Le passage du témoin
On a connu Mustapha Balci par son merveilleux portrait des enfants du Cirat, ces gamins déshérités d'Istanbul. Aujourd'hui, toujours dans sa Turquie natale, ce jeune réalisateur de chez nous partage son amour de la musique et nous emmène à la découverte de celui qu'il considère comme son maître: Ramazan Güngor, un des derniers grands joueurs de luth (üçtelli dans le texte). Le film est une rencontre, un portrait subjectif d'un vieillard fatigué, mais encore débordant de vie, d'humour et de charme.
Que l'homme soit un séducteur, qui joue de la caméra avec un art consommé, sans trop avoir l'air d'y toucher, c'est…
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Est-ce dû à son voyage dans les différentes Amsterdam du monde (Amsterdam via Amsterdam, coréalisé avec Roger Van Eck , recherche poétique et pleine d'humour sur les identités)? Rob Rombout semble avoir décidé de nous emmener dans les villes. Résultat, ce premier film, qui doit être suivi d'autres portraits de métropoles, consacré à l'exotique Canton (en collaboration avec Robert Cahen). Exotique...? Toutes les grandes cités ne se ressemblent-elles pas?
C'est du moins ce qu'on se demande en découvrant, à travers la vitre mouillée de pluie d'une automobile, rythmés par le battement des essuies-glace, ces grands boulevards,…
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Parle nous convie dans les coulisses d'une pièce de théâtre en pleine préparation, "Chronique d'un discours schizophrène", mise ne scène par Fadhel Jaïbi au Théâtre de la Ville de Tunis il y a plus d'un an. Loin d'être un moyen-métrage sous forme de théâtre filmé, Parle tente de montrer le processus de maturation du texte et des acteurs qui s'en emparent, corps et âme.
En filmant des comédiens qui s'investissent, jusqu'à la violence, dans des rôles taillés à vif dans leur chair et dans la langue, Anne Closset nous prouve que le théâtre n'est pas une affaire de texte appris par coeur, mais…
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La Havane, 1996 : en racontant l'histoire de plusieurs autochtones qui entretiennent une relation amour-haine avec leur pays. Sonia Pastecchia dévoile une autre image de l'île de Cuba, bien loin de l'ambiance carte postale de Wim Wenders et du Buena Vista Social Club. À travers les récits d'un Sino-Congolais coupeur de canne, d'un jeune révolutionnaire aux idées claires ou d'une femme les pieds sur terre, la cinéaste dessine le portrait d'une société toujours fragilisée mais qui, lentement, se redresse, et regarde l'avenir avec confiance, la tête haute et le sourire aux lèvres.
Sorte de roman-photo à la Chris Marker, entrecoupé de quelques…
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L'un et l'autre
En mai 2002, dans le cadre de "Bruges, capitale culturelle européenne", à l'initiative de l'association "Art en marge", quatre artistes plasticiens et quatre personnes dites "handicapées mentales" sont réunis dans une maison. Pendant une semaine, ils vont travailler en duos à la préparation d'une exposition collective. Le cinéaste de À l'école de la Providence, par ailleurs partie prenante depuis de longues années des projets de l'association, va enregistrer l'évolution de ce travail. Armé de sa caméra, il se glisse entre les couples, observant comment, dans chaque cas, va s'opérer la rencontre.
Il faut organiser le…
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Rallia, La Fille de Bent Keltoum, est une jeune mannequin suisse originaire du Maghréb qui part à la recherche de ses racines et de sa mère. Accompagnée d'une tante un peu folle, elle traverse toute l'Algérie pour la retrouver et comprendre pourquoi elle l'a abandonnée. À travers l'histoire de Rallia, Mehdi Charef, réalisateur algérien vivant en France, nous invite à découvrir les filles de son pays. L'histoire des femmes de la campagne et des montagnes qui vivent la plupart du temps à la merci de leur mari, et suivant la loi des hommes de la famille. Comme par exemple, cette femme répudiée et abandonnée au milieu du désert par son époux simplement…
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Exclusion
Pour insister encore un peu plus (car ce ne sera jamais assez) sur cette réalité mondiale qu'est l'exclusion, Jasna Krajinovic nous entraîne, quant à elle, sur la trace de deux femmes de Bosnie. L'une, Saya, est âgée et orthodoxe. Mira a 17 ans et est musulmane.
Parce que la guerre a détruit leur maison et les a poussées à fuir, toutes les deux ont du réapprendre à vivre loin de leur réalité et de leurs familles. Elles occupent des maisons qui ne leur appartiennent pas. Faute d'argent, ces personnes ne peuvent ni bouger ni reconstruire. Mais le pire c'est que les propriétaires réclament aujourd'hui leur bien. Et le spectre de l'exclusion…
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C'est encore d'expulsion qu'il s'agit dans le documentaire de Paola Stévenne, Terres de confusion. Nous voyageons en compagnie de la réalisatrice, à partir des côtes marocaines en direction de l'Allemagne. Nous faisons escale en Espagne, en France et en Belgique en compagnie d'hommes et de femmes à la recherche d'un avenir meilleur sur le continent européen. Mais des personnes qui ne voyagent que suivant le bon vouloir des autorités, vers un avenir incertain et la crainte d'un retour au pays.
Ce qui frappe dans le propos de ce film, c'est la force avec laquelle ces humains croient en ce rêve qu'un mauvais pas vient pourtant trop souvent briser. Ni la peur, ni l'échec ne les…
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Le père de Sylvia Rezsek est Hongrois d'origine, mais il est venu s'installer en Belgique après la Révolution d'octobre 1956. Sa fille ne connaît la Hongrie que comme pays de cocagne - les vacances, les tantes souriantes et le soleil. Et grâce aux films Super 8 de son père. Sans doute sont-ils à l'origine de son envie d'en savoir plus sur ses racines, d'où cet À mon père épistolaire adressé à cet homme qui a quitté les siens pour se refaire une vie, ailleurs.
"Je ne pourrai jamais imaginer la douleur provoquée par ton départ. Mais le rejet que tu as pour tout ce qui ne te ressemble pas m'a fait croire que ta vie était…
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Un étonnant film « carnel »
Pour qu'une oeuvre soit intéressante et fondatrice, il n'est pas nécessaire qu'elle nous plaise. Mais il faut qu'elle nous interpelle, suscite réflexions et débats, provoque des remises en cause. De ce point de vue, Delphine Gleize a incontestablement accouché d'un film intéressant et fondateur. Déjà la polémique fait rage entre ceux qui n'y voient "qu'une logorrhée de formes qui s'entrecoupent pour finalement ne rien dire"(1) et ceux qui considèrent le film comme "un chef d'oeuvre, un coup de maître", "un voyage charnel et cérébral qui, au delà de sa virtuosité narrative, révèle…
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À la frontière
"Saleté, souillure, infection". Des mots qui renvoient brutalement à cette idée de maladie, de contagion, de contamination, avec cette nécessité de se prémunir, de se défendre, de mettre en quarantaine, d'isoler, d'enrayer, d'éradiquer. Des mots qui recouvrent celui qui se targue de son bon droit d'être sain, en bonne santé, bien portant pour désigner l'autre, l'entièreté de l'autre, comme malsain, mauvais, nuisible, avec tapi dans l'ombre ce sentiment de menace, de danger et de mort.
Des mots qui disent la peur de l'un, son évidente fragilité, et la misère de l'autre, son impossible condition.…
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Un pasito pa lante, dos pasitos pa tras
C'est un film simple, sur des gens simples, qui vivent simplement, une vie sans frasques, confrontés à une situation économique absurde, provoquée par un système politique pourtant démocratiquement élu, vingt ans de démocratie déjà !
Quelle misère, ma mère !Un, dos, tres, un, dos, tres... Buenos Aires querida, pasión de vida, pasión de baile.Qu'est-ce une vie sans passion ?"Des jeux et du pain !", serait-ce tout ce qu'il faut pour combler le peuple ? C'est sans compter sur la force de l'art ; l'art de vivre, l'art de danser."L'Argentine, c'est le foot, le boeuf et le tango".
Quand…
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Parler du film, c'est d'abord dire qu'il s'agit d'un parcours. Un film sous forme de visite, celle de l'ancienne prison de la Stasi en ex-RDA, aujourd'hui transformée en musée, en présence de deux ex-détenus. Et cette marche, au travers de ce huis clos, est l'expression de l'absurde, de l'enfermement lui-même. Une sorte d'errance, de perdition qui se cogne aux portes, aux murs de l'enfermement. Réalisé en super 16, le film se compose en majorité de plans fixes alternant avec de longs travellings qui nous donnent cet impression de traversée de longue haleine où le spectateur est à la fois guidé et livré à lui-même. Les cinéastes…
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Un art du voir et de la subversion
Qui dit téléfilm, pense bien souvent, absence de qualités. Péjorative, cette appellation est devenue synonyme de fast film, scénario simpliste, situations clichés, personnages modèles, psychologie primaire et écriture prémachée. À tel point que face à certains téléfilms, le spectateur ne peut que s'écrier : mais ce film, je l'ai déjà vu, et de s'en trouver rassuré ou totalement exaspéré suivant ce qu'il attend du cinéma. Heureusement, il est quelques cinéastes pour mettre à mal ce genre de préjugés, des cinéastes qui loin de se laisser conforter par…
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Dix ans après Babel / Lettre à mes amis restés en Belgique, Boris Lehman nous livre avec son Histoire de ma vie racontée par mes photographies ce qui apparaît très vite comme le deuxième volet de son grand oeuvre cinématographique. Histoire de ma vie se compose de quatre parties, quatre bobines, pratiquement interchangeables, comme si l'unité de l'oeuvre se devait de signaler la cohérence de chacun des éléments qui la composent. Comme si Boris Lehman, dans sa volonté d'un ordre aléatoire, rappelait qu'un film se doit de ne jamais se clore.
Work in progress, il doit posséder cette part d'inachèvement qui, dans son élaboration,…
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