Nous sommes rue d'Hoogvorst, dans les locaux du Magic Land Theâtre. La Moviecam 500, installée sur un praticable, cadre en plongée le Dr Schnitzel, un savant fou dans la grande tradition du fantastique, lié sur sa propre table d'opération. On tourne une série de plans très brefs qui montrent la transformation du Dr Schnitzel en gorille.
Ses assistants, avec l'aide des mutants révoltés contre sa tyrannie, lui ont injecté contre son gré de mystérieuses substances que nous nous sommes bien gardés de tester. Alexandre, le responsable des effets spéciaux, jette des carboglaces dans de l'eau chaude. Une épaisse fumée se dégage, à travers laquelle on distingue…
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Le diable, probablement
Quai Churchill, dans le grand studio de la RTBF-Liège, une vingtaine de personnes s'agitent sous les sunlights. Cathy Mlakar, la scripte du film, joue la doublure lumière pour Aldo Piscina, lequel contrôle, à l'aide de sa Minolta IIIF, l'intensité de la lumière réfléchie sur son visage. Puis, côte à côte, Lio (la paresse) et Noël Godin (la luxure), le couple le plus insolite du cinéma, s'installent face à la caméra et allument Manuel Gomez qui les cadre avec soin, sous l'oeil attentif de Patrick Coeman, l'assistant-caméra (1). " J'ai rencontré Lio sur le tournage de Palmyra, nous avons tout de suite sympathisé,…
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L'Amour vache
Nous sommes dans un studio de montage de la RTBF. Denise Vindevogel, la chef-monteuse, manipule la copie de Combat de fauves sur une Steenbeck 35mm stéréo. Benoït Lamy, le réalisateur, observe attentivement l'écran, formaté 1.85. Ça démarre avec un plan large, en plongée, sur Richard Bohringer couché dans un ascenseur et qui, manifestement, ne va pas bien. " Il est collapse ", remarque, pince-sans rire, Benoît Lamy. Ute Lemper l'observe, tandis qu'il lui dit off : " Je rêvais, c'était bien, je crois bien. Je me demandais ce que devenait un prisonnier dans son cachot... Je crois bien qu'il devient poisson ou oiseau ". Sourire d'Ute.…
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L'amour filial
Dans la banlieue de Bruxelles, Josée Dayan achève le tournage de Victor et François. De l'extérieur, rien ne laisse présager que dans cette rue tranquille d'Humbeek, au bout d'un sentier boueux, surgira une gentilhommière, qui abrite depuis trois semaines une équipe d'une trentaine de techniciens de cinéma. Dans le parc, les rails d'un travelling courent le long de la façade. La caméra Arriflex SR3 est posée sur une tête télécommandée animée par une grue scorpio que manipulent les machinos de la Sotrac. Elle cadre Sandrine (Sabrina Leurquin), guettant à sa fenêtre le départ de Philippe (Jean-Marc Petiniot). Celui-ci…
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" Moteur ! Tourne ! Sept sur un, première ! "... Clac ! et le clapman s'éclipse. " Action! " Blimpé, le moteur de l'Arriflex tourne silencieusement. Le perchman tend son micro. " Qu'est-ce qu'on a comme artillerie? " Le général se tourne vers une carte d'état-major. " La neuvième, mon général ", rétorque le colonel, tandis que la caméra recule et fait un mouvement en arc de cercle pour cadrer la table autour de laquelle une demi-douzaine d'officiers écoutent attentivement le général.
" Nous devons les amener là , dit le général en pointant son doigt à un endroit précis…
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L'homme qui filmait les femmes
L'amateur est un monsieur d'apparence normale dont le seul plaisir consiste à filmer nues, dans son appartement, des femmes abordées dans la rue. Les choses en restent là, car la passion de cet homme tient plus de la collection que du fantasme sexuel.
Pour Olivier Smolders dont c'est le huitième film, cet argument minimal était prétexte à refaire une série de portraits de femmes (un motif qu'il avait déjà traité mais sur lequel il souhaitait revenir), étant entendu qu'il ne s'agissait pas de présenter une galerie flatteuse de jeunes femmes plus ravissantes les unes que les autres, mais d'aller de la jeune fille à la femme…
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Bonne fête, Paulette !
Caroline Rottier reçoit des mains d'Anne Moralis les dernières retouches d'un maquillage particulièrement complexe. Les cheveux attachés sous une perruque à l'anglaise, le visage pâle, aux lèvres foncées et aux yeux très maquillés que souligne de faux cils à la Garbo période muette, elle se fait ajuster une longue robe conçue par la costumière Isabelle Lhoas. Un miroir Art déco lui renvoie l'image d'une beauté des années folles faite à croquer. C'est qu'elle interprète Madame Zebrinska, une artiste russe dont l'univers féérique fascine Paulette, la jeune héroïne de Noël…
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Bijou d'amour
La caméra glisse sur le rail du travelling, cadre Fanny (Sandrine Bonjean) et Greta (Babette Jouret), la joaillière qui sort une bague de la vitrine et la présente à sa cliente.La caméra s'élève et recadre en plongée le sol sur lequel se dessine, à droite de l'image, l'ombre portée du sigle de la bijouterie.Et voici que, par un artifice d'éclairage, le reflet se déplace vers la gauche pour évoquer la courbe du soleil et le temps qui passe. Sans interruption, la caméra redescend cadrer Fanny et Boris (John Dobrynine) qui entrent quelques heures plus tard dans la bijouterie. C'est un raccord-temps subtil qui n'est pas sans évoquer celui de…
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Petits arrangements avec la vie
Thomas et Anne n'ont pas le même regard sur le passé. Frère et soeur , ils ne se sont pas vus depuis longtemps. L'enterrement du père leur offre l'occasion de régler son compte à une enfance pleine de malentendus, de noeuds affectifs pour l'un, de torrents d'amour pour l'autre. Anna embellit ses souvenirs (" Papa m'aimait "), Thomas les enlaidit (" Papa ne m'aimait pas ").Dans l'obscurité de la salle de montage de l'AJC, sur l'écran de la Steenbeeck (les Moviola actuelles), l'image des marches d'un escalier, " un plan bressonien ", me souffle ironiquement Ursula Meier, jeune réalisatrice, sortie il…
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Enfin, l'amour ?
C'est une histoire embrouillée mais compréhensible, plus complexe que compliquée. Elle ressemble à s'y méprendre à celle du cinéma belge, faite de coups de coeur qui sont parfois des coups de génie (C'est arrivé près de chez vous), parfois des coups de gueule (Camping cosmos), mais qui ne survit que par la passion qui anime ceux qui le font.
Joël Delsaut et Thierry Barbier se rencontrent naguère à l'INSAS. Ils y séjournent quatre à cinq mois, le temps de s'inadapter et de se tirer avec le virus du cinéma. J.D. écrit Mémoire d'après, un scénario de long métrage qu'il retouche et améliore…
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En Belgique, en France, en Suisse et en Italie, Luc Pien a tourné son premier film La Sicilia, une comédie picaresque racontant le retour au pays natal d'un mineur à la retraite. Le jour de notre rencontre, il est à terminer la postsynchronisation.
Sur l'écran du studio, Luigi (Grégoire Baldari, une incontestable présence) retrouve la mamma sur le parvis de l'église où l'on marie sa filleule. En ombre chinoise, Carmela Locantore double la mère pour quelques répliques, un travail de haute précision : gommant ici, accentuant là, elle fournit à la demande des nuances infinitésimales.
Après dix-huit ans de travail dans les mines du Limbourg, Luigi Bertone retourne…
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Retour au Chiapas
Lorsqu'il termine Chroniques d'un village totzil en 1991, Thierry Zéno ne peut imaginer que, trois ans plus tard, les Indiens entreront en rébellion armée et prendront par la force quatre villes du Chiapas. "En tournant à San Pedro Chenalhó, j'avais été confronté à une situation potentiellement explosive. Mais, comme tout le monde au Mexique et à l'étranger, la rébellion zapatiste m'a surpris par son ampleur et aussi par sa réussite : alors qu'on aurait pu imaginer une répression immédiate du soulèvement comme ce fut le cas au Guatemala, l'organisation de la rébellion et le soutien populaire qu'elle a reçu…
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Les Traces du rêve
Sept ans après Australia, Jean-Jacques Andrien met la dernière main au Silence d'Alexandre, un long métrage de fiction à cheval sur deux territoires et deux cultures. Le film, qui raconte la rencontre d'un anthropologue belge et d'un aborigène, sera tourné à Verviers, où prend place l'enfance du personnage, et, pour l'essentiel, dans le désert australien. Les prises de vues devraient débuter cet hiver.
C'est pendant les repérages d'Australia qu'Andrien a découvert la riche culture des Aborigènes, à l'intersection du mythe, du rêve et de la géographie. Ce que l'Aborigène nomme " rêve " n'a…
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L'amour est aveugle
Un magasin de fripes branché de la rue Antoine Dansaert. Derrière la vitrine, la caméra de Tatiana de Perlinghi ne perd rien des agissements de Palmyra, ravissante elfe sexy aux cheveux auburn tout de rose vêtue.
Eblouie par les jambes d'un pantalon masculin, celle-ci sort un Instamatic de son sac et clic-clac ! le flash en fait une image. Contre-champ : Palmyra, de dos, refait clic-clac ("Hé le photographe ! Attention aux réverbérations de la vitrine, t'es dans le champ !"), raccord, notre héroïne fait claquer ses hauts talons sur le trottoir face à la caméra qui la suit en travelling latéral, puis elle traverse en ignorant superbement une auto dont les freins hurlent de…
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Il faut toujours prendre la parole
Une démarche et une volonté exemplaires d'un type de création en Belgique : le tournage de La Vie sexuelle des Belges par Jan Bucquoy.Scénariste de bandes dessinées, peintre, créateur du Musée du slip, puis du Musée de la femme, auteur et metteur en scène de la pièce de théâtre La véritable Histoire de la Femme Nue, Jan Bucquoy s'était surtout fait connaître par son côté provocateur et iconoclaste, entre autres par des actions d'éclats telle que la décapitation d'un buste du roi ou la crémation d'un tableau de Magritte. Le tournage du premier volet de sa trilogie La Vie Sexuelle des Belges nous…
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