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Vincent Lavachery, directeur d'écriture de la série Coyotes

Publié le 14/04/2021 par Constance Pasquier et David Hainaut / Catégorie: Entrevue

"Depuis notre projet "bisounours" de départ, Coyotes a bien évolué !" 

Dévoilée au grand public en mai sur la RTBF, la dernière-née des séries belges francophones est une comédie noire baignant dans le milieu du scoutisme. 
Après un tournage rapide de soixante jours qui s'est tenu en pleine période Covid (incluant un arrêt d'une semaine à la suite d'un test positif), son directeur d'écriture – showrunner, pour les intimes – Vincent Lavachery nous en dit un peu plus.

Fort d'une expérience récente dans la série suisse Quartier des banques, ce Bruxellois de 57 ans a écrit ce projet avec Axel du Bus et Anne-Lise Morin. Réalisé par Gary Seghers (Ennemi Public) et Jacques Molitor, Coyotes met en scène une troupe de jeunes comédien(ne)s, entre autres aux côtés de Philippe Jeusette (Ennemi Public), Steve Driesen (Les Rivières Pourpres), Valérie Bodson (Invisible) et Isabelle Defossé (Septième Ciel Belgique). 

Filmés d'Anvers à Luxembourg, en passant par Arlon, Bruxelles ou Floreffe, ces six épisodes (de 52') s'inscrivent dans le cadre du Fonds Séries FWB-RTBF, en coproduction avec Proximus, Wallimage, le Film Fund Luxembourg et le Tax Shelter du gouvernement fédéral de Belgique.

 

Cinergie : Outre Quartier des banques, votre parcours rappelle la réalisation d'un court-métrage d'animation en 1993, Le Chocolat chaud. Pourrions-nous en savoir plus ?

Vincent Lavachery: En fait, après avoir commencé des études en animation, j'ai travaillé pour la pub dans les années 80 et 90. Puis, toujours en animation, j'ai développé un long-métrage qui m'a pris énormément de temps et qui ne s'est jamais fait. M'apercevant que la réalisation ne m'amusait pas beaucoup, je me suis penché sur l'écriture de scénarios. Avec Axel (du Bus, son acolyte, également auteur de Coyotes) nous avons alors développé une série, mais ... elle ne s'est pas faite non plus ! Finalement, nous nous sommes retrouvés sur Quartier des banques et quand on a eu fini, André (Logie, le producteur de Panache Productions) nous a sollicités en vue de l'appel à projet du Fonds Séries. C'est là que l'aventure de Coyotes a commencé...

 

Les Coyotes en tournage © Govinda Van Maele

 

C. : ...en septembre 2016 et sous un autre titre (La Patrouille), donc ?

V.L. : Voilà. On a opté plus tard pour Coyotes, en se disant que ça sonnait mieux internationalement. Axel a d'abord proposé de faire une série se passant dans un home avec des personnes âgées. Mais moi, je voyais plutôt quelque chose à l'extérieur avec des jeunes (sourire). On a alors trouvé cette idée du scoutisme, puis d'un village, d'une jolie fille, etc... Des choses un peu classiques et inspirées de ce qu'on voyait dans notre jeunesse, genre Les Galapiats. On a donc présenté notre projet à la RTBF qui l'a trouvé sympa, mais la chaîne le voyait plutôt en long-métrage. On nous a alors demandé ce qui pourrait intéresser le public si nous en faisions une série. Nous, on voulait un truc sans coup de feu et sans violence, mais on nous a vite fait comprendre que ça allait être un peu "bisounours" (sourire). On a alors retravaillé le tout pour en faire quelque chose de plus tendu, avec un rythme plus soutenu. Mais je le souligne, en gardant une liberté totale.

C. : Dix épisodes de 52 minutes ont été envisagés. Finalement, il y en a six...

V.L. : Oui. Comme c'était pour moi une première expérience comme directeur d'écriture, j'ai dû jouer avec un tas de paramètres comme le budget, totalement différent à la RTBF par rapport à celui que j'ai connu à la RTS en Suisse pour Quartier des banques. Mais pendant plus de quatre ans, tout mon temps a été consacré à la série. Bien au-delà du Covid et de cette impossibilité de se réunir entre auteurs et réalisateurs, on a eu pas mal de déboires. On a changé trois fois de réalisateur, on a dû réécrire plusieurs fois en passant de 10 puis à 8 puis à 6 épisodes. Tant au niveau de la production qu'au niveau de l'écriture, on a dû gérer des choses qu'on découvrait au fur et à mesure. C'est surtout ça qui a demandé beaucoup de travail.

 

Sur le tournage de Coyotes © Govinda Van Maele

 

C. : En vous lançant sur une série, vous ne pressentiez rien de tout ça ?

V.L. : Non, pas du tout. Je m'attendais à ce que ce soit réglé en deux ans, comme ça a été le cas pour mon expérience suisse. Mais c'est aussi dans ces moments qu'on se rend compte que ce n'est pas tout de savoir écrire un scénario : ce qu'il faut, c'est savoir gérer une équipe avec des personnes qui ont chacune leur sensibilité. C'est important de savoir où on va, en acceptant les critiques et en étant ouvert aux suggestions. Par exemple, lors de l'accompagnement de la RTBF, on nous a demandé de féminiser le groupe de scouts, ce qui était pertinent. L'essentiel, c'était de garder le cap, maintenir le squelette et la structure de l'histoire, tout en prenant ce qui pouvait étoffer le scénario. Parfois, on a eu des divergences de vue, mais au final, c'est ce qui fait de Coyotes une œuvre collective. En tout cas, entre le projet "bisounours" des débuts et ce qu'est devenu la série aujourd'hui, les choses ont bien évolué !

C. : Avoir été auteur sur Quartier des banques semble avoir été déterminant pour vous permettre d'endosser ce rôle de directeur d'écriture, non ?

V.L. : Oui. Là-bas, j'ai travaillé étroitement avec la directrice de l'écriture, ce qui m'a permis d'observer une façon de faire, même si chacun a la sienne. Moi, je préfère connaître mon début, mon milieu et ma fin, tout en connaissant les grands pivots de l'histoire. Mais par exemple à la RTBF, une personne expérimentée suivant le projet nous a conseillés de plutôt tabler sur "le meilleur épisode possible", quitte à prendre des éléments prévus dans le 6e pour les insérer dans le 4e, etc. Et ainsi avoir un épisode "plus fort". Ce n'était pas simple, mais je pense en effet que cet épisode "bien travaillé" est meilleur que ce qu'on aurait pu avoir à l'origine. Là, les enjeux montent au fil des épisodes. Bon, ça a eu des conséquences sur ce qu'on a fait en aval : il a donc fallu voir le pour et le contre. Tout ça, encore une fois, dans un agenda restreint. On a donc bien appris le métier (sourire) !

C. : Comment présenteriez-vous votre série ?

V.L. : Sans qu'elle prétende avoir un énorme fond philosophique, elle défend des valeurs qui sont plus ou moins celles du scoutisme, à savoir le partage, l'honnêteté etc. L'histoire raconte celle de Kévin (Louka Minnella, vu dans La fille inconnue des frères Dardenne), un type de 17 ans subissant des violences familiales et qui tombe un jour sur des diamants. Pour lui, ces bijoux constituent une opportunité de prendre sa liberté et de s'émanciper. Mais vu qu'il est dans une patrouille scout avec des gens ayant tous besoin ou envie d'argent, le garçon va revoir ses valeurs, en comprenant qu'il n'est pas seul sur terre. C'est donc une série d'aventures qui, en filigrane, suit l'évolution de ce garçon et de sa petite bande. Dans des décors superbes...

 

Sur le tournage de Coyotes © Govinda Van Maele

C. : Au fond, pourquoi le scoutisme ?

V.L.: Je n'ai jamais fait partie du mouvement, contrairement à pas mal de gens de mon entourage, mais je me suis toujours dit que les scouts avaient l'air de bien s'amuser dans la forêt. Pour la série, j'ai été immergé deux jours pour voir comment fonctionnait un camp et pour que je puisse me poser toutes les questions, notamment sur les règlements. Comme par exemple ce qui se passerait si on était surpris en train de boire de la bière ou de fumer. J'ai vite compris que tout était assez strict et que ça ne rigolait pas ! C'était donc bien utile.

C.: En marge de l'élaboration de ces séries, on pourrait donc continuer à dire que le paysage évolue positivement, chez nous ?

V.L. : Tout à fait ! J'ai d'ailleurs bien apprécié la dernière série que j'ai vue, Invisible. On va clairement dans le bon sens. Après, comme scénariste, il faut s'accrocher. Être patient, y croire, ne pas compter ses heures. Si on fait ce métier en espérant un rythme métro-boulot-dodo ou qu'on dit "Ok, mais ma famille passe avant", il faut en faire un autre. Quand on est dedans, et surtout comme personne qui dirige l'écriture, il faut foncer. Je n'ai d'ailleurs rien à regretter et je suis même impatient de voir si les gens vont accrocher. Pour les scouts, je n'ai pas trop de doutes. Mais je suis confiant et comme on dit: "Ce qui est fait est fait !"

C. : Quelques mots sur vos autres projets ?

V.L.: Pour le moment, je fais du script-doctoring sur un projet de série qui n'est pas le mien, et j'écris un long-métrage qui sera une comédie noire, un peu dans l'esprit des frères Coen. Et un autre projet de série pour la RTBF que je compte déposer à leur prochaine séance, en septembre. Si j'ai entendu parler du film Totem ? (un long-métrage belge qui, reporté, sortira finalement après Coyotes). Non, et heureusement ! Car à un moment, on a pensé exactement au même titre. On aurait été mal ! (rires)

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