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Echo de Ruben Desiere

Publié le 25/01/2023 par Fred Arends / Catégorie: Critique

La Chorégraphie du soldat 

Immersion au sein d'un peloton de jeunes recrues militaires qui, durant cinq semaines de formation, verront se dessiner leur avenir au sein de l'armée belge, le troisième long-métrage de Ruben Desiere donne une image étonnante du travail et de l'instruction militaire. Présenté en sélection officielle au dernier festival de Gand, Echo est un passionnant documentaire d'observation et aussi une réflexion sur l'engagement, le respect d'un contrat et de règles et sur le corps militaire comme une famille et un univers singuliers. 

Echo de Ruben Desiere

Au sein du peloton Echo, le commandant Walter Van Dyck dirige l'apprentissage d'une quinzaine de jeunes recrues au cours duquel elles devront intégrer un certain nombre de savoirs et de techniques mais aussi de valeurs et de règles. On y apprend notamment sur qui on peut tirer ou pas, à reconnaître un kamikaze, les stratégies d'intervention, etc. Le film est entièrement plongé dans cette univers clos sur lui-même dont on ne verra jamais l'extérieur y compris lors des simulations de combats en forêt qui se déroulent à l'intérieur du domaine militaire. Les exercices scandent les journées mais nous sommes loin d'un entraînement à la dure avec cris puissants de ralliement et autorité musclée. Tout se fait au contraire dans un calme silencieux, une certaine douceur, même lors de réprimandes pour des erreurs commises ou des comportements inappropriés à la caserne. La mise en scène est simple et frontale. Les plans fixes nombreux et toujours à juste distance misent sur l'observation attentive, sans intervention, des moments collectifs ou individuels. On entendra peu les recrues, excepté lors des entretiens avec le commandant où sont évalués, au fur et à mesure, leur parcours et leur évolution et où se révèlent les personnalités. On y découvre des jeunes gens hésitants ou enthousiastes, réservés ou décidés. Tout juste sortis de l'adolescence, ils sont ici en métamorphose à la fois physique et psychologique. Cependant, le documentaire se veut distant des intimités si ce n'est au détour de quelques images, un peu volées, de recrues dormant ou d'une conversation téléphonique tendre entre un jeune et son amoureuse, et qui dit si bien l'absence. Cette distance permet d'échapper à une proximité qui aurait pu être complaisante. Le film n'est ni une critique, ni un plaidoyer pour l'armée. Ruben Desiere parvient ainsi à une sorte de neutralité qui, au final, devient fascinante. 

Derrière cette trame d'un quotidien rythmé par les entraînements sur le terrain et les leçons en classe, se dessine tout un ensemble de gestes et de mouvements; marcher au pas, nettoyer son arme, mettre son masque à gaz, tirer sur des cibles, et se met en place une chorégraphie étonnante qui traverse le film. Quant aux scènes de combats, très prenantes, avec ses images verdâtres de vision nocturne, elles nous amènent quasi à la fiction d'un véritable film de guerre.

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