Avec Petite Anatomie de l’image, Olivier Smolders poursuit une investigation débutée avec Voyage autour de ma chambre. Il explore l’au-delà et de l’en-deçà des images, leur caractère excessif voire intolérable, ainsi que leur indicible profondeur qui vient aussitôt réfuter leur platitude de surface. De même, procédé cinématographique déjà observé dans ses précédents courts-métrages, il reprend de ce précédent film quelques éléments pour les développer sous d’autres aspects.
Petite Anatomie de l’image d'Olivier Smolders

Voyage autour de ma chambre terminait son périple aux confins du regard avec des plans minutieusement élaborés des cires anatomiques de Florence, reproductions au détail près des entrailles des corps humains. Il s’agissait de visions confrontantes, dérangeantes, transgressant les limites du visible en exposant l’intériorité en une extériorité troublante. Même en pleine lumière, le corps ne cesse jamais de receler un mystère dont l’épaisseur ne peut être traversée de part en part. C’est pour cette raison que le regard ne peut tout à fait l’accueillir comme n’importe quelle image, et, comme celui de la Méduse, qu’elle vient heurter par son caractère foncièrement excessif et inappréhendable.
Pourtant, après avoir atteint ce qui semble être un indépassable, Olivier Smolders trouve le moyen d’aller un cran plus loin avec Petite Anatomie de l’image, une œuvre ludique et pleine de fantaisie. Il va à l’encontre de la nature insondable de la chair pour l’employer en tant que pure matière plastique à la merci d’expérimentations esthétiques. Par le biais de jeux de symétries, il se lance dans des sortes de badineries à résonances intellectuelles où les cires anatomiques se distordent jusqu’à créer des monstruosités et aberrations anatomiques. Alors même que le corps ouvert au regard demeure énigme, il ajoute un trouble au trouble de telle manière que l’on se retrouve décontenancé par ce spectacle à la fois fascinant et nauséeux. Il n’y a d’ailleurs ici pas le temps de reprendre son souffle que, déjà, dans ce déluge d’abstractions de plus en plus poussées, il réunit en un bouquet final l’en-deçà et l’au-delà de l’image, composant à partir de l’incompressible incompréhensibilité de l’anatomie humaine pour rejoindre l’incompressible incompréhensibilité de l’anatomie divine. Sans pour autant que l’un ne se fasse écraser par l’autre, comme ils sont liés autant que la partie au tout et le tout à la partie.
Ainsi, après un Voyage autour de ma chambre qui confinait au paradoxe par son principe même, Olivier Smolders y saute ici à pieds joints en faisant cette fois joyeusement résonner les paradoxes entre eux en une réalisation baroque où l’attention s’épuise dans un abandon à l’hypnose. Rien ne sert en effet de voir avec attention, quand il n’y a plus rien à regarder et seulement à s’abîmer.