Nuit blessée
Un film de Nicolas Rincon Gille. Mention spéciale au Cinéma du Réel, Paris 2015. Présenté au FIFF de Namur 2015 dans la sélection "Regards du présent".
Il s’agit du dernier volet d’une trilogie : En lo Escondido (LM 2007) et Los abrazos del rio ( LM 2010). Deux garçons grimpent au sommet d’un arbre comme s’ils voulaient explorer du regard le ciel, le bidonville sur la colline et la ville de Bogota en contrebas. Une femme, Blanca, leur grand-mère est adossée au tronc de l’arbre. On pressent, en cet appui, l’affirmation d’une force commune, vitale. Blanca invoque celle-ci par une prière : Ô mon âme, âme de la paix et de…
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Le beau, le laid et la truelle
La Belgique est-elle le pays le plus laid du monde? C'est le postulat de départ du projet Archibelge qui se décline en un long métrage, une plateforme web et une série documentaire (3x52') à laquelle est consacré cet article. Plongée au cœur d'un pays à l'architecture aussi incohérente qu'unique.
Qu'elle soit le fruit de politiques publiques hasardeuses ou de choix esthétiques pour le moins singuliers de particuliers, l'architecture belge se distingue autant par sa diversité que par son incohérence. Sofie Benoot, Gilles Coton et Olivier Magis mettent un coup de projecteur sur ces spécifités via Bruxelles,…
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Les flammes de quelques bougies oscillent lentement dans l'obscurité. Dédé est là, maîtresse des lieux, dans son cabinet de curiosités où les sous-vêtements en satin caressent les godes disséminés ça et là, où les tulles pendent, voiles de l'indécence. Boudoir où les passants excités s'arrêtent quelques instants moyennant quelques billets. Royaume de Dédé qui les regarde défiler du haut de son trône doré. Bouche pulpeuse, chevelure de feu, poitrine sulfureuse, ses armes démoniaques. Le règne de Dédé est presque terminé, elle se fait chasser de sa carrée, l'heure du glas a sonné.
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Créé au début des années 2000 au sein de l’Hôpital Fann à Dakar, l’Atelier Moussa Diop accueille des personnes qui ont vécu ou vivent l’expérience d’un internement psychiatrique. L’Atelier Graphoui fut associé, en 2014, à l’organisation d’un atelier de cinéma d’animation qui venait compléter les domaines déjà explorés par l’atelier Moussa Diop : les arts plastiques, le théâtre, le slam. Il a accueilli en résidence deux animateurs de l’atelier sénégalais qui cosignent la réalisation collective.
Le court-métrage Lou bëth xayma fut présenté dans le cadre…
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Le Poète et le forgeron
En 1870, Arthur Rimbaud, 16 ans, quitte sa ville natale, Charleville-Mézières, qu'il déteste, et fugue à travers la vallée de la Meuse jusqu'à Charleroi. Cinq de ses plus célèbres sonnets ont probablement été écrits au cours de ce périple qui aboutira à Bruxelles. Patrick Talercio s'embarque sur ses traces pour rendre compte de la vie d'une région, marquée par la prospérité de l’industrialisation et le déclin qui a suivi. Une invitation poétique et politique à un voyage dense qui interroge avec intelligence les luttes ouvrières aujourd'hui.
Dès les premières minutes, le…
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De guerre lasse
Une foule rassemblée sur un terrain vague à la nuit tombée. L’agencement de brouhahas, de dialogues off, de silhouettes vues de dos, de lumières floues et lointaines et de sons inquiétants créent d’emblée un climat mystérieux pour une étonnante ouverture. L’objet des regards reste longtemps hors-champ. L’arrivée des militaires mettra fin à ce suspense.
« Tu te souviens de moi ? » demande un jeune père à son enfant en bas âge, posé dans ses bras, à son atterrissage. La base militaire de TwentyNine Palms, dans le désert californien du Mojave, accueille les Marines de retour d’Afghanistan. Ces soldats…
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La fin d’un monde
Remarqué en 2014 grâce à Bowling Killers, un court-métrage de genre qui réalisa la prouesse d’être nommé aux Magritte, Sébastien Petit confirme l’étendue de son potentiel avec Chaos, un film traditionnel cette fois, parfaitement inscrit dans son époque.
Cette fiction de dix-huit minutes suit le parcours d’un quidam (Steve Driesen, le toujours impeccable acteur fétiche du réalisateur) qui, dans sa voiture, sillonne une autoroute vide, au milieu de nulle part. Quand tout à coup, tout s’arrête: radio, moteur de la voiture, éclairage public, portable, montre. Coincé, car orphelin des technologies dont dépend son quotidien, il se retrouve…
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Pas de repos pour les braves
Présenté à Cannes dans la compétition Un certain regard puis sélectionné au Festival du Film Francophone de Namur, Je suis un soldat de Laurent Larivière est un premier long-métrage en forme de portrait de femme. De femme en marche, en lutte, en avant, quoi qu'il advienne. Un peu à la manière de Rosetta, dont Sandrine serait une grande sœur, un double tardif, rattrapé vingt ans plus tard, Je suis un soldat se déploie comme un film naturaliste, dans la veine du cinéma français le plus classique, mais il s'engage peu à peu sur les territoires plus lointains du film noir. Construit sur une mise en scène sobre, il surprend par ses audaces…
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Le film s’ouvre sur une recommandation énigmatique : « Considère le monde comme un mystère absolu et ce que font les gens comme une folie sans borne. » Il est, par ailleurs, muet. Cela laisse au spectateur la liberté d’en interpréter les images, d’en éprouver la beauté. Des hommes creusent un tunnel, à travers les graviers. Seuls leurs gestes, le mouvement des pelles, sont visibles, éclairés par une simple lampe de poche. Que cherchent-ils ainsi au centre de la terre : une civilisation perdue ? L’obscurité donne à la scène qui, au premier regard, pourrait annoncer un film ethnologique un aspect onirique qui caractérise l’ensemble…
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Gesu, reviens parmi les tiens
Lauréat de la Wild-card 2014 octroyée par le VAF (Vlaams Audiovisueel Fonds) , Ruben Desiere signe un premier long métrage troublant, où fiction et réalité se confondent habilement, apportant ainsi un autre regard sur le célèbre squat "le Gesù".
Le Gesù était l'un des plus grands squats d'Europe, installé dans un ancien couvent bruxellois. Il abritait jusqu'à sa fermeture en novembre 2013 près de 250 personnes de toutes origines; artistes, activistes, sans-papiers... Ruben Desiere décide d'y tourner un film avec certains occupants, basé sur le roman Cosmos de Witold Gombrowicz. Mais la menace d'une expulsion prochaine enfle,…
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L’esprit des lieux
Comment éveiller un regard et la pensée qui l'accompagne, à une autre sensibilité, une autre compréhension ? Comment faire voir et saisir ce qui jusqu'alors se tenait enfoui sous les évidences du quotidien ? Certains cinéastes continuent d'expérimenter des façons de mettre en scène ces questions comme autant de chemins de traverse qui vont du connu vers l'inconnu. Avec son dernier film, La Corde du Diable, Sophie Bruneau rejoint ceux là qui réussissent à nous faire vivre le cinéma comme une aventure où le risque de changer prend toute son importance.
Au point de départ du film, la proposition semble claire : raconter…
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Reliques de guerre(s)
Présenté au dernier festival de Rotterdam, le premier long métrage d'Isabelle Tollenaere s'impose par une maîtrise plastique rare. En quatre chapitres, la réalisatrice se met en quête de la guerre, des batailles. Ou de ce qu'il en reste. De leurs traces.
À travers des paysages ruraux, elle nous emmène dans un voyage étonnant, parfaitement cohérent, où loin des guerres actuelles, se rejouent celles du passé, et particulièrement la Seconde Guerre mondiale. Et à travers elles, une forme de présent. Détruire un obus, jouer aux prisonniers de goulags, réaménager des bunkers en étables ou faire gonfler…
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La Vie d'un héros super
Après la réussite critique et publique de Une Vie de chat (2010), le duo de réalisateurs Alain Gagnol (scénario) et Jean-Loup Felicioli (création graphique) propose une relecture inédite et intimiste du super-héros américain. Ouvert par un générique au graphisme old-school et mystérieux, leur second long-métrage d'animation s'impose par une esthétique simple et poétique, un rythme narratif prenant et des thématiques fortes.
Léo, un garçon de onze ans, est atteint d'une maladie grave. Il doit se rendre fréquemment à l'hôpital et y subir de lourds traitements. Un jour, il découvre sa capacité…
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Présenté au FIFF 2015, dans la sélection "Regards du présent", le portrait de Chantal Akerman que nous livre Marianne Lambert nous touche par sa simplicité, sa justesse. Il est le fruit d’une complicité, longuement nourrie, éprouvée dans le travail. Chantal Akerman s’y livre d’une manière directe et vivante, avec un grand sens de l’humour. C’est ainsi qu’on la découvre au quotidien, dans une relation joyeuse et maîtrisée tout à la fois avec Marianne Lambert qui la filme et l’écoute, se laisse guider par elle, la devance parfois par la pertinence de ses questions. Le choix des extraits de films trace une ligne claire à travers la filmographie de… Lire l'article
Il y a 40 ans tout juste, Chantal Akerman osait Jeanne Dielman, quelques heures dans la vie ordinaire d’une ménagère bruxelloise : cuisiner, faire le lit, se coiffer, mettre la table, ouvrir et refermer la soupière… un film honni et adulé, une bombe à retardement déroulant de façon imparable un enchaînement de rituels répétitifs, jusqu’à ce qu'advienne l'inexorable.
Aujourd'hui, avec No home movie, la cinéaste met une autre ménagère bruxelloise au cœur de son film, sa propre mère, et nous flanque une fois encore sous le nez la banale monstruosité du quotidien.
C'est une chose fragile, un arbre. Fouetté par le vent, il faut un peu…
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