Voyage au bout de l'enfer
Douce est l'herbe, que votre pied soit de plume ! La rivière est d'argent, les ombres sont fugitives. J.R.R.Tolkien, Bilbo le hobbit
1er septembre 1997 Forêt de Soignes. Dix heures du mat.
Au croisement de la drève du Haras et du sentier de Grasdelle. Une clairière au milieu de laquelle trônent des dolmens. Autour de ce lieu qui ressemble à s'y méprendre à un site mégalithique, une équipe de cinéma installe les rails d'un travelling. Martine Lambrechts, la productrice du film, m'emmène via un sentier qui surplombe le site à la table de maquillage près de laquelle Chris Cornil (décoratrice), Stéphane Van de Capelle…
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Eros Energumène
Qui veut faitre l'Ange fait la bête. Blaise Pascal, Pensées. VI.358
Nous sommes au château de la Solitude, un bâtiment de style néoclassique construit en 1913 par Marie de Croÿ, Princesse et Duchesse d'Arenberg, dans un salon du rez-de-chaussée transformé en boulangerie. Il y a de la farine partout, sur mes baskets noirs, mon jeans noir et même sur le boîtier noir de mon Leica. Un démon surgit d'un four à pain comme un diable de sa boîte et se rue sur un ange. Deux jolies jeunes filles : l'ange vêtu d'une robe immaculée et parée d'ailes dans le dos, son double symétriquement opposé, le diable dévêtu mais…
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Un roi à Bruxelles
"N'écoutez pas ce type. Quoiqu’il dise, c'est un salaud, un sale escroc. Vous n'aurez que des ennuis avec lui !", s'exclame Safi, une jeune étudiante zaïroise, en s'adressant à Mayele. Le salaud c'est Viva-wa-Viva, un jeune sapeur de Mantongé qui essaye d'escroquer Mayele. Celui-ci n'étant pas dupe, Viva empoigne rageusement Mayele par le col à l'instant même où Van Loo, le commissaire adjoint de la police, surgit devant le trio en leur réclamant leurs papiers d'identité.
Prestement, Viva-wa-Viva se dégage et s'enfuit, poursuivi par Van Loo. Cloué sur place, Mayele demande à Safi : "Ça va ?" Elle…
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J'ai failli titrer : L'Incroyant. J'ai hésité puis y ai renoncé. Après tout si le cinéma cessait de me fasciner, de garder, à mes yeux, un aspect magique sinon ludique, je n'y consacrerais pas autant de temps. Comme toute représentation ou toute fiction, le cinéma fait appel à la croyance. Sa mise en boîte, le tournage, est une liturgie complexe, une sorte d'ars perfecta - l'art parfait d'embaumer le temps - dans laquelle il est difficile pour un outsider de participer surtout s'il est photojournaliste, c'est-à-dire, par métier, un incroyant.
Un tournage, ce n'est pas seulement une équipe au sein de laquelle chacun a un rôle précis et le…
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"De l'homme à l'homme vrai, le chemin passe par l'homme fou". Michel Foucault, Histoire de la folie.
Mardi 17 juin. 15 heures. Nous arrivons à Lerneux, un village de l'Ardenne. Karine de Villers, la productrice exécutive du film, gare sa Renault 5 dans le Parc de l'Hôpital psychiatrique. Le ciel s'obscurcit, on va éviter, de justesse, l'averse qui s'annonce. Nous entrons dans la cafétéria. Manu Bonmariage y tourne l'un des derniers plans de la journée. Sur une estrade, une dizaine de personnes chantent en choeur Etoile des neiges, accompagnés par la guitare de Maddy, une animatrice. Ils ont le texte des chansons dans les mains et s'il n'y avait le regard un peu trop fixe…
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"L'amour est la seule passion qui se paye d'une monnaie qu'elle fabrique". Stendhal, Fragments divers.
On se fait une répétition?" lance Guillaume Malandrin, l'assistant. Nous sommes, au carrefour des boulevards d'Ypres et de Dixmude, à Bruxelles.
Après la coupure du déjeuner, l'équipe du Sourire des femmes reprend le travail. C'est une équipe jeune, on sent qu'ils se connaissent bien, la plupart d'entre eux ayant travaillé avec le réalisateur sur le tournage de Terre natale. Lors du plan précédent, distrait par le spectacle d'une fille à moto, la BMW d'Etienne, un jeune homme d'une vingtaine d'années, a percuté la rutilante Mercedes…
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Nous sommes en compagnie de Manuel Poutte qui termine le montage du Miracle de la Saint Alba, un long métrage de fiction qu'il a réalisé et dont il nous montre quelques séquences achevées. Un jeune homme, appelé Donissan en hommage à Sous le soleil de Satan de Georges Bernanos, cadré en plan large, entre dans une église qui paraît à l'abandon. Il range quelques chaises dans la nef principale, époussette un crucifix accroché aux murs, remplace les cierges consumés par des cierges neufs. Puis, il monte sur une échelle pour nettoyer un vieux tableau poussiéreux: un triptyque dont les deux volets latéraux repliés sur celui du milieu empêchent de découvrir… Lire l'article
Lucien et les siens
On se met au départ, la figuration!" lance Alexandre, l'assistant, d'une voix de stentor. Des figurants, hommes et femmes, en tenue de soirée déambulent autour de blocs vitrés exposant des chaussures féminines au stylisme extravagant. Des serveurs en livrée blanche se glissent parmi les invités pour leur offrir des rafraîchissements. Nous sommes au milieu de la salle de l'armée de l'air au Musée du Cinquantenaire, entourés de tas de vieux zincs : des biplans et des monoplans de 14-18, un Spitfire, un Messerschmitt 108 de 40-45, un hélico Huey Cobra US, etc., posés au sol ou suspendus dans les airs à l'aide de câbles.Avec son toit de verre l'endroit…
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Le gardien de l'ange
La chambre d'un bordel. Eclairage aux néons, un peu glauque. Sur un canapé usé, Max et Bobo. La prostituée s'est éclipsée. Les deux hommes attendent heureux qu'elle revienne avec des préservatifs. Soudain, Harry, son mec, surgit revolver au poing, avec un air d'apache, terrorisant nos deux loulous dont l'expression d 'effarement se transforme en peur. Harry oblige Bobo à aller chercher le butin de leur casse en gardant Max en otage.La caméra cadre Harry, revolver au poing, de face à mi-hauteur. Max est en amorce, dans le coin droit du cadre, recroquevillé sur lui-même dans le canapé. Frédéric Dumont, l'assistant, réclame…
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"Se réfugier dans un pays conquis et ne pas tarder à le trouver intolérable, car on ne peut se réfugier nulle part". Franz Kafka, Journal.
"...La digestion commence dans la bouche, avec la mastication" dit Claudia en coupant de maigres et rares aliments dans de petites assiettes: une carotte, une sardine à l'huile, une asperge. A sa droite, Philémon observe ses gestes avec attention et gourmandise. Nous sommes dans une villa de la côte belge, à Coxyde. La pièce ressemble à une maison de poupées encombrée d'objets hétéroclites, de jouets, de peluches, de morceaux de puzzle épars, d'images pieuses. Au plafond, un ruban encollé de papier tue-mouches déroule…
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L'amour du jeu
La nuit. Dans un bar. Stella, la tenancière, est derrière le comptoir, de l'autre côté, face au miroir, Marthe, une cliente. Bols entre et s'approche de Marthe. C'est visiblement un habitué des lieux. La nuit est sa "cup of tea", elle apaise ses angoisses existentielles.
Il est euphorique, Marthe s'en aperçoit et attaque les yeux rivés sur ceux de Bols: "je parie tout ce que tu as sur toi que je te paie le champagne avant ce soir!". "O.K., sors ton pognon!", répond Bols.
Et il prend un paquet de cartons de bière les place sur le bord du comptoir puis, d’un revers de main les lance et les rattrape avec un sourire triomphant. Marthe en souriant fait la même chose. - Quitte ou…
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Le hall d'arrivée de l'aéroport de Zaventem, une après-midi du mois de mars. Un flot de voyageurs pressés encombrés de bagages se dirige vers la sortie. À contre-courant, un cameraman, Arriflex BL à l'épaule, enregistre l’événement tandis qu'un assistant éclaire le plan à l'aide d'un Quartz. Cela ressemble à une équipe de télé filmant, dans la bousculade, l'arrivée d'un chef d'état européen. Et c'est cette tonalité-là que George Sluizer, le réalisateur, veut donner au plan de l'arrivée à Bruxelles de James Morton. Un peu en retrait, appuyé sur une canne, il surveille… Lire l'article
Pour le tournage de Ma vie en rose, Alain Berliner, qui réalise son premier long métrage, s'est enfermé avec son équipe dans un studio. Grimpée au sommet d'une echelle double, une décoratrice, en salopette blanche, peint un ciel et ses nuages sur une gigantesque toile. Juste à côté, les pièces d'une maison ont été reconstituées à l'aide de panneaux mobiles pour permettre à la caméra de changer d'axe. Le premier plan de la journée se met en place dans une chambre d'enfants peuplée de peluches et de techniciens de cinéma. La caméra une Arriflex 35, blimpée , cadre la porte qui est entrebaillée. A côté… Lire l'article
La vie est ailleurs
Nous sommes dans la salle de montage vidéo du CBA (le Centre de l'Audiovisuel de Bruxelles). La monteuse Marie-Hélène Dozo et la réalisatrice Marta Bergman travaillent sur les rushes d'Un jour mon prince viendra, en montage virtuel. Trois moniteurs leur font face. Sur l'un, la séquence en montage, Mihaela et son patron en plan moyen. Sur l'autre, le patron, en gros plan, une image qui peut servir d'insert. Le troisième est un écran graphique de dix-sept pouces sur lequel on retrouve les deux images en incrustation et une troisième fenêtre qui sert à la gestion des fichiers. Marie-Hélène Dozo clique sur la souris, la séquence se recale au début et démarre.…
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Génération La Cambre
Cela se voit sur les écrans, se murmure dans les couloirs, se prime dans les festivals. L'un des phénomènes les plus heureux du moment est la venue d'une talentueuse génération de cinéastes d'animation issue de la pépinière de la Cambre. Ce n'est ni une école ni un courant: ce qui séduit au contraire dans les films de Florence Henrard (Noces de lait), Eric Blessin (Bon débarras), Daniel Wiroth (Crucy fiction), Luc Otter (Petite sotte) et Guionne Leroy (La Traviata), c'est l'éventail et la singularité de personnalités déjà bien affirmées, n'ayant de comptes à rendre qu'à elles-mêmes.…
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