Philippe Reypens et Le Songe
Pour les photographes, il n’y a, en fin de compte, pas de différence, pas de supériorité esthétique, entre l’effort d’embellir le monde et l’effort inverse de lui arracher son masque. Susan Sontag in Sur la photographie. Ed. Christian Bourgois.
La pluie. Le vent additionne les deux. Si vous portez des lunettes, vous vous dirigez, tel Œdipe, en aveugle. Donc il pleut, non il grêle. Les gens se réfugient dans les encoignures de portes, dans les entrées du Métro Arts-Loi, se battent avec leur parapluie pour empêcher le vent d’en faire une jupe. Certains se servent de leur journal pour couvrir leur tête. Les grêlons rebondissent. Tactaccatactac. Nous…
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En 2002, Irréversible de Gaspard Noé est sélectionné en compétition officielle à Cannes et le film entraîne scandales, vomissements et hourras. La photographie du film, elle, toute en ambiance crépusculaire et saignante en lumière radieuse ou en contraste urbain fait l'unanimité. Derrière la caméra, Benoît Debie se tient tranquille. Il vient de travailler comme chef opérateur sur son premier long métrage de cinéma, et si c'était "inespéré", il ne se dit pas pour autant que sa carrière au cinéma est lancée. Quatre ans plus tard, le voilà détrompé et hissé, tambour battant, vers le succès.
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L'année du Buffle
Vous connaissez notre intérêt pour le cinéma belge qui nous réserve tant de surprises par son non-formatage, ainsi que notre souci pour les films venant d'Asie dans la mesure où c'est l'un des cinémas les plus créatifs du moment. Gardien de buffles, un film belgo-vietnamien de Minh Nguyen-Vô nous comble donc deux fois.
Gardien de buffles n'est pas un film qui installe ses plans dans la durée ou joue sur les ellipses narratives (comme le cinéma chinois ou taïwanais, voire certains films coréens au tempo lent ou survolté). Et pourtant, rien de plus vietnamien que son rythme et son esthétique qui jouent sans cesse sur le contre-jour, les ombres…
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Les histoires d’amour ont souvent un aspect triangulaire. Les relations entre trois personnes se font, se défont, et puis, au milieu de tout cela, une intrigue. Ici, on s’en rapproche sinon qu’il y a une quatrième dimension. Tenez… avec les œufs brouillés, cela marche aussi comme cela. D’une part il y a le blanc, d’autre part le jaune… Alors intervient la fourchette qui pique le jaune et le mélange au blanc. La quatrième dimension… se serait le bain-marie. Il fait que les bons œufs brouillés prennent, ou pas du tout… Dans une maison, à l’image de celle dans Psychose, il y a une mère, un père et leur fille. Trois côtés du triangle. Mais rien…
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Louis et Auguste Lumière, Georges Méliès, Stan Laurel, Oliver Hardy, Charlie Chaplin, Buster Keaton, David Wark Griffith,... se sont initiés à l’expérience cinématographique au moyen des courts métrages. Avant la découverte du montage, une bobine ne pouvait accueillir qu’un film de durée limitée. Œuvre d’expérimentation, le court métrage a pourtant été longtemps assimilé à un avant programme ou à un extrait avant le long. Néanmoins, il bénéficie, depuis quelques années, de différentes initiatives qui, couplées, lui confèrent une vitalité avérée : festivals spécialisés,…
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Avec Patrice Beaudinet, il a lancé une collection de cassettes (« Cours toujours, tu m’intéresses ») et de fascicules (« Le trimestriel du court métrage belge ») car la visibilité du court leur apparaissait trop dérisoire. En regroupant productions belges, formats et thématiques de tous genres, l’initiative a eu un certain succès et ce, avant l'impulsion du DVD.
C. : Peux-tu restituer l’aventure « Cours toujours, tu m’intéresses », cette idée de cassettes accompagnées de livrets initiée en 97 ?
T. Z. : Avec Patrice Beaudinet, on s’est rendu compte que pour regarder les courts métrages,…
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« Tournage prévu » annonce l’affiche placardée sur les portes du centre Wallonie Bruxelles. En ce 3 mai, une dizaine de régisseurs de la RTBF s’activent en effet autour du plateau de l’Envers de l’Ecran. De loin, on aperçoit les lunettes familières de Philippe Reynaert. Les fauteuils traditionnels ont disparu, les écrans plasma diffusent en continu des images de Cannes, des sièges dans le public ont été réservés pour les invités de l’émission. Au premier rang : Olivier Gourmet, Lucas Belvaux, Patrick Descamps, Martine Doyen et Guillaume Malandrin. Arno, lui, s’est installé à l’écart, près d’une caméra…
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Star du cinéma indépendant américain, Jim Jarmusch, l’est depuis que Stranger than paradise, son second film révélé au Festival International de Cannes, en 1984, à la Quinzaine des réalisateurs l’a propulsé sur la scène internationale. Son cinéma montre sa singularité plutôt que de céder aux sirènes du cinéma d’action des grands studios hollywoodiens : « j’ai de plus en plus de mal à regarder des films plus commerciaux, où les plans ne durent que trois secondes. Le montage rapide me donne mal à la tête. Ils n’ont aucun sens de la musique. J’espère que mes films n’appartiennent à aucun genre ».… Lire l'article
Avec une régularité de métronomes, la fratrie seraisienne nous revient tous les trois ans avec la promesse d’un art systématiquement renouvelé et la volonté de garder une indéfectible lucidité dans le regard.
Il s’agit cette fois d’un enfant ballotté entre ses deux parents, Sonia (Déborah François, une révélation comme seuls les Dardenne savent en dénicher) & Bruno (Jérémie Renier, qui a bien grandi depuis son rôle de fils d’Olivier Gourmet en 1996 !) qui vont jouer à se chamailler, puis se mentir, se déchirer et se retrouver, enfin. Cette quête de rédemption, qui est aussi un des thèmes clés du film, c’est…
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Le cinéma est-il soluble dans la démocratie ?, se demande Pierre-Paul Renders. A-t-il épousé les dogmes du business world ?, se demande, pour sa part, Stefan Liberski. Leurs réflexions, parues dans l’Epouvantail, un journal publié par l’UPFF, ne laissent pas indifférent (1). Le cinéma d’auteur indépendant se diffuse mal lors de ses sorties. Les multiplexes servent le fast-food mondial. Reste le circuit des salles indépendantes. Neuf d’entre elles se sont regroupées en Communauté française (réseau belge francophone des cinémas d’art et d’essais). Le cinéma est-il en train de sombrer ? Nous ne le pensons pas. Il vit une mutation qui affecte…
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Culture et démocratie entretiennent des rapports complexes. À priori, on met en avant la démocratie comme le but et on débat de la manière dont la culture peut se mettre au service de cet idéal. Pourtant, si la culture est possible sans démocratie (voir les cultures totalitaires), la démocratie est impossible sans culture, pour la bonne raison que la démocratie est une culture. La culture est préexistante et englobe la démocratie. Dès lors, pourquoi ne pas inverser les termes de l'équation et oser des questions idiotes comme : la culture est-elle possible en démocratie ? La démocratie tolère-t-elle la culture.Ouvrons les yeux : le but ultime d'une…
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En décembre 1989, Chantal Akerman vient présenter Histoires d’Amérique à Bruxelles. Nous décidons de faire une séance photo pour le lendemain matin, avant son départ en train pour Paris, chez sa productrice, Marilyn Watelet. Le lendemain, à 9 heures, nous nous présentons pour dresser le portrait de la réalisatrice qui nous invite à partager son petit-déjeuner à défaut de la photographier. Victime d’une migraine épouvantable qu’elle combat à coup d’aspirine, nous parlons de choses et d’autres. Devant notre air consterné, Chantal Akerman fait contre mauvaise fortune bon cœur et pose pour quelques photos en nous prévenant qu’elles…
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Entretien avec Bernard Bellefroid
Rwanda, les collines parlent n’a pas fini de faire parler de lui. Ce film de Bernard Bellefroid a fait l’objet, lors du débat qui a suivi sa présentation au CCLJ, de menaces de mort de la part des négationnistes du génocide des Tutsis au Rwanda. Pas moins. Entretien avec le réalisateur d’un film dont on ne peut que s’étonner qu’il puisse susciter la controverse.
Cinergie : Ce qui frappe lorsqu’on voit Rwanda, Les collines parlent c’est la neutralité du ton.Bernard Bellefroid : Il fallait éviter une série de pièges. Le Rwanda est un pays souverain. Je voulais éviter qu’on puisse dire que…
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En 1868, Tokyo vit les derniers jours d'une guerre qui marquera la fin du pouvoir traditionnel et despotique des shogun, et l'entrée du Japon dans l'ère moderne. Dans un quartier évacué dans l'attente d'une offensive toute proche erre un curieux vagabond. Ce dernier, Shinko, finit par se réfugier dans une boutique abandonnée afin d'y trouver un abri pour la nuit. A peine a-t-il déroulé sa natte, qu'arrive Otomi, une jeune servante venue rechercher pour sa maîtresse le chat de la maison, oublié dans l'évacuation. Entre eux, c'est la méfiance et la tension qui ne fait que croître jusqu'au moment où Shinko tente de faire chanter Otomi afin de pouvoir…
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Cinergie : Nuit Noire procède par approximations, en déroulant un fil rouge entre des fragments livrés comme des polaroïds, de sorte que les pièces d’un puzzle se mettent petit à petit en place. Et cependant, tout est déjà dans la première image, le film fonctionnant comme une synecdoque. Olivier Smolders : Le film peut apparaître comme une mosaïque. Cela dit, au début, les scènes de rêves puis la découverte du personnage principal installent un fil rouge assez clair: Oscar est hanté par le souvenir d’une sœur qui serait morte lorsqu’ils étaient enfants. Puis aussitôt le récit brouille un peu les cartes,en déplaçant…
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