La voie cassée
Fin des années quatre-vingt. Tout ce qui vient de l'Est fait l'objet d'une sorte d'engouement. Depuis une Bulgarie sous l'emprise d'un communisme sévère, d'étranges voix féminines s'élèvent jusqu'aux cieux. Cristallines, transcendantes, fascinantes. On parla bientôt du "mystère des voix bulgares", dont la renommée allait très vite s'étendre aux quatre coins du globe.
C'est toutefois à Sofia même que, au début de l'année 1995, le réalisateur de télévision et journaliste culturel Philippe Cornet (Rapido, Cargo de Nuit, Intérieur Nuit, Rolling Stone...) assiste à une…
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Beethoven est sourd. Il compose ses derniers quatuors. Il est en train de mourir. Ses proches, des hommes pour la plupart, communiquent avec lui au jour le jour, par petites notes écrites dans des cahiers. Rien que de très banal. Ces cahiers, Ana Torfs les a lus et relus pour en extraire ce qui va devenir la matière de son film. Car derrière la banalité de ces conversations dont nous ne connaissons qu'un interlocuteur, celui qui écrit, Ana Torfs devine des histoires qui charrient des émotions fortes, essentielles, des histoires de passion, de création, de mort.
Pour révéler cette part cachée des cahiers, elle construit son film autour de l'absence de celui qui est sourd, qui meurt et disparaît.
Elle…
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Après la sortie des Chemins de l'autonomie en 1992, vidéo de 25', suivie de Au fil des relations, 1994, 45' et de Corps, accords, désaccords, 1996, 40', le Centre Vidéo de Bruxelles asbl, le Fraje asbl (centre de Formation et de Recherche dans les milieux d'Accueil du Jeune Enfant), Question Santé asbl et Respect asbl viennent de sortir leur quatrième production Y'a pas honte, une vidéo de 70'.
La première réalisation, les Chemins de l'autonomie, montre des futurs parents, pour la plupart, qui témoignent des changements que provoque au sein de leur couple la venue d'un enfant. Quant au deuxième film, Au fil des relations, elle est consacrée aux adolescents et à…
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Rock and roll
Cinéaste, musicien et écrivain, François-Jacques Ossang naît en 1956 et passe sa jeunesse à Toulouse où très vite il devient un assidu de la cinémathèque. Dans le cadre du Festival International du Film Fantastique, le Cinéma Nova présentait une rétrospective des films du réalisateur français F.J. Ossang. Au fil des projections, il découvre les réalistes allemands, les films russes révolutionnaires ainsi qu'une grande quantité de films de la Nouvelle Vague. Il décide en 1976 de fonder Cee, une revue littéraire vouée à l'expression des formes les plus extrêmes de l'écriture contemporaine.
En 1980…
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Passions et maléfices
Il était une fois, dans une forêt qui pourrait être Brocéliande, un village fruste mais heureux. L'enchanteur n'est-il pas là pour le protéger des forces sombres qui l'environnent ?
Dans cet univers, deux jeunes gens vont s'aimer d'un pur amour. Hélas, ils oublient que vient régulièrement l'heure du démon. Jaloux des hommes, il ravage le village et enlève la jeune fille. Son soupirant, pour la récupérer, n'aura plus qu'à plonger à sa suite dans les affres de l'enfer.
Il est plus proche de Jabberwocky que d'Excalibur le monde médiéval vu par Eric Figon. Plus proche de nous aussi sans doute, le fantastique…
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Trente-cinq ans après la Cage aux ours, son premier long métrage, Marian Handwerker nous revient avec un film engagé. Behemoth (titre provisoire) est un film qui traite du jeu pervers de la violence dans notre société où si certains souffrent d'un estompement de la norme, d'autres souffrent d'un aveuglement des normes.
Christel et Patrick
Christel (Isabelle Puissant) entre dans la chambre. Vautré sur le lit en désordre, inerte, Eddie (Patrick Goossens) vient de s'injecter une dose. Elle fouille la veste de son mec, n'y trouve rien et grimpe sur le lit pour lui faire les poches. Il sort de sa torpeur, se redresse, les yeux vagues : " Qu'est-ce que tu cherches ? Y'a rien à…
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Ecolo
L'Homme à l'écharpe jaune a fait sienne la morale du Candide de Voltaire. Dans sa maison, les pieds dans l'eau, il cultive ses salades et vit heureux avec pour amis les poissons et cétacés du grand océan. Hélas, le bord de mer n'est plus un refuge pour les poètes quand arrivent les rois du béton et leurs visions mégalos. Etouffé, mis en réserve puis rejeté de son rivage, il ne reste plus à l'homme à l'écharpe jaune qu'à s'enfuir, sur le dos de son ami le grand poisson, jusqu'au pays du rêve "le seul où personne n'est interdit de séjour".
On ne présente plus cette valeur sûre du dessin…
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Sur le petit écran d'un moniteur défilent des images aux textures contrastées. Images granuleuses de vacances familiales à Venise: promenades sur la lagune, visite au cimetière flottant, portraits en médaillon de disparus anonymes figés dans l'éternité d'un monument funéraire. Images plus anciennes d'une enfance à Léopoldville, scènes pittoresques de l'Afrique coloniale, avec l'arrivée incongrue de Saint-Nicolas flanqué d'un invraisemblable Père Fouettard (un Blanc qui s'est passé la figure au cirage !). Chutes de films de fiction jamais employées, au noir et blanc velouté: essentiellement des visages de femmes incroyablement… Lire l'article
Politic-Fiction
Georges Sluizer, le réalisateur de Sporloos , de son remake américain Vanishing, de Dark Blood et de Crimetime, nous a proposé en avant première mondiale son tout dernier long métrage The Commissioner. Le réalisateur hollandais, qui compte plusieurs succès à son actif dont une expérience hollywoodienne tout à fait concluante, était l'homme de la situation pour cette grosse coproduction européenne. A noter que c'est la société belge Saga Films qui participe à cette production aux cotés de l'Allemagne et de l'Angleterre. Tiré d'un roman sur les magouilles financières du fonctionnement politique interne de la CEE, le scénario…
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Séquence
La pièce est grande et oblongue, le plafond assez haut, c'est une sorte de loft transformé en duplex. On y trouve, à gauche, un coin cuisine avec un évier chargé de vaisselle qui sèche, un fourneau à gaz sur lesquels gisent poêlons et casseroles, un réfrigérateur. Au centre, le living, à droite, un bureau et une chambre à coucher à laquelle on accède par un escalier en bois.
Jeanne (Isabel Otero) et Domingo (Ruben Benichou) sont dans le coin cuisine, assis devant le bol de leur petit déjeuner. Sur la table, une bouteille de lait, une boîte de Cola Cao, un pot de confiture et des croissants.
Jeanne se penche vers l'enfant : "Domingo, l'autre…
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Séquence
Nous sommes dans les locaux des Editions de la Toison d'Or. Louis, un quinquagénaire aux tempes grisonnantes, fête la réussite de son best seller : Le soleil se lève à l'Ouest d'Abigaël Dougnac, Grand Prix du roman d'été. Une trentaine de figurants se déplacent dans un endroit relativement exigu, une pièce oblongue, en buvant des verres de champagne. Les hommes sont en complet veston, les femmes en robes décolletées. Un larbin circule discrètement entre eux, une bouteille de champ. dans chaque main. Ça pétille.
Interdit de vieillir
Des piles d'exemplaires du roman lauréat s'étalent sur une table. Certains invités…
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BALATUM, FRIGOLITE ET CELLOPHANE
Les exemples de complicité ne manquent pas dans l'histoire du cinéma. Il y a ceux dont on parle fréquemment, un metteur en scène et son chef opérateur attitré, un metteur en scène et son compositeur de musique, et puis ceux dont on parle plus rarement. Le décorateur, par exemple, dont le travail peut être lié de près à la trajectoire d'un auteur. François Truffaut faisait appel fréquemment à Jean-Pierre Kohut Svelko, Roman Polanski se tourne presque toujours vers Pierre Guffroy. Une manière d'illustrer l'importance du lieu au cinéma, et pas seulement dans le film d'anticipation ou de science-fiction, où il apparaît…
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On n'est jamais trahi que par les siens. Proverbe gallica, XVe siècle
"Attention, moteur ! - On vous demande de ne pas regarder la caméra, de regarder le présentateur" demande André Chandelle, le réalisateur de Mon père des jours impairs, aux figurants.
"Attention, action !". Le speaker lance dans le micro : "Prochaine et ultime candidate, Mademoiselle Madeleine Janssen qui va vous interpréter le prélude de Jean-Sébastien Bach BWV 846, Mademoiselle Janssen c'est à vous !" Un silence, le présentateur reprend : "Mademoiselle Janssen ?" Cut.
André Chandelle - dont on a pu voir Ceux du Hasard et Léon…
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Les Demoiselles de Rochefort
Un gentil petit bistrot inondé de soleil et aux couleurs de sirop Tesseire. Clients et serveurs débordent de joie, de tendresse et d'amour les uns pour les autres. Soudain, une jeune femme entre. Elle est déprimée et morose et brusquement, le temps se couvre, les humeurs changent, la dispute couve, puis gronde.
On est un peu décontenancé en abordant Anouk et les autres : décors, dialogues, lumières, costumes, maquillage, tout est parfaitement agencé et coordonné mais parait tellement artificiel, tellement caricatural. La mièvrerie poussée à l'extrême irrite d'abord, puis intrigue.
Mais tout cela n'est bien sûr qu'apparence pour…
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On achève bien les chevaux
Tenants d'une animation iconoclaste, Vincent Patar et Stéphane Aubier nous ont habitués avec le temps à leur univers impitoyable mais néanmoins mâtiné d'un solide bon sens ardennais.
Par l'absurde, ils passent à la moulinette l'imagerie traditionnelle de notre plat pays, Tout cela est très potache, joyeusement irrespectueux avec des pulsions dévastatrices un peu adolescentes, mais leurs contes animés sont d'une vitalité tellement désarmante que le spectateur ne peut que se prendre au jeu d'un rire réparateur. Aubier et Patar ont créé des personnages avec des dents pour mordre, et leur regard sur le monde - empreint d'une…
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