une série de plans de manifestations filmées en images solarisées du plus bel effet psychédélique. Loin de se caractériser par de simples fantaisies technologiques, ce pamphlet cinématographique politique et social nous offre le portrait de nombreux citoyens épris, sinon de changer notre monde, en tout cas d'en exprimer la volonté et de (se) manifester pour une société nouvelle. Un système basé sur l'individu, plus axée sur l'égalité et la solidarité vraie entre les gens.
Souvent traité, le sujet de l'engagement politique…
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