Elles sont dynamiques, passionnées, et surtout d'une patience infinie. Enseignantes ayant quitté un système qui ne répondaient pas aux problématiques de leur quotidien et de celui des enfants qu'elles rencontraient, elles gèrent depuis 2016 la "petite école". Un lieu d'accueil et d'apprentissage basé dans les Marolles, destiné à l'accueil des enfants sans passé scolaire, souvent issus de l'exil, réfugiés ou simplement en mal d'intégration. Avec un but : leur permettre de se trouver et de s'accomplir.
Éclaireuses
Derrière ce projet, il y a Marie, Juliette, et tous ceux et celles qu'elles inspirent au quotidien. Deux enseignantes, deux héroïnes du quotidien qui, se remettant sans cesse en question, tentent au mieux d'accompagner ces enfants vers une intégration dans le système scolaire belge et vers la dure période qu'est celle de l'adolescence. Et, comme on le comprend rapidement dans ce documentaire de la cinéaste Lydie Wisshaupt-Claudel, l'affaire n'est pas simple. Car dans encadrement, il y a cadrer. Travailler les caractères pour qu'ils puissent s'épanouir dans un système où l'énergie est canalisée, voire muselée au profit du groupe, tout en perpétuant ce qui fait d'eux des individus et des personnalités uniques. Pour faciliter cette évolution, les équipes encadrantes proposent des ateliers variés mettant l'échange au centre du processus d'apprentissage. Les cinq sens sont sollicités pour communiquer les émotions, apaiser les tensions et créer des liens.
Dans cet univers plein de bienveillance, la documentariste filme avec un dispositif réduit qui semble le moins envahissant possible, tout en lui permettant de saisir les moments de complicité comme les instants de conflit. On sent une longue période d'acclimatation derrière ce travail, tant la caméra parvient à capter des petits moments de tendresse. Mais la réalisatrice ne fait pas qu'une éloge idyllique de ce travail. Méticuleuse, elle filme aussi la fatigue, les hordes d'enfants, les moments de doute, et la ténacité avec laquelle les porteuses du projet maintiennent le cap et partagent leur expérience. Au four et au moulin, elles sont pleinement conscientes des fondations qu'elles construisent pour ces jeunes et leur avenir, étant à la fois accompagnatrices, enseignantes et personnes de confiance. Avec leur équipe, elles donnent aux enfants le temps qu'ils méritent, au même titre que la cinéaste qui donne au spectateur tout le temps de découvrir toutes les facettes et les implications du projet. En prenant le temps d'être à l'écoute des enfants, les animatrices créent de vraies relations avec eux. En prenant le temps de la captation, la documentariste saisit des moments d'exception. Et au-delà de ce travail quotidien, le film montre aussi tout le travail de sensibilisation qu'opère la "petite école" auprès des enseignants et des professionnels du secteur. Pour une meilleure compréhension des enjeux, des obstacles et des clés pour comprendre plutôt que réprimer, communiquer plutôt que punir. Une caméra-témoin avec un vrai point de vue, et une sensibilité aux sons et à la poésie des images que peuvent avoir ces instants de complicité autour d'une pluie de sable. Une petite école, des grands coeurs, et un beau film, à découvrir sans tarder.