"Toute parole est un préjugé." (F. Nietzsche)Quelques lettres, quatre ou cinq photographies... Il reste peu de traces de ce que fut, à la charnière de deux siècles, la vie de Spilliaert, peintre torturé et solitaire que ses tableaux laissent imaginer, déambulant soir après soir, nuit après nuit, dans les décors d'une ville d'Ostende alors " reine des plages ". Car, tandis que les baigneurs joyeux s'éclaboussent sous l'oeil d'Ensor et que les nappes blanches et nettes des restaurants de luxe attendent les mondanités royales, Spilliaert, lui, se replie sur soi : " De mon enfance, je garde un souvenir ébloui, jusqu'au jour où on m'a mis à…
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Un amour curieusement absent
Dans le cadre de ce grand bazar polymorphe et friqué que fut Bruxelles 2000, trois cinéastes flamands reçurent la mission de raconter leur Bruxelles. Représentatifs de trois générations (Marc Didden est né en 1949, Pieter Vandekerckhove en 1964 et Kaat Beels en 1974), ils nous livrent leur vision de la capitale.Trois histoires qui, curieusement, parlent plutôt de déracinement, d'altérité et de cosmopolitisme.
Le premier sketch est l'oeuvre d'une toute jeune cinéaste, Kaat Beels, déjà remarquée à l'occasion de son court métrage de fin d'études, Bedtime Stories. Une nuit d'été, en ville, Jens ne…
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Spectral? En effet. Guildern et Rozencrantz ? Point, vous n'y êtes pas. Shakespeare ? Gagné. Or doncques, William Shakespeare citoyen de Stratford, dont l'identité continue à alimenter la chronique historique prend figure humaine dans To be or not to be, le film de Peter Woditsch. "Bonjour Monsieur Shakespeare" lui lance une servante qui lui offre un baquet d'eau fraîche afin qu'il chasse les dernières images de ses cauchemars nocturnes. Il plonge la tête dans la bassine, la ressort et nous voyons, en plan serré, son visage penché (celui d'un chauve à moustache) reflété dans un miroir, face caméra, le regard allumé fixant non pas vos neurones mais les siennes…
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Tout d'abord, au vu des premières minutes, on pourrait croire que Lettres d'amour abandonnées raconte l'histoire romantique de deux solitudes qui vont rencontrer le désir du désir de l'autre. Woufti, que nenni ! Nous y échappons, moderato cantabile ! Le film étant aussi un hommage pervers à Hitchcock (peut-il y en avoir d'autre avec Sir Alfred ?) et, singulièrement, à Fenêtre sur cour, le film-culte de la cinéphilie, puisqu'il parle de la passion du spectateur pour un écran qui lui fait découvrir le monde. Sauf que le film de Sander Dirickx est davantage une mise en abyme narrative que visuelle. Reprenons. A la suite d'une opération rondement…
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Portrait de groupe avec hommes
La génération Strip-tease est-elle en train de s'installer dans le cinéma de fiction? On assiste en tous cas ces dernières années à l'éclosion d'un genre de comédies sociales proches du ton et du regard qui caractérisent le magazine de Marco Lamensch et consorts. Un courant dans lequel nous, Belges, avons joué et jouons encore un incontestable rôle moteur. C'est une nouvelle fois la réflexion qu'on se fait à la vision des Portes de la gloire, premier long métrage de Christian Merret-Palmair, une comédie au vinaigre qui brosse avec beaucoup d'humanité le portrait de cinq hommes associés pour le meilleur…
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Lorsque le monde reste opaque, partagé entre les exhibitionnistes et/ou les voyeurs de Loft Story et les blockbusters " mainstream " de nos amis américains, il est tentant de revenir à l'âge d'or du cinéma, lorsque celui-ci traduisait le monde plutôt qu'un monde. L'Arbre au chien pendu déroule son histoire dans l'Histoire. Nous sommes en 1945. Micha, rescapé d'un camp d'extermination nazi, retrouve sa femme Wanda. Très vite, il se rend compte qu'elle se comporte de façon étrange vis-à-vis de leur fils Dan, dont l'absence lui paraît suspecte.Wanda s'embrouille dans ses explications, appliquant, de manière plus douce, la logique du chaudron…
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On ne regarde pas un film ; on va le voir, comme un enfant vit les heurs et malheurs de Blanche-Neige. Parlons-en des contes de fées qui se penchent sur le berceau de notre inconscient avec malice, puisque c'est le sujet du dernier film de Geneviève Mersch qui nous avait déjà livré il y a six ans une perle rare : John. Dans Verrouillage central (un titre qui est un rebus pour les psy ?), Cathy (Aylin Yay, aussi juste que dans Mireille et Lucien) est une célibataire romantique, pas très nette tout de même, vous allez comprendre pourquoi. Toutes ses collègues et copines du salon de coiffure sont mariées et, qui plus est, son anniversaire tombe le jour de la Saint-Valentin. Ainsi va le hasard qui, tel l'inconscient,…
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Ici se poursuivent les aventures de Violette (Raphaëlle Bruneau), découverte adolescente acidulée à la recherche de l'amour dans Violette et Framboise, le premier film de Kita Bauchet. Violette y apprenait avec une certaine candeur que les garçons échangent impitoyablement leur solitude contre du sexe et que ça ne fait pas toujours le bonheur des filles. Cette fois, dans Violette au travail, notre girl fringuée sage comme une image (l'antidote au devenir-bimbo) cherche un job avec la même énergie et la même candeur après avoir été virée par son patron qui lui avait mis la main aux fesses et qu'elle avait giflé d'un coup droit à une main digne…
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NOUS DEUX
Pour son premier long-métrage, Lieven Debrauwer n'a pas choisi la facilité. Rendez-vous compte : en Belgique, aujourd'hui, faire un film sur les handicapés mentaux, quand on ne s'appelle pas Jaco. Qui plus est, raconter une gentille histoire rose dans des décors de bonbonnière sans s'appeler Berliner. Pire, avoir l'audace de mettre en scène des vieux en leur prêtant la fraîcheur de jeunes gens et ne pas s'appeler Benoît Lamy. Et réussir avec tout cela un film au ton éminemment personnel qui ne ressemble à aucun autre, avouez que ce n'est pas à la portée du premier conformiste venu. C'est que le jeune réalisateur a choisi d'assumer…
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A tout Prix
Le 30 mai a été présenté, en avant-première à Paris, sous l'égide de la SCAM, Chants et soupirs des Renaissants selon Paul Van Nevel, de Sandrine Willems, en présence de la réalisatrice et de Paul Van Nevel. Nous vous en avions parlé lors de son tournage . Aujourd'hui que le film est terminé, nous vous en rendons compte.
" ...en écoutant la musique et pendant que nous l'écoutons, nous accédons à une sorte d'immortalité ". Claude Levi-Straus, Mythologiques I.
Avant Bach
Sandrine Willems pratique le théâtre depuis l'âge de douze ans. En 1986, elle joue déjà dans Psyché, une pièce…
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Raphaël est un stagiaire particulièrement malhabile. Revenu à Muno, son village natal (rien à voir avec Muno, en Gaume, le film est une fiction, pas un documentaire), il essaie de profiter de l'agression que vient de subir un jeune Africain pour construire un sujet radiophonique sur la montée du racisme à la campagne. Sa mère ayant d'autres priorités, il essaie d'enregistrer Wendy, la cousine de la victime.
Hélas, le magnétophone tombe en panne. Le réparateur, sorte de Buster Keaton bavard et sans chapeau, lui confie, angoissé, qu'il a perdu son humour (" Je me lève le matin, paf, plus rien ! Non seulement je ne fais plus rire personne mais personne ne me fait rire "). Son frère…
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Lors d'un spectacle qu'il donne dans ce qu'on appelle aujourd'hui pudiquement une séniorerie, un vieux mime est victime d'un malaise cardiaque. Lorsqu'il reprend conscience, il est alité dans une des chambres de la maison avec prescription médicale de repos complet. Du jour au lendemain, lui, le saltimbanque aux semelles de vent, le voilà transformé en pensionnaire de cet hospice de vieux.Sa camionnette est vidée, son matériel rangé au grenier et le voilà contraint de suivre les règles rigides d'un pensionnat. Et son rat blanc, partenaire et unique ami, a disparu. Devant son miroir à maquillage, le voilà brutalement confronté au spectre blême de la vieillesse.Si…
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Pol et Simon sont potes comme on peut l'être à dix ans. Toujours partant pour les conneries: piquer les chiques au magasin d'en face ou lorgner les filles dans leur vestiaire à la piscine. Mais voilà, entre eux, il y a Justine. Pol est amoureux de Justine, mais c'est plutôt Simon qu'elle regarde. Jusqu'au jour où, à la piscine justement, Simon à l'idée d'une vilaine farce à faire à son copain, qui lui ferait définitivement perdre la face devant son amoureuse.Or, les filles ne réagissent jamais comme on s'y attend... Tourner uniquement avec des enfants pour tenter de restituer leur univers avec naturel représente toujours un petit exploit. Parce qu'un…
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Amour, haine, amitié et trahison
Non, ce n'est pas Dallas, mais une saga belgo-balkanique, une histoire universelle, que Jan Hintjens décline d'une part en Macédoine, où se côtoient depuis plusieurs siècles Turcs, Macédoniens, Albanais, Bulgares, Serbes et Croates, et d'autre part en Belgique une génération plus tard. Sous domination ottomane pendant près de six siècles, théâtre ensuite de plusieurs guerres balkaniques avant d'être à l'origine du déclenchement de la Première Guerre mondiale, les Balkans, région charnière entre l'Europe et l'Asie,deviennent le lieu témoin par excellence de l'exacerbation…
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Le petit prince pouilleux qui avait un rêve.
Ali Zaoua, c'est l'histoire d'un monde dur et sauvage aux portes de notre monde, mais c'est aussi un conte dont les héros sont des gamins des rues de Casablanca. Des gosses de six à douze ans, livrés à eux-mêmes dans la ville, qui errent en bande sous la férule de Dib (Saïd Taghmaoui, seul comédien professionnel dans le tas, se paie une gueule pas possible : balafré, terrible. Il impressionne dans ce rôle de caïd quasi muet au nom emblématique : Dib veut dire loup en arabe).Parmi eux, Ali a des rêves, des projets.
Entre Dib et ce gamin à la personnalité marquée, la rupture est fatale et Ali part de son côté…
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