Ils ont des vestes en toile imperméabilisées un peu destroy qu'ils ne quittent jamais même sur le plateau de Deuxième génération, lorsqu'ils examinent avec attention, sur la vidéo de contrôle, les plans souvent chahutés (pour être au plus près des personnages) que Michel Baudour cadre Bétacam à la main. Celle de Mourad est bleu foncé et celle de Taylan, kaki à capuche.
On arrive difficilement à les déscotcher d'une équipe qu'ils couvent et qui, pendant que nous nous entretenons avec eux, mange de la soupe et des sandwiches, en toute simplicité, dans un local désaffecté de l'hopital d'Ixelles. Campé…
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Il y a les gens pressés. Les gens lents. Les gens prudents. Les gens imprudents. Les gens distraits. Les gens curieux. Les touristes et les indigènes. L'homo faber, l'homo sapiens. Le timide et la coquette. Le parfumé à l'Aqua di gio d'Armani. La parfumée Obsession de Calvin Klein. Ceux qui ont des Ray-ban et ceux qui ont des sac ados en toile, griffé Eastpack. Celles qui ont des pantalons ultra-moulants Cargo et celles qui sont montées sur des buffalos de trois centimètres. Il y a les autres, les artisans du cinéma belge qui tournent un film Place Saint-Alix à Woluwé Saint-Pierre.
Je ne l'ai pas lu, je ne l'ai pas vu, j'en ai entendu causer. On peut le dire comme ça, en…
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Koksijde
L'âme erre ? Oups ! La maire ? hum ! La mère ? Mmmm ! L'amer ? Hips !Lame R ? Ouah ! La mère ? Oouuii ! Gagné ! Nous sommes à Coxyde, à la mer du nord, avec un vent glacial et une alternance de nuées et d'éclaircies qui font grimper la consommation de Kleenex. Sept ados encadrés par deux monos sont assis, en rang d'oignons, sur la rambarde qui longe la digue, dos à la mer. Ils sont déprimés parce que les ados n'arrivent pas à décrocher le moindre petit boulot qui puisse servir à payer leur stage de char à voile. Pas de thune, gros problèmes.
En face d'eux, un travelling sur lequel glisse une dolly Panther portant une Arriflex SR3 avec…
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12 septembre, Forest
VVVvrrrriiiii. Qu'est-c'est-k'ça ? Bang ! Le crash. Une épaisse fumée enveloppe deux véhicules. Cling-clang. Une portière. Un mec furibard sort de sa bagnole. Une furie. "Alors ? !". Un dingue, (petit, un peu rond, binoclard, les cheveux en bataille), courant, non, virevoltant, speedé à la vitesse pure, genre Michael Schumacher du mollet, tandis que la conductrice choquée, pas ici, ailleurs, s'extrait de son véhicule bleu navy.
Au ralenti. Hébétée, un peu triste, l'âme vagabonde, genre fêlée nostalgique. " Vous êtes folle ou quoi ? Vous venez de la gauche et en plus"-il plisse les yeux ébahi et murmure : "Tu es Mireille, on a été…
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Costume sombre, chemise sombre, cravate sombre, Nike aux lacets défaits, Victor (Stéphane Guerin-Tillie) appuyé contre la portière du break, affiche un air soumis : "Tu vois, ça aussi, c'est la base du métier ". L'envol soudain d'un pigeon dans un fracas d'ailes battantes fait grimacer Olivier Hespel, l'ingénieur du son. " Et Marchand le sait très bien " rétorque Francis en sortant du champ de la caméra." Coupez ! On va faire un pick-up à partir de " Marchand le sait très bien, c'est pour ça qu'on y va tout de suite". dit d'une voix posée Jean-Paul Lielienfeld, le réalisateur, pantalon cargo clair et polo noir. Le soleil est filtré par un large… Lire l'article
L'Heure du leurre
Conversation
Soit Les Ménines de Velasquez (1656). Une sorte de chronique de la vie de cour au centre de laquelle figure l'Infante d'Espagne et, dans le tableau, à droite, Velasquez regardant non pas son modèle (l'infante) mais le spectateur. Ce tableau a inspiré à Michel Foucault un chapitre des Mots et les Choses devenu célèbre. Il y analyse la captation du regard du spectateur par le peintre, son entrée dans le cadre de l'image.
Le peintre
"Au moment où ils placent le spectateur dans le champ de leur regard, les yeux du peintre le saisissent, le contraignent à entrer dans le tableau, lui assignent un lieu à la fois privilégié et obligatoire, prélèvent…
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L'Offrande musicale
Je suis aujourd'hui convaincu que c'est l'insécurité qui rend l'art intéressant. – Paul Van Nevel
Après Philippe Herreweghe, et le verbe s'est fait chant, un documentaire passionnant et passionné consacré à l'un des pionniers du renouveau de la musique baroque, Sandrine Willems s'attaque à l'une des "stars" du renouveau de la polyphonie de la Renaissance : Paul Van Nevel himself.La polyphonie qui utilise quatre voix (superius, altus, ténor, bassus) a été considérée, de Josquin des Prés à Palestrina, comme l'ars perfecta. " Cet "art parfait", explique René Jacobs, était celui des…
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Manuel Dang, le réalisateur de Baroud, tee-shirt gris clair et jeans couleur charbon prend une cigarette dans son paquet, l'allume et observe, avec attention, une séquence que l'écran de contrôle déroule sous ses yeux. A ses côtés, Michelle Maquet, chef-monteuse, que nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer plusieurs fois écarte de son front une mèche de cheveux de la main gauche tandis que de la main droite elle clique sur le clavier de commande de son ordinateur. Le second écran se couvre d'icônes de la taille d'un timbre-poste comme autant de plans d'ouverture des séquences du film. Ils travaillent dans la salle de montage surchauffée du CBA. Baroud, premier… Lire l'article
Les caprices de Marianne
Nous sommes à Laeken, à une portée de flèche de l'Atomium, rue Gustave Gilson, dans un appartement transformé en studio. Toutes les fenêtres ont été occultées pour permettre aux mandarines et boîtes à lumière d'éclairer la scène à huis clos qui se déroule sous nos yeux. Il fait une chaleur étouffante, tout le monde transpire, les tee-shirts mouillés ressemblent à celui de Steve Mac Queen dans les Sept mercenaires de John Sturges. Seuls Marianne (Chantal Descampagne) et Jules (Marcel Dossogne), le couple attablé, que filme l'équipe avec une caméra Aaton S16, semblent imperturbables et frais sous…
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Sauve qui peut la vie
" Il est difficile d'admettre, impensable de déclarer que la présence d'une multitude d'humains devient précaire, non du fait que la mort devient inéluctable, mais du fait, que de leur vivant, leur présence ne correspond plus aux logiques régnantes, puisqu'elle ne rapporte plus, mais se révèle au contraire coûteuse, trop coûteuse ", écrivait il y a trois ans Viviane Forrester dans l'Horreur économique. Depuis lors, une régulation de l'économie mondiale ne s'est pas substituée à la dérégulation des économies nationales mais l'humain continue à manifester sa présence, résiste,…
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The Best years of our lives
Nous sommes à Grenay, près de Lens, dans la région Nord Pas de Calais. Aux frontières d'une cité ouvrière, un terrain vague sur lequel la déco du film a installé une sorte d'arrêt de bus. Quatre hommes dans le préau d'un bâtiment désaffecté, sous un ciel de printemps qu'une pluie battante réglée par la déco obscurcit quelque peu, se font des vannes. La sonnerie d'un portable interrompt les conversations. Sergent (Etienne Chicot) décroche : " Ah!, Bonjour ma bichette...quoi ? ". Coup de klaxon. La camionnette de Demanet (Benoît Poelvoorde) s'arrête au milieu de la rue. " Jérôme ! "…
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A l'insu de leur plein gré
Chemin de Putdael, à Woluwe Saint-Pierre. Dans la cuisine d'une villa cossue. Une table ronde éclairée indirectement par des mandarines et par une boîte à lumière au-dessus de la table. Quatre enfants et Manon, une adolescente ayant revêtu le peignoir de la mère, sont disposés autour d'une table.
En face d'eux, des assiettes. Simon ouvre un Tupperware et s'exclame : " Berk ! ". Manon mimant la mère lui dit : " Simon ! Comment ça " berk " c'est délicieux ce crumble aux cerises ", ajoute-t-elle en constatant que l'intérieur du Tupperware est recouvert d'un duvet de pourriture.Elle…
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La parole et la lettre
Au 13, rue de Belgrade, dans les locaux de Radowski films, Mustafa Balci (le réalisateur de Toprak) monte Tyrannopolis 1 et 2, un long métrage en forme de diptyque Istanbul versus Bruxelles. "Autant Bruxelles est un regard, autant Istanbul est une parole, nous confie le réalisateur. L'idée était de faire parler les gosses des rues parce qu'ils n'ont pas droit au regard, sont considérés comme des parias. Leur seule façon d'exister était de prendre la parole. Bruxelles servant de contrepoint à Istanbul. Réaliser un film sur eux a changé leur perception du monde. Pour la première fois quelqu'un s'intéressait à eux, venait - d'Europe,…
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Au troisième étage, dans l'une des salle de montage du studio Lou Ease, 51-55, rue Gustave Huberti, à Schaerbeek, Michèle Macquet (chef-monteuse), vêtue d'un pull épais de couleur mauve, les cheveux courts, lunettes, fait face à deux écrans. Elle déplace la souris de l'écran de contrôle, en haut deux plans du film s'affichent comme deux petites fenêtres. Elle clique sur une icône, la flèche se transforme pendant quelques secondes en sablier, puis un gestionnaire de programme avec divers symboles s'affichant à la droite de l'écran. Autour de la monteuse, Alain de Halleux, le réalisateur de La Trace et de No pour dire oui, (un… Lire l'article
Le voyage des comédiens
Nous sommes au 34, rue de Stassart, dans la grande salle du Conservatoire. Sur la scène, le décor d'une chambre à coucher. Sur un matelas posé à même le sol, recouvert de draps blancs à carreaux bleus, deux comédiens, Philippe, un homme en pyjama noir (Eddy Letexier), et Ariane, une femme légèrement vêtue (Sandrine Blancke), se font face sous les yeux attentifs d'une salle bourrée de spectateurs. Derrière eux sont projeté les images d'un home movie tourné en Grèce. La caméra Aaton munie d'un objectif Zeiss capte la scène en un rapide travelling avant qui, au départ, englobe les spectateurs (en ombres chinoises)…
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