La réalisatrice Bénédicte Liènard passe de l'usine à la prison, de Joanna et ses compagnes à Claudine et ses camarades de travail avec une telle fluidité dans les raccords qu'il arrive parfois qu'on confonde les deux endroits. Deux lieux d'enfermement avec un encadrement tout aussi paternaliste. La grande réussite d'Une part du ciel est sa mise en scène, qui donne aux interprètes l'occasion d'être dans un entre-deux du jeu, dans la fiction d'une réalité qui est aussi la réalité d'une fiction. Bénédicte Liénard enregistre les gestes, se contente de montrer sans démontrer cette terrible solitude que ressentent les prisonnières…
Lire l'article
Réalisé en 1971, à l'occasion du centenaire de l'écrivain Stijn Streuvels, Mira est l'adaptation de l'un de ses romans ("Le Déclin du Waterhoek") publié en 1927 et qui fut l'objet d'un énorme scandale à l'époque. Le film conte les transformations, dans les années vingt du XXième siècle, de Waterhoek, un village situé le long de l'Escaut. Un pont enjambant le fleuve est en projet. En brisant l'isolement dont les habitants jouissent, ce pont présenté comme le sommet du progrès, les relie au monde. Un monde qui représente l'inconnu, l'autre, l'étranger. La plupart des villageois s'opposent à la construction…
Lire l'article
Le film le plus abouti de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Très bressonien, tourné caméra à l'épaule comme les deux précédents, La Promesse et Rosetta. Le film où dominent les plans serrés et les gros plans nous place au coeur du dilemme d'un homme qui ayant perdu son fils est confronté au problème de la transmission de son savoir de menuisier. Pourra-t-il, en effectuant le travail du deuil, devenir un passeur entre les générations ou au contraire cherchera-t-il à se venger du destin qui l'a accablé d'une des pires choses que l'on puisse vivre, la mort de son propre enfant. Film superbe qui, s'il a été quelque peu boudé par les francophones…
Lire l'article
Marc Lobet a entamé une série de fiction/animation consacrée aux correspondances célèbres de l'histoire de l'art et intitulée « En toutes lettres ». Après Avec ma vive et profonde tendresse, qui s'inspirait des lettres de Marcel Proust à Mme Strauss, il a choisi un extrait de la correspondance échangée entre Vincent Van Gogh et son frère Théo. Il nous propose donc aujourd'hui, Les Ciels de Vincent. Le titre indique très précisément que les propos du réalisateur, de C'est moi que je peins (un autoportrait de Rembrandt), parlent des ciels changeants du peintre hollandais. Avec un défi supplémentaire, s'attacher…
Lire l'article
Un lieu de vie
Demain on déménage, le dernier film de Chantal Akerman est une étrange comédie dont la structure éclatée s'apparente à celle d'un puzzle à la résolution périlleuse. Composée de petits récits qui s'emboîtent les uns dans les autres à la manière de poupées gigognes, l'histoire de cette mère et de sa fille Charlotte emménageant dans un nouvel appartement dont le désordre de meubles et de paquets a de quoi surprendre. Car ici les pièces de l'appartement se télescopent en un espace labyrinthique où la vie quotidienne prend des allures d'une course d'obstacles. Car ici les objets habités…
Lire l'article
Le film de Serge Mirzabekiantz est une fiction polysémique. Le réalisateur tourne autour du thème de la solitude. Il fait se rencontrer Lucas, un garde forestier, Stéphane, un chanteur en tournée et Laure, la patronne d'une auberge située au coeur d'une forêt enneigée. Chaque personnage reste solitaire préférant garder son jardin secret que le réalisateur laisse au spectateur le soin de deviner. La nature semble davantage en harmonie que les personnages entre eux. Les désirs se frôlent sans peut-être se concrétiser. A cet égard, deux scènes nous paraissent emblématiques : D'une part, le fils de Stéphane, à qui son père téléphone,…
Lire l'article
Aaltra qui sort ce mois-ci en salles nous a fait hurler de rire. Accrochez-vous à vos fauteuils. Plus road movie déjanté, on ne connaissait pas. Culotté. Gare aux accidents cardio-vasculaires ! On connaissait El Cochito (La petite voiture) de Marco Ferreri qui voyait un fanatique du franquisme secouant son entourage pour obtenir un fauteuil d'invalide afin de rejoindre ses potes handicapés. C'était drôle mais très « années cinquante » et pas rock'n roll comme Aaltra. Le film réalisé par une paire d'allumés (Benoît Delépine et Gustave Kervern est produit par La Parti une maison de production animée par Vincent Tavier lequel a déjà… Lire l'article
Belgitude
Prenez une enquête policière autour d'un étrange tueur en série qui collectionne les avant-bras droit de jeunes femmes dont il abandonne ensuite les cadavres dans un cimetière bruxellois, laissant au bon soin de quelques promeneurs égarés le plaisir de les retrouver derrière certaines tombes où reposent des peintres célèbres.
Confiez la dite enquête à l'inspecteur Léon, vieux garçon à la philosophie un peu zen, adepte du tricot et pince sans rire à ses heures.Entourez le d'une mère poule exubérante et toquée de concours publicitaires, d'un chien boulimique aux monologues caustiques, d'un adjoint touche à tout mais…
Lire l'article
Belle, bien campée sur ses deux jambes, fonceuse car la vie le veut ainsi, débrouillarde et autoritaire avec sa mère Papicha (Biyouna), pour la préserver de son délire mélancolique d'ex-chanteuse de cabaret, Goucem, incarnée par Lubna Azabal, comédienne belge d'origine marocaine, est une jeune fille romantique qui rêve d'amours éternelles, de bonheur et d'enfants mais qui doit se contenter d'être rebelle et ambitieuse dans cette Algérie où l'on disparaît sans plus d'inquiétudes, où les artistes sont des parias, où l'administration se plaque sur une structure féodale et où les jeunes filles et jeunes garçons se déchirent…
Lire l'article
Le Temps du pardon
Quelques dates pour servir de repères. D'avril à juin 1994, le Rwanda est le lieu d'un effroyable génocide. Plus d'un million de Tutsi et de Hutus modérés y sont massacrés dans l'indifférence générale. Sept ans plus tard, en avril 2001, se déroule à Bruxelles, le procès dit des "Quatre de Butane" qui voit quatre présumés génocidaires reconnus coupables et condamnés à de lourdes peines de prison. Au cours de ce procès des veuves d'un petit village rwandais, Sovu, trouvent le courage de venir témoigner et racontent ce qu'elles ont vécu. Pour elles, sans justice, il n'y a pas réconciliation…
Lire l'article
Rien à voir, tout à regarder
Pertinence du cinéma qui emporte le regard et le fait voyager. Nous sommes dans le petit village de Kuma Konda au Togo à la veille de l'an 2000. Devant une épicerie des hommes et des femmes se parlent. Nous ne comprenons rien et pourtant nous sommes-là. Un peu comme ces enfants que nous découvrons, passé la grand'rue, dans cette école de tôle et de ciment, attentifs et surpris face aux mystères du système digestif des ruminants. Plus loin un homme repeint à la brosse la façade d'un bâtiment. Il n'ignore pas la caméra qui le filme et déjà dans les regards qui se croisent, une complicité s'installe…
Lire l'article
Un peu de fièvre
Le premier plan nous fait découvrir un archet qui glisse sur les cordes d'un violoncelle. Nous entendons le largo de la 5ème Sonate pour violoncelle d'Antonio Vivaldi. Le plan s'élargissant, nous découvrons Alexandre, instrumentiste, travaillant avant le concours qu'il passe le lendemain au Conservatoire. Son professeur s'exclame, derrière lui : « A aucun moment je n'ai entendu de la musique, instrument que vous avez choisi lorsque vous avez perdu votre voix ! » Le tout suivi d'un flash back qui nous montre Alexandre à 13 ans, chantant en soliste, l'Agnus Dei de la Messe du couronnement de Mozart. C'est le thème du film : Comment…
Lire l'article
Un cocktail détonnant
Le principe du jeu est simple : vous avez trois armoires correspondant à trois lieux (la ferme, le bois et la savane), et dans chacune de ces armoires, trois bouteilles, chacune équivalant à un personnage. Une infinité de mélanges s'offrent à vous. Tous à vos shakers !C'est selon ce principe que Fabrice Luang Vija choisit de nous conter trois - chiffre fétiche, mais bon, il faut bien se limiter, il s'agit d'un court-métrage tout de même ! - trois, donc, petites fables, partant chacune de la même situation de départ : une poule picore tranquillement avant de se trouver face à un prédateur sorti du bois. Ce seront le loup et le renard. Dans…
Lire l'article
Miam Miam
Le nouveau film de Roland Lethem est une histoire d'amour physique, sensuelle. Une femme (une forme humaine de sexe féminin ?) est étendue sur un lit et un homme va l'aimer, avec sa bouche, avec sa langue, son nez, ses oreilles (l'emploi extrêmement dynamique de la bande son confère au film une importante dimension supplémentaire), avec son estomac, son ventre, tout son corps. Bien entendu, on est dans l'univers fantasmatique de Roland Lethem. On se doute bien que les choses ne seront pas exactement comme elles devraient être dans la morale bourgeoise. Et même, on risque fort de s'attirer les foudres des intégristes de la position du missionnaire. Mais le réalisateur n'en a cure, assénant…
Lire l'article
Quelque chose dans le noir
Dans l'obscurité de la route, trois hommes enfermés dans une voiture cherchent le chemin pour se rendre à une fête. Soudain ils écrasent une blonde qui fait de l'auto stop. Si ça vous dit quelque chose, ce n'est pas par hasard. Le premier court-métrage de Jean-Jacques Goffinon est en fait inspiré du livre Il y avait quelque chose dans le noir qu'on n'avait pas vu de Thomas Gunzig (Prix Rossel en 2001) Et, je vous l'avoue, s'il y a quelque chose dans le noir du cinéma belge, c'est bien l'apparition d'un nouveau talent. Mais en quoi consiste exactement le talent de Goffinon? Deux mots peuvent définir son premier " opus " : Noir et Manipulation.…
Lire l'article