Le spectacle du pouvoir
Fin 1999, l'actualité internationale vit à l'heure d'un bras de fer médiatique dans la guerre froide qui oppose Cuba aux États-Unis depuis bientôt quarante ans. La raison en est simple. Eliàn, un petit garçon cubain, seul rescapé du naufrage où sa mère a péri alors qu'elle fuyait le régime de Castro et tentait de gagner la communauté cubaine de Floride, a été recueilli par l'aile exilée de sa famille qui vit à Miami. Celle-ci veut le garder, considérant que le voilà sauvé du joug castriste, comme sa mère le voulait. Son père, séparé de sa femme et resté à Cuba, le…
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Longtemps, elle s'est couchée de bonne heure. Et puis un jour, Marie Mandy voulut voir du côté de chez Madeleine, sa grand-mère, pour trouver la réponse à cette question éternelle : Où vont les morts quand ils sont morts ? Vous ne le savez pas ? Et bien nous non plus mais Madeleine a une idée sur le sujet. C'est pourquoi la réalisatrice nous embarque avec Madeleine au paradis pour un voyage avant le décollage pour le paradis. Dans ce périple, la seule certitude socratique dans l'existence de l'être humain, la fin de la vie, apparaît comme un nouveau prisme à travers les yeux de Madeleine.Alors attachez vos ceintures… Grand-mère de la réalisatrice,…
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Un dessin simple, sans fioritures, des images dépouillées mais expressives, beaucoup d'humour, le sens du détail qui tue, et le don trop rare d'emballer des histoires sans complications mais toujours sensées dans un format compacté au possible, le jeune Alexis Vokaer nous avait déjà tiré l'œil à l'occasion de son précédent court métrage Nic-Nac.Ce talent, confirmé, lui vaut, avec Il ne faut pas vendre la peau de l'ours, non, non, il ne faut pas, un prix Cinergie bien mérité.En 2'30'', ce jeune ex-étudiant de La Cambre raconte avec beaucoup de charme l'histoire d'un pauvre ours captif dans un cirque qui, contraint d'effectuer…
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De la colonie comme zoo
Que la colonisation du Congo fût une histoire nauséeuse de barbarie civilisée, un régime de terreur qui aujourd'hui encore colle à notre vie comme un chancre malsain dont les miasmes se font toujours sentir, nul aujourd'hui n'a le droit d'en douter. Et pourtant nombreux sont ceux qui préfèrent tourner la page, évacuer les responsabilités de la Belgique dans un oubli volontaire et dépouiller encore et toujours les Congolais de ce passé sanglant où leur identité présente plonge ses racines et trouve le terreau de ses multiples facettes. Le dernier film de Francis Dujardin, Boma - Tervuren, le Voyage, remet les pendules à l'heure et…
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Une roborative épidémie de fièvre acheteuse
Pour Victor Hugo, l'oeil était dans la tombe et regardait Caïn. Tintin et Milou voyaient des petits anges et des diablotins se percher sur leurs épaules. Edgar Poe enfermait dans sa cave un chat noir borgne. Pour Jean (Albert Dupontel), la personnification de sa culpabilité, c'est un tigre à lunettes. Chacun son truc. L'embêtant, c'est que celui-ci, qui avait presque disparu de son existence, y fait ces derniers temps un retour en force. Pourtant, il a une gentille petite vie, Jean, une situation, une adorable épouse, Nicole (Marie Trintignant), qui lui tient sa jolie maison pendant qu'il part travailler dans son chic costume, avec sa belle voiture. Or, quand…
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Am, stram, gram...
Oscar Bloch et Walther Von Westburg dans leur célèbre Dictionnaire étymologique de la langue française (PUF) voient dans "comptine" : compter lequel aurait pour origine le mot latin Compulare, compter, qui a du prendre le sens de conter dans le parler populaire ". Ce qu'affine Le Petit Robert : Comptine, chanson enfantine (chantée ou parlée) servant à désigner celui à qui sera attribué un rôle particulier dans un jeu (ex : Am, stram, gram).
Le sujet du film de Damien Chemin est planté, reste le décor. Une maison isolée dans laquelle Marie, jeune baby-sitter à qui des parents à l'allure étrange, confient un enfant qu'on…
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Voyage au-delà de l'oubli
L'une des fonctions du cinéma documentaire est de vaincre l'oubli, de rompre ce silence des ans, de faire entendre des voix singulières qui se souviennent et, qui par le seul fait de trouver l'espace de leur parole, modifient et enrichissent notre présent. Niños, le dernier film de Jose-Luis Peñafuerte, est tout entier habité d'une telle volonté de faire mémoire. Véritable voyage intérieur, au plus profond des terres de l'exil, il se nourrit d'une longue réflexion sur ce qui fonde une identité, sur ce qui nous fait appartenir à un lieu, une famille, un passé. Film à la première personne où l'intimité…
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L'Iconoclaste
Le Syndrome plastique d'André Goldberg porte bien son titre, le cinéaste épousant le ludisme plastique et onirique de son sujet : le pop-minimalisme-baroque de Pascal Bernier. Dés le pré générique, celui-ci apparaît en gros plan, moitié rasé genre Guinsbarre, le nez chaussé de lunettes noires qui dissimulent son regard, tandis que ses lèvres murmurent (plan fixe qui passe de la couleur au noir et blanc) : "... le discours est une manipulation, toujours ! ... Et c'est lié au pouvoir. Le pouvoir ne peut s'appuyer que sur le mensonge même avec de bonnes intentions. Le langage est la voie royale du mensonge et l'art est un grand ami du mensonge même…
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En 2000, les réalisateurs Taylan Barman et Mourad Boucif lancent la production de leur film Au-delà de Gibraltar, qui traite notamment de certains aspects de la communauté marocaine à Bruxelles. Gérard Preszow qui connaît bien les problèmes de cette communauté participe à la conception du scénario, soutenant la démarche des deux réalisateurs qui fait la part belle aux comédiens non-professionnels et aux séquences improvisées.
Il devine que la structure ouverte du film et le choix des réalisateurs de laisser aux comédiens la spontanéité de leur parole va créer des situations hors-scénario fortes et riches en surprises. Aussi propose-t-il…
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Le clash des civilisations entre l'occident et le monde islamique annoncé par le professeur Huntington, Berlusconi proclamant, à la cantonade, la primauté de la civilisation occidentale (nous conseillons au "cavalière" de lire Paul Valéry), les (al) caïdmans transformés en tapis volants inoxydables et inflammables, des Bouddhas millénaires dynamités pour l'avenir de nos souvenirs, l'Histoire virerait-elle au cauchemar en ce début de troisième millénaire ou sommes-nous en train de vivre dans le maelström de la prose délirante d'un roman de Thomas Pynchon revu et corrigé par la machine à écrire de William Burroughs utilisée à quatre mains par Faulkner… Lire l'article
Un classique un peu ridé
Présenté lors du dernier Festival du dessins animés à Bruxelles, l'Étoile du Sud de Feireira fait partie d'une série télévisée de dessins animés de long métrage tirés des oeuvres de Jules Verne. Pour ceux qui ne connaissent pas les multiples péripéties que Jules Verne imagina autour d'un formidable diamant créé par un géologue en pleine Afrique du Sud, le film de Feireira sera sans doute un moment plaisant au charme un rien suranné.
Très fidèle, pour ne pas dire trop, au récit de Jules Verne, l'Étoile du Sud a les qualités et les défauts de l'oeuvre dont elle s'inspire.…
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Transcender le réel
Son premier long-métrage, le Rêve de Gabriel, a cartonné dans les salles de cinéma, où quasiment personne ne l'attendait. Au départ de la passionnante histoire d'une vie, Anne Lévy-Morelle,qui aime passer de l'autre côté du miroir pour, comme elle le dit elle-même, "voir les choses derrière les choses", partageait de manière simple et vivante tout un questionnement sur le sens de la vie, la véritable nature humaine et sa place dans l'ordre des choses. Son nouveau film, Sur la pointe du coeur, pourrait à première vue passer pour l'antithèse du Rêve de Gabriel sous de nombreux aspects formels. Il est aussi urbain que le Rêve...…
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Cinéma brut
À l'instar du Fonds Myriam Garfunkel qui nous a permis de redécouvrir un petit chef-d'oeuvre de notre cinématographie, le Fellini d'André Delvaux, il est d'autres manifestations qui proposent d'aussi passionnantes découvertes. Ainsi la récente exposition de l'oeuvre de Victor Cordier, organisée par la galerie Art en marge à Bruxelles, s'accompagnait de la projection du film que Mara Pigeon lui a consacré en 1981, et dans lequel elle raconte la relation très particulière qui la liait à cet "artiste fou". Animatrice au Club Antonin Artaud, un centre de jour pour malades mentaux, Mara y rencontre à la fin des années septante Victor, en pleine…
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Badaboum
Film d'animation, tout en dessin, Boum de Pascal Adant est un explosif implosif. Le titre est un hommage à la chanson de Charles Trenet (l'air, pas les paroles qui sont détournées) laquelle depuis Toto-le-héros n'arrête plus de se fredonner dans notre cinéma.
Le film conte l'histoire d'une bombe larguée d'un avion atterrissant dans un champ de bataille où sifflent les balles de mitrailleuses, d'obus de mortier et de projectiles en tout genre et qui n'explose pas. La bombe comme le-canard-qui-était-toujours-vivant dans le célébre sketch de Robert Lamoureux, reste intacte, persévérant dans son être tel un disciple de Spinoza. Le temps passe. La paix…
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Il y a deux ans, Baptiste Andrien avait tourné quelques séquences dans Bruxelles avec un dispositif de cybercaméra baptisé (si nous osons dire) Rodéovision qui ne nous avait convaincu qu'a moitié. Cela nous semblait relever davantage de l'expérimentation conceptuelle que du cinéma. Lorsque nous avons su que Bonjour était terminé, nous avons eu quelques inquiétudes. Nous avons vu le film et là, surprise, nous nous attendions à tout sauf à ça. C'est-à-dire un vrai film de cinéma, original de surcroît ! Dans les premiers temps du surréalisme, on entendait souvent parler de dérives dans le Paris des années vingt. À savoir :…
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