Samedi 18 décembre. Fin du dernier siècle. Au théâtre Marni (où la Ligue d'Improvisation décidait de poser ses valises), la conversation battait son plein : rappelant la politique de fonds de poches de son alternative activité, l'AJC ! projetait un large aperçu de sa cuvée 1999.
Avant d'offrir le verre de l'amitié, 11 films étaient montrés. Suffisant pour remarquer que dans la gamme du très petit budget, aux côtés du documentaire de trottoir, un embarrassant nombrilisme paraît occuper une place de choix. Pourtant, souvent drôles, tendres et ironiques, les portraits et autoportraits se suivent sans forcément se ressembler. Ainsi Céline…
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De Aanspreker
Le thème de la mort aura paru davantage à la mode en Flandres. Peut-être l'Institutionnel est-il plus concret, plus présent et oppressant dans les esprits, plus lourd sur les épaules des jeunes réalisateurs flamands, qui tuent papa en rigolant (le " Woow " très trash de Fien Troch) ou en pleurant, comme c'est le cas du film de Geoffrey Enthoven : De Aanspreker. Traduisez : croque-mort, et effectivement on y passe, en corbillard, de la morgue à l'hôpital.
C'est-à-dire dans le sens inverse, même si les flash backs sont ailleurs : " Tu feras comme moi, mon fils, et comme ton grand-père : tu seras croque-mort. Ton arrière grand-père aussi……
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Le Dernier rêve
La mort est un bon Objet, aurait dit Mitry, ou Deleuze, je ne sais plus, dans quelque étude sur le cinéma. Un thème pas très gai, pourtant, et un peu vieux jeu : le bonheur est peut-être semblable à l'orgasme dont Artaud disait qu'il n'était aujourd'hui plus un droit mais une oppressante obligation. Qui trouve la mort banale, y pense sans doute davantage sur l'écran noir de ses nuits blanches, qu'il ose la voir en face ou l'entendre parler.
Prototype du gentil rondouillard, un projectionniste surmené et cardiaque flirte avec le Styx : un raccord de dernière minute, une pilule, la goutte au front, et pas vraiment le temps de manger. Sans doute Nicolas se…
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La plus belle pour aller danser
Quelques jours avant son célèbre carnaval - dont Henri Storck, il y a une trentaine d'années déjà, avait immortalisé les frasques des tambours, claquements des sabots et jets d'oranges - Philippe Hesmans arrive dans la petite ville de Binche : divisée en clans, la tribu se prépare à fêter le retour du printemps.
Les traditions se perpétuent, la relève semble d'ailleurs assurée, au grand bonheur des aînés, mais si " faire le Gilles "este un privilège exclusivement masculin, les hommes " tout dit pimponnés " rendent hommage à leurs dames, sans qui tout cela serait impossible : entre cuisine…
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Un ballet pour le XXIe siècle
Thierry De Mey est un cas à part dans le cinéma belge. Formé à l'IAD, il réalise Floréal, son premier court métrage, en 1985. Mais il délaisse la caméra pour se consacrer durant neuf ans à la composition musicale. Il se forge rapidement un nom et une réputation de qualité dans le domaine difficile de la musique contemporaine. Ce n'est qu'en 1994 qu'il se remet à la mise en scène avec Love Sonnets. Construit autour d'un ballet de la compagnie de danse contemporaine de sa soeur Anne De Mey, le film récolte éloges et récompenses. Avec cette même compagnie, de réputation internationale, il réalise…
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Le réalisateur Santos Hevia nous présente avec amour ses vertes montagnes espagnoles, baignées de soleil : depuis l'aube des temps, l'homme et le cheval y vivent dans une totale complicité, en parfaite harmonie.
D'ailleurs, c'est le moins qu'on puisse dire puisque l'ami cheval connaît par coeur le chemin de la ferme, et que le vieux paysan rêveur et bon vivant n'a plus, après une journée dans les prés, qu'à s'allonger sur le foin et faire la sieste, les mains derrière la tête et le sourire au ciel. La douceur de vivre est une question d'habitudes, comme celle qui chaque jour arrête la pittoresque carriole dans la cour de chaque fermette rencontrée :…
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L'Amnésique
Benoît Peeters, écrivain, scénariste de bande dessinée, cinéaste, aime le jeu (Nabokov), les labyrinthes (Borges) et les parodies (Omnibus, son premier roman, était un pastiche de Claude Simon). Il n'est donc pas surprenant que Le dernier plan, son premier long métrage, s'emboîte comme une série de poupées russes et traite de la mémoire et de l'amnésie. La structure éclatée du film fait alterner les plans chahutés pris caméra à l'épaule par Virgil Lancu, un jeune réalisateur roumain, et des plans fixes qui forment le contrepoint narratif d'un récit mené comme une enquête.
Qui est Constantin…
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The Last Words
Le Christ habite dans les humides ténèbres labyrinthiques des catacombes, apparemment sur le site de Tour & Taxi, près du canal, à Bruxelles. Débrouillard, peut-être roublard, il vend des mots aux âmes errantes qui en haillons, font commerce selon la saison de poulets ou de poissons.
La misère règne, mais les gens paient pour boire ses paroles, et à d'autres, il vend des cris. A une pauvrette tuberculeuse, une toux, et à Sandrine Laroche, une imitation d'orgasme : c'est pour son mari. La mission est étonnante mais son principe est simple : l'homme qui peut dire aujourd'hui ses dernières paroles, celles qu'il prononcerait au moment du dernier soupir,…
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Avec un air de temple grec, trois cariatides soutiennent contre vents et marées un fronton de plus en plus déliquescent.
Jusqu'au jour où le temps achève son oeuvre. Mais que deviennent alors les cariatides libérées de leur fardeau? Les idées lumineuses sont souvent d'une grande simplicité.
Trois personnages filmés de face sur un fonds coloré, quelques accessoires, et c'est 6'30'' pleines d'humour durant lesquelles on médite sur l'absurdité de la vie, le pourquoi du travail, les vicissitudes de la comédie humaine le prix de la liberté. Pas étonnant que ce petit film où se profile l'influence de Picha soit un des courts les plus brillamment…
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En amenant aux îles, par bateaux entiers, des esclaves noirs, leurs maîtres ne se doutaient pas qu'ils importeraient avec eux l'animisme africain. Ce culte des esprits était si profondément imbriqué dans la vie quotidienne qu'il a survécu à toutes les tentatives faites pour l'en extirper, et elles furent nombreuses.
Considéré comme dangereux par tous les pouvoirs qui se sont succédés, identifié à Satan par les missionnaires de tous acabits, il est resté profondément ancré dans les coeurs et les coutumes de toute l'Amérique noire, de la Louisiane au Brésil en passant, bien sûr, par les Caraïbes.
C'est à Haïti,…
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Né d'une bouse de vache et du hasard cosmique, Archi vit ses premiers instants dans un alpage au parfum de doux délire.
Mais quel est le destin d'un petit caca, sinon de chercher à échapper aux pieds qui vous marchent dessus ou à l'abominable aspirateur du nettoyeur des rues et des parcs? Heureusement, son ami Alias le cochon sera là pour aider Archi. Premier court d'un pur produit des ateliers Zorobabel qui aujourd'hui se lance "comme un grand ", c'est certes plus sympathique que parfait techniquement. Mais il y a tellement d'enthousiasme, de vitalité et d'humour absurde (les influences de F'murr et de Pic Pic André?) que cela passe sans casse.
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Fragile, pur et beau
Pourquoi se marier le jour de la fin du monde? marque, après plus de cinq ans, le retour à la réalisation, du réalisateur de Sirènes et d'Abracadabra. En choisissant de nous conter la destinée de trois personnages qui se rencontrent à l'heure des choix, Harry Cleven reste en terrain connu. Il aime cet instant douloureux des passages : où l'homme s'affronte à des éléments qui le dépassent, mais auxquels il doit trouver la force de résister pour imposer ses choix.
Le film s'ouvre sur un visage de madone, illuminé de lumière blanche. C'est Juliette (Elina Löwensohn, plus que belle). En tentant de fuir Guido (inquiétant Pascal…
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L'Art de la fugue
Philippe Herreweghe fait partie d'un mouvement initié par Gustav Leonhardt et Nikolaus Harnoncourt au milieu des années 50 grâce auquel la musique baroque a conquis le grand public, à la fin des années 90 (réservée jusque là aux seuls spécialistes de la musique ancienne). La bande son réalisée par Jordi Savall pour Tous les matins du monde n'y est pas pour rien.
Voir Philippe Herreweghe au travail, pendant les répétitions afin de nous montrer de l'intérieur la complexité architecturale de la polyphonie que Bach met en scène tel est le pari réussi de Sandrine Willems avec Philippe Herreweghe, et le verbe s'est fait chant.
Jamais…
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Au début des années quatre-vingt - mais il me semble que ça nous ramène au siècle dernier, l'humour tendre et naïf de Roland Magdane s'était taillé une petite place au soleil des projecteurs et dans le coeur des gosses : sur les planches comme sur les plateaux de télévision, l'épaisse moustache aimait se retrousser et frémir, avouant sans cesse un peu plus le clown triste et fragile. La surprise qui toutes les cinq ou six secondes rallumait l'oeil niais et complice de Droopy commençait à ressembler au profond reflet d'une larme. Comme mal assurée, la voix chevrotante n'en finissait pas de muer. Alors soudain, comme il y était venu, le comédien… Lire l'article
Lorsque, comme Danièle Roels, on naît, en 1950, petite-fille d'un des plus célèbres comédiens de Belgique, fille d'un chanteur lyrique, pionnier de la télévision, et d'une danseuse, et qu'on baigne toute son enfance dans ce milieu d'artistes où le rêve touche la réalité, on ne peut que s'imaginer sa vie devant les feux de la rampe. A seize ans, l'opposition catégorique de son père la fait renoncer à cette vocation, mais pas aux rêves qui, encore aujourd'hui, habillent son âme d'ors et de lumières. Cette "inaccessible étoile " qui a séduit la cinéaste Chris Vermorcken, et qu'elle évoque dans ce récit… Lire l'article