Réalisé en six mois en Ardenne belge de manière indépendante, Ida est le projet le plus abouti de Brandon Gotto. Ce thriller horrifique au rythme lent et à l'ambiance anxiogène est ancré dans le réel. Voici un cap supplémentaire franchi pour ce jeune réalisateur thudinien que Cinergie avait interviewé en septembre dernier pour la projection de Gravidam au BIFFF.
Ida de Brandon Gotto

Si de nombreux éléments narratifs et visuels ne laissent pas de doute quant à la nature horrifique de cette réalisation, le scénario explore des troubles mentaux et des pathologies qui n'ont rien de fantastique. Réalisé avec un budget très réduit, Ida met en lumière le récit d'une femme qui souffre d'un trouble de la personnalité caractérisé par des désordres émotionnels et des comportements antisociaux, ce qu'on appelle plus communément une psychopathie. Comme dans Gravidam (2020), un deuil familial est le déclencheur de cet état mental précaire chez les protagonistes.
Margaux Colarusso joue le rôle de la jeune fille désemparée et en perte de repères suite au décès de sa mère. Cette comédienne belgo-italienne à la beauté troublante et originale est également la collaboratrice de Brandon Gotto et cofondatrice avec lui de Deep Dreams Films. Habituée à incarner des écorchées vives, elle a déjà joué aux côtés de Jérémie Renier dans le court métrage Intrus (2013) de Gary Seghers ainsi que plus récemment dans AB Negative (2019) de Tony Pana. Elle y interprète une sorte de Lara Croft (Tomb Raider) blessée en fuite permanente face à une horde des mercenaires mutants sous testostérone. Le personnage d'Ida, qui a donné son titre au long métrage, est interprété par Annick Cornette. Cette comédienne chevronnée, que certains auront aperçue dans La dernière tentation des Belges de Jan Bucquoy, était également déjà à l'affiche de Gravidam. Dans le rôle du père en deuil, on retrouve Vivian Audag, le responsable du cinéma Caméo bien connu des habitants de Tamines.
Ce faux huit-clos horrifique démontre qu'il est possible de produire un long métrage indépendant de qualité en 2022 si l'on a des idées, de l'envie, de la volonté mais surtout si l'on travaille d'arrache-pied. S'inspirant ouvertement d'Inexorable de Fabrice Du Welz et de Liaison Fatale d'Adrian Lyne, Brandon Gotto a cumulé les fonctions de réalisateur, directeur photo, monteur et scénariste. Malgré toute la bonne volonté du monde, il reste difficile de financer ce type de projets et il est très compliqué de rendre ce genre de films économiquement viable malheureusement.
Si tout n'est pas parfait avec un rythme parfois un peu lent ou des maquillages un peu trop prononcés à la limite de la caricature (effet mort-vivant), la qualité esthétique n'a pas à rougir face à des films financés avec des moyens bien plus importants que ceux déployés pour Ida. Si la démocratisation des moyens techniques et les moyens modernes de diffusion permettent l'émergence d'une nouvelle vague de productions audiovisuelles et de cinéma indépendant, le marché ultra compétitif pousse toujours les raconteurs d'histoire à être plus consensuels afin de viser des audiences plus larges. Et c'est dans cette fonction que résident l'enjeu principal et la force de ce type de cinéma dit indépendant, celle de proposer des histoires originales qui ne sont pas forcément politiquement correctes ou en adéquation avec des standards commerciaux universels.
Ce vendredi 24 février, le film sera dévoilé à Bruxelles au cinematic club de la maison de la poste à Tour & Taxis.